Mon cher Charly,

J’ai pris connaissance récemment d’un courrier que tu as reçu de notre ami, ton « cousin » comme il se plaît à t’appeler.

Je te rappelle qu’il convient de maintenir une distance prudente avec lui : tu sais bien qu’il est impossible de changer de camp.

Il a fait une sorte d’éloge funèbre, à sa façon, d’un grand chef d’orchestre. Pour l’instant sache qu’il ne s’est pas encore présenté chez nous.

En revanche je voulais te dire que nous attendons avec impatience un hôte de marque, qui a quitté sa demeure provisoire. Il tarde un peu… Je sais que dans certain cas le « premier entretien », comme ils l’appellent, se prolonge  pour les cas difficiles. Je dois t’avouer que je ne comprends toujours pas pourquoi ils tergiversent, surtout quand il s’agit de certains « clients ». Celui-là nous a bien servi et nous a fait beaucoup de bien en faisant beaucoup de mal à l’ennemi.

François Cavanna.9 Cet hôte de marque s’appelle François Cavanna, un monument de la mouvance libertaire. J’ai hâte de le rencontrer. Ce qui me plaît chez lui c’est son côté iconoclaste, sa verve sans fioriture, anguleuse, rocailleuse, irrespectueuse, qui a su porter la provocation au rang d’un art majeur parce qu’il faut lui reconnaître quand même un certain génie. Il avait de l’humour, même s’il avait souvent un arrière-goût de « vomi » et des relents de décharge à ordures, mais il en avait pour tout le monde et ça, ce n’était pas donné à tout le monde. Le sommet de sa réussite il le confiait à un journal qui s’embourbe quotidiennement dans un intellectualisme petit bourgeois, ce qu’il détestait le plus. « On admire Hara Kiri comme une glorieuse réussite. Or même au temps de sa grande diffusion, il était haï à l’unanimité, par la presse et les artistes. On était un journal vulgaire. On nous reprochait notre mauvais goût. On était une réunion de bandits, d’individus à la marge, de révoltés. » [1]

Au fond il avait bien raison de s’en prendre à certains journalistes « créateurs d’opinion », faiseurs de rois autant que destructeurs de réputation, propagateurs de contre-vérités. Mais ce n’est pas à toi ni à moi de prendre le contre-pied de ceux qui travaillent pour notre camp, quelle que soient leur motivation. Nous savons bien qu’ils ne croient ni à Dieu ni à diable, leur cri de guerre est « Ni Dieu, ni maître »… Un jour ils comprendront … quand ce sera trop tard !

En attendant regarde, écoute et informe-toi. Il y a du grain à moudre chez les créatures et ce n’est pas le moment de prendre des vacances.

Des informateurs me disent que le feu couve en Fhollandia. C’est bon pour nous. A toi de mettre à profit cette excellente conjoncture.

Tu as droit à ma « bénédiction griffue ».

 Le diableLe sbire de Shaytân

2014-02-03



[1] Le Monde, 2014.01.31 « François Cavanna, mort d’un « rital ».

27. août 2013 · Ecrire un commentaire · Catégories: Le sbire · Tags:

 

Mon cher Charly,

Tu me permettras, après un trop long silence, de te rappeler les grands principes qui devront guider tes interventions auprès des funestes créatures.

Ni Dieu ni maître

[Inscription au pochoir – Paris 2005 … sans publicité pour les auteurs ni sur le site]

Premier principe : ne pas croire que tu les convaincras en les persuadant que Dieu n’existe pas. D’abord et pour commencer, même si je te déconseille de t’évertuer à leur en faire la démonstration, il existe bel et bien, preuve en est que sinon, nous ne perdrions pas notre temps à vagabonder dans le monde pour les détourner de son emprise. Depuis la nuit des temps toutes les ficelles de l’entreprise ont échoué : les catastrophes naturelles, les raisonnements intellectuels, les leurres que nous avons envoyés dans toutes les directions, l’ennui, la solitude, le chagrin, la maladie et même la mort… rien n’a jamais marché. L’ennemi est trop bien armé et, pour notre plus grande déconvenue, qui est aussi le moteur principal de notre révolte, il s’arrange toujours pour ouvrir une fenêtre vers l’espérance.


Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l'Enfer - Gustave Doré - 1861

[Dante et Virgile dans le Neuvième Cercle de l’Enfer – Gustave Doré 1861]

Deuxième principe : ne nourris pas de faux espoirs de les rassurer en les laissant croire que l’enfer n’existe pas, que le diable est un mythe inventé par des cerveaux ramollis ou dégénérés, que le mal n’est qu’un incident dû au hasard et qu’il se produit seulement parce que le monde n’est pas parfait. Ils n’ont pas besoin que tu leur démontres qu’il y a un ordre dans l’univers. Tu constateras que depuis des générations et des générations ils sont passés d’un état plutôt primitif à la découverte des plus grandes vérités dans d’innombrables domaines. J’ai beaucoup de mal à l’avouer mais, si je les affuble volontiers des qualificatifs les plus méprisants, force est de reconnaître qu’ils ont gardé quelque chose de l’étincelle divine. La seule conclusion que tu dois tirer de ce constat c’est que tu devras toujours faire en sorte qu’ils l’oublient. A toi de trouver les moyens les plus efficaces pour les détourner de lui.

Le péché originel - Eve - Chapelle Sixtine.2

[Michel Ange – Chapelle Sixtine – Médaillon « Le péché originel et l’expulsion du paradis » (Détail : Ève) – 1509-1510]

Troisième principe : c’est la voie que tu devras toujours privilégier : l’indifférence, le sentiment qu’ils auront toujours assez de temps pour y penser plus tard et que le plus important pour eux est de profiter de la vie. Ils vivent en effet, de mieux en mieux et de plus en plus longtemps. Ils en sont arrivés à croire qu’ils créent, qu’ils inventent, qu’ils renouvellent, qu’ils ont acquis des pouvoirs qui leur permettent, -c’est ce qu’ils s’imaginent-, de dominer le monde de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Il est inutile de chercher des formules nouvelles. On ne refera jamais mieux ce que notre père d’en-bas a réussi la première fois et du premier coup : leur suggérer par une intuition géniale que s’ils consentaient à toucher au fruit défendu ils deviendraient « comme des dieux ».

C’est toujours d’actualité et c’est  une méthode qui marche à tous les coups… Enfin, pour être juste, c’est par là qu’ils entrent toujours dans notre camp pour commencer. A nous, et maintenant à toi sur le terrain, de faire en sorte qu’ils n’en sortent pas.

Je t’envoie sous peu des idées à approfondir et des pistes à exploiter.

Ne perds pas courage. N’oublie pas que les temps sont favorables mais qu’il ne tient qu’à toi d’entretenir cet état.

Porte-toi bien.

 Le diable - RéductionLe sbire de Shaytân

2013-08-19

 

 

 

Horloge révolutionnaire.3

Horloge révolutionnaire.4

Horloge révolutionnaire 1793-1795

« L’homme est la résultante de causes qui n’avaient pas prévu les effets qui en découleraient : son origine, son développement  ses espoirs et ses craintes, ses émotions et ses convictions ne sont que le produit d’associations d’atomes accidentelles  Aucun feu, aucun héroïsme, aucune pensée ni aucun sentiment aussi intenses soient-ils, ne peuvent préserver une vie au-delà de la tombe… Tout le labeur effectué au cours des âges, toute la ferveur, toute l’inspiration, toute l’éclatante expression du génie humain, sont voués à disparaître dans l’extinction générale de notre système solaire, et tout l’édifice des réalisations humaines sera inévitablement enfoui sous les décombres d’un univers en ruines — cela n’est pas absolument indiscutable, mais si près d’être certain qu’aucune philosophie ne peut espérer perdurer si elle rejette ces notions[1]

Mon cher Charly,

Le temps a trop longtemps passé depuis mon dernier courrier et il est juste que je reprenne la main après les semaines que nous avons vécues.

Beaucoup d’événements se sont produits dont il est essentiel que nous tirions l’enseignement qui convient pour faire avancer nos affaires.

Le plus urgent est de ne pas prendre de retard pour mener à bien la mission que je t’ai confiée pour entraver l’action des « soldats » de l’ennemi qui a pris une nouvelle orientation avec l’élection de son nouveau représentant.

Ainsi il s’appelle François. Tout un programme ! Nous y reviendrons car il faudra prendre des mesures adaptées à cette nouvelle personnalité à laquelle est échue la responsabilité terrestre des affaires de l’ennemi.

Pour l’heure permets-moi de te rappeler à l’actualité en Fhollandia.

Elle est plurielle, pour emprunter à la sémantique des créatures stupides un adjectif qui leur plaît beaucoup et qui veut dire tout et le contraire de tout. Cet adjectif accolé à n’importe quel concept semblerait démontrer qu’on est « aware » ou, si tu veux, à la page. Ainsi ils s’imaginent qu’ils font preuve d’ouverture d’esprit … mais si tu regardes les résultats ce n’est pas brillant. Tu devras compter sur cette disposition bien commode pour semer la zizanie. Dont acte.

Voilà mon propos pour aujourd’hui : tu vas recevoir des directives pour différentes situations et tu devras élaborer ta stratégie pour remplir ta mission mais auparavant il m’apparaît nécessaire de parfaire ton éducation culturelle afin de mieux comprendre comment fonctionne le monde où tu vas faire ton stage pratique.

Avant d’entrer dans le détail concret de ta mission je souhaiterais t’entretenir d’une notion qui te sera très utile. Je veux parler de la « modernité ». Je mets des guillemets car c’est un concept ambigu, affligé de la prétention de recouvrir des situations très diverses, que seul le mot rassemble mais qui n’ont pas grand-chose à voir entre elles. La citation qui introduit ce courrier est à mon sens une heureuse synthèse de tout ce qu’apporte la modernité dans la pensée contemporaine.

L’important pour toi est de te convaincre que la modernité exerce une étonnante fascination sur les abjectes créatures, ce qui nous donne un grand avantage et beaucoup d’occasions de les entraîner sur notre terrain par la méthode dans laquelle nous excellons depuis longtemps : la tentation.

« L’homme moderne, dit Paul Valéry, est l’esclave de la modernité : il n’est point de progrès qui ne tourne pas à sa plus complète servitude. » Tu te rendras vite compte qu’ils ont un tel attrait pour la liberté qu’ils ne se rendent même pas compte que leurs chaînes s’appellent « liberté de pensée ». Ils en ont même fait des mouvements qui se revendiquent tous des principes puisés dans la mouvance libertaire. Retiens bien cette observation, elle est un des secrets de notre efficacité et tu devras toujours entretenir leur aspiration à être libre. Si tu veux mon avis, c’est peut-être l’erreur majeure de l’ennemi de leur avoir donné cette capacité.

Accorde-moi de te donner quelques instructions à propos de la modernité.

Au-delà d’un concept sociologique ou politique la modernité est une mode qui habille la civilisation et qui s’impose avec la prétention de s’opposer à ce qui avait cours avant, à savoir « la tradition ». Par tradition on comprend toutes les autres cultures antérieures dites traditionnelles. Ces cultures atomisées, selon une grande diversité géographique et humaine et avec tous les symbolismes qui s’y attachent, s’opposent à la modernité qui s’individualise par son unité, son homogénéité, et qui irradie, tel un nouveau soleil, dans toutes les directions du monde connu à partir de l’Occident.

La modernité s’inscrit sur un mode sujet à variations qui mêle le mythe et la réalité dans tous les domaines et engendre finalement une grande confusion. Mais son champ d’action est presque universel et englobe des secteurs aussi variés que la conduite d’un État moderne, les arts, la littérature, le théâtre et le cinéma, la peinture, la musique moderne, le mode de vie, les mœurs et les idées et finalement le quotidien.

Le poids de la modernité est imposant et, il faut bien l’avouer, il est presque impossible aujourd’hui de se faire entendre si on ne passe pas par les fourches caudines de cet impératif culturel incontournable : avant il y avait la tradition, désormais il faut compter avec la modernité.

Et pourtant elle reste une notion aux contours plutôt indéfinissables qui, in fine, emprunte beaucoup à  la tradition que pourtant elle rejette comme dépassée. Elle s’arroge un pouvoir usurpé et prétend apporter sur toute chose du nouveau : un « système de valeurs » qu’elle invente et qui lui donnerait ses lettres de noblesse. Si je voulais la dénigrer je dirais qu’elle est une « idéologie », mais la perversion qu’elle introduit dans le jugement et le comportement des créatures te sera des plus utiles. Je t’invite à approfondir cette notion pour t’en imprégner afin de dégager une ligne de conduite pour remplir ta mission.

Le plus intéressant dans la modernité c’est sa capacité à remplacer opportunément les références du passé, qui ont été pendant trop longtemps l’apanage de l’ennemi et grâce auxquelles il a réussi à entraîner vers lui des générations. Il faut changer tout ça. Il faut en finir avec la tradition.

Tu trouveras tous les outils pour te débrouiller chez beaucoup d’intellectuels mais tu ne devras jamais oublier que ton premier objectif n’est pas de t’embourber dans la palabre intellectuelle, mais de te servir de leurs théories pour pervertir les autres. … Quant à ces « penseurs », ils sont bien partis pour entrer un jour dans le royaume de notre maître.

Ce qu’il faut surtout comprendre et qui sera le plus utile pour toi, c’est que, et là je cite un des maîtres à pensée[2] : «… L’œuvre de la raison elle-même, et donc surtout de la science, de la technologie et de l’éducation, et les politiques sociales de modernisation ne doivent pas avoir d’autre but que de dégager la route de la raison en supprimant les réglementations, les défenses corporatistes ou les barrières douanières, en créant la sécurité et la prévisibilité dont l’entrepreneur a besoin et en formant des gestionnaires et des opérateurs compétents et consciencieux. […] L’Occident a donc vécu et pensé la modernité comme une révolution. La raison ne connaît aucun acquis ; elle fait au contraire table rase des croyances et des formes d’organisation sociale et politique qui ne reposent pas sur une démonstration de type scientifique [3]».

Ce que tu dois comprendre c’est que la modernité est la clef de la sécularisation grâce à laquelle tu obtiendras de faire croire qu’un nouveau mode de penser est à même de remplacer Dieu par la « Société » comme principe du jugement moral.

Si tu regardes l’actualité du moment en Fhollandia tu verras que les choses sont vraiment bien parties pour jeter de son piédestal cette tradition honnie.

Pour terminer sur le sujet je conclurai en te disant que le flou qui entoure tout ce qui porte la marque de la modernité est bien pratique car il n’y a pas de lois de la modernité, il n’y a, comme dans la peinture[4], que des impressions de la modernité. Il n’y a pas de fondamentaux théoriques, mais une simple logique de la modernité. Une authentique idéologie s’est ainsi construite autour d’un noyau sans consistance qui repose sur un principe qui nous va très bien : une morale du changement ayant valeur de règle canonique et qui s’oppose à la morale canonique éculée de la  tradition tout en sauvegardant les apparences et en évitant tout changement radical trop brutal. Avec les infectes créatures tu comprendras vite qu’il faut y aller en douceur… du moins au début.

Je te laisse réfléchir à ce programme et dans un prochain courrier je reviendrai avec des propositions pour des actions concrètes.

Ton oncle, Le sbire de ShaytânLe diable - Réduction

2013.05.25

 

 

 


[1] Bertrand Russell, Why I Am Not A Christian, And Other Essays On Religion And Related Subjects Traduction :  «Pourquoi je ne suis pas chrétien», Simon and Schuster; New York 1957.

[2] J’ai volontairement opté pour le substantif, plutôt que pour l’infinitif, parce que chez les créatures la pensée n’est rien d’autre qu’un support matériel qui ne fonctionne pas au mieux de ses capacités !

[3] Alain Touraine – Critique de la modernité – 1992

[4] « La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable. Il y a eu une modernité pour chaque peintre ancien. » Charles Baudelaire

 

 

Le Jugement dernier - SixtineMon cher Charly,

Je t’ai envoyé ta « lettre de mission ».

Je n’ai pas reçu de nouvelles et tu voudras bien confirmer si tu as reçu mon courrier et comment tu l’as reçu.

Depuis quelques jours la situation a bien changé et tu auras sans doute appris que le représentant en titre de l’ennemi a renoncé à l’exercice de la charge qu’il portait, pour des raisons dont il a informé ses pairs et tous ceux qui dépendaient de son autorité.

Cela change et ne change pas substantiellement notre stratégie.

Ce qui ne change pas c’est qu’après un temps de « vacance » un autre prendra sa place.

Ce qui peut changer c’est que ces périodes de transition sont intéressantes pour nous, car nous avons là une belle occasion d’entretenir le trouble dans les esprits. Tu prendras le temps de t’informer de tout ce qui se dit et surtout de qui le dit.

Il est vrai que la situation est tout-à-fait inédite. Comme cela ne s’est jamais vraiment produit jusqu’à présent, la perspective est novatrice et donne libre cours à toutes les interprétations.

Les médias sont prolifiques sur le sujet et toutes les hypothèses ont été dessinées à grand renfort d’imagination, ce qui nous amuse beaucoup ici. Il n’y a pas tant de motif de réjouissance de notre côté que nous trouvions au moins un peu de satisfaction de constater que les choses ne vont pas très bien sur le terrain où tu es chargé de réaliser les exploits que nous attendons de toi !

Laisse-moi te donner quelques pistes pour mettre à profit cette période qui peut en déstabiliser pas mal.

  • Il y a les pessimistes :

« … Pensé avec tristesse à tout le terrain perdu par l’Eglise. Elle ne mourra pas puisque le Christ a dit que les portes de l’enfer ne prévaudraient pas contre elle, mais il est  possible que vienne le jour où la vérité ne sera plus représentée que par quelques millions de catholiques persécutés ayant à leur tête un petit vieillard en soutane blanche qui se cachera dans je ne sais quelle catacombe. Quand le Fils de l’homme reviendra sur  la terre, pensez-vous qu’il trouvera encore la foi ?[1] »

Ceux-là tu peux les oublier, ils sont sans importance. Ils vivent comme des reclus dans un asile spirituel où ils se morfondent en regrets stériles.

  • Il y a les partisans d’un changement radical :

« Il m’a surpris. C’est une des choses positives de son pontificat de dire : « Voilà, je pars… « . C’est un acte de lucidité et de courage. « Bravo, c’est un acte de modernité que sa démission », dit le prélat aux positions souvent considérées comme contestataires au sein du clergé. Sur son pontificat, je suis réservé (…) Je ne pense pas que c’est le pape dont le monde catholique avait besoin. Il a accentué le conservatisme de l’Eglise. Il n’a pas ouvert les portes », a regretté le prélat, citant les questions de bioéthique, de sexualité, les femmes ou encore l’ordination des prêtres.[2]»

« Nous avons besoin d’un pape qui soit davantage un curé qu’un professeur. Un représentant de Jésus capable de dire : « Si quelqu’un vient vers moi, je ne le renverrai pas » (cf. Jean 6, 37[3]) qu’il soit un homosexuel, une prostituée ou un transsexuel. [4]»

Ceux-là tu devras les soigner parce qu’ils servent nos intérêts, mais uniquement par leurs discours. Sinon ils sont plutôt « has been ».

  • Il y a ceux qui n’y connaissent pas grand-chose mais qui ont toujours quelque chose à dire surtout sur les sujets qui sont aux antipodes de leurs intérêts personnels :

Le député de l’Essonne Nathalie Kosciusko-Morizet, y a vu, elle, « Un signe de modernité (…) assez paradoxal de la part d’un pape qui a marqué par une théologie assez traditionnelle ».

« Un avis partagé par l’ancien ministre de l’intérieur Claude Guéant qui a estimé le même jour sur Canal + que cette décision était « une bonne nouvelle » qui montre « la capacité de l’Eglise de se renouveler et d’embrasser une forme de modernité »[5].

Ceux-là aussi tu peux les négliger, ils sont des verts-luisants qui ne brillent que sous l’éclairage de la lumière obscure des médias !

  • Enfin il y a les vrais, les authentiques, les « durs-à-cuire », ceux qui resteront malgré toutes les tempêtes … Hélas avec ceux-là tu risques de perdre ton temps.

J’attends ta réponse et tiens-moi au courant de tes (nos !) affaires.

Ton oncle, le sbire de Shaitân      Le diable - Réduction

2013.03.03        



[1] Julien Green, Journal T III

[2] Mgr J. Gaillot, ancien évêque d’Evreux (1982) Evêque in partibus de Parténia depuis 1995.  http://www.leprogres.fr/france-monde/2012/08/03/mgr-gaillot-eveque-de-partenia-loin-des-micros-et-des-cameras

[3] Le texte officiel dit, et il vaut la peine de compléter la citation pour la placer dans son vrai contexte :

37 « … celui qui vient à moi, je ne le jetterai point dehors.

38. Car je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé.

39. Or, la volonté de celui qui m’a envoyé, est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour.

40. Car c’est la volonté de mon Père qui m’a envoyé, que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle ; et moi je le ressusciterai au dernier jour. »

[4] Léonardo Boff (Le Monde, 2013.02.28 Cahier « L’Eglise après Benoît XVI »). L. Boff a été l’un des chefs de file de la théologie de la libération dans les années 1970-1980 au Brésil. En 1992, il quitte le sacerdoce.

Le diable

Mon cher Charly,

[Lettre de mission]

 Je vais te confier une mission spéciale qui requiert beaucoup de savoir-faire et qui doit nous permettre de gagner beaucoup de disciples pour notre père d’en-bas. N’oublie pas que notre ennemi est celui qu’ils appellent « le Père du ciel » ou « le Père d’en haut ».

Tu vas devoir te rendre dans un nouveau pays[1]. Il s’est acquis depuis des siècles, une distinction honorifique que nous détestons plus que tout. Il est la première nation à être passée dans le camp de l’ennemi et à ce titre on l’appelle la « fille aînée de l’Eglise ».

Au fil des siècles nous avons fini par gagner beaucoup de terrain et, de façon décisive depuis qu’ils ont fait « leur révolution ». La seule pensée de cette période idyllique me réconforte quand je pense à toutes les batailles que nous avions engagées et que nous avons perdues. Mais pendant cette période et grâce à elle nous avons fait beaucoup de belles conquêtes sur bien des terrains. Et jusqu’à aujourd’hui nous en tirons les bénéfices. Mais il ne faudrait pas nous endormir sur des lauriers durement mais jamais totalement conquis.

Tu dois prendre conscience que le seul fait de t’envoyer là-bas porte la marque d’une grande confiance, mais aussi d’une grande responsabilité. Tu ne devras jamais oublier que cette nation nous a fait le plus grand mal en envoyant partout dans le monde des missionnaires pour évangéliser. Tu imagines, des hommes et des femmes qui ne demandaient rien à personne, ont vu arriver chez eux des personnages dans un accoutrement ridicule et qui, en plus, ne craignaient pas d’aller dans des régions reculées et complètement perdues où même les autochtones n’osaient pas s’aventurer. C’est dire s’ils y croyaient !

Heureusement nous avons réussi à leur mettre des bâtons dans les roues en intervenant auprès des responsables politiques de cette même nation pour qu’ils envoient en même temps des fonctionnaires et des soldats qui n’avaient pas l’objectif d’évangéliser. Bien sûr, il se trouvait parmi eux des brebis galeuses qui marchaient main dans la main avec les missionnaires. Mais finalement nous avons obtenu au bout du compte des résultats intéressants : les guerres coloniales ; les guerres d’indépendance et leurs séquelles, notamment l’anticolonialisme qui est aujourd’hui l’un de nos meilleurs atouts pour discréditer l’ennemi dans ces pays.

Quant aux missions, si tu regardes le résultat aujourd’hui, ce n’est quand même pas aussi brillant qu’ils veulent le faire croire. Ils ont fait des disciples mais à quel prix pour ceux qui sont partis : la maladie, le martyre (une arme toujours efficace mais dont il ne faut pas abuser), les désillusions, les défections parmi les convertis et y compris dans leurs propres rangs.

Si je te dresse ce tableau somme toute contrasté, c’est pour te mettre dans l’ambiance de cette nation qui est en train de s’enfoncer dans une crise qui est surtout spirituelle et morale et c’est ce qui nous sert le plus. On peut certes en rajouter des louches en introduisant une dose de crise matérielle, mais ces crises-là ont toujours des solutions, même si elles facilitent momentanément l’aggravation de l’autre crise, la crise morale et spirituelle qui est la seule qui nous intéresse vraiment, et qui est la condition sine qua non de toutes les autres et donc de nos plus belles victoires.

Tu te renseigneras bien sur l’histoire récente de cette nation, sans perdre de vue que les faits ne seront jamais que des circonstances accidentelles que nous devons exploiter au mieux de nos intérêts, mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui compte c’est de créer une exaspération qui ramène les créatures abominables vers des centres d’intérêt très primaires qui les éloignent le plus longtemps possible de la pensée de l’ennemi.

Je ne te cache pas que la situation est grave car tu apprendras que le représentant officiel de l’ennemi, qui habite le pays voisin, a décidé d’ouvrir une année de la Foi. Rien que ça ! Nous qui avons mis des siècles pour miner le terrain et tenter de réduire la foi à de vagues croyances,  figure-toi qu’il vient de nous déclarer la guerre. On va voir ce qu’on va voir, mais cette année promet de belles empoignades.

Justement, le moment est venu de leur porter un coup sérieux. Tu sais qu’ils ont gouvernement et celui qu’ils ont depuis quelques mois nous sert plutôt bien. Ne crois pas que je sois naïf : leurs grands principes, leurs convictions sont fragiles et ils en changent souvent sans se rendre compte que c’est du vent, rien de très sérieux comme la foi et tout ce qui en dérive comme la prière, les sacrements, les œuvres de charité. Tu peux retourner comme un gant un de ces arrogants défenseurs de belles convictions politiques et ça ne leur fait ni chaud ni froid, mais faire sortir de l’Eglise un croyant authentique, c’est une autre paire de manches. Je sais bien que nous avons des taupes à l’intérieur de l’institution mais ils ne sont pas fiables et de toute façon, même s’ils servent nos intérêts, les traîtres ne sont jamais de bons clients.

En ce moment, et grâce à des transfuges –ils les appellent des renégats-  nous avons réussi à allumer une double mèche qui va, je l’espère, mettre le feu aux poudres. Il s’agit de bien manœuvrer et de jouer serré. Leur nouveau gouvernement a sur le gril deux projets qui sont deux petites merveilles. Tu te rends compte, le premier projet est le meilleur outil qu’ils mettent entre nos mains pour détruire la famille et tout ce qui s’en suit Quant au deuxième il aura pour objectif une loi des plus intéressantes pour nous : elle devrait autoriser à envoyer ad patres un bon nombre d’entre eux qui ne supportent plus de vivre dans des conditions qu’ils jugent, et on les comprend, indignes. Ce projet les mettra dans les conditions optimales qui leur ouvrent toute grande la porte qui conduit chez nous. Entre nous, la vie est bien la chose la plus pénible qui soit et ils n’ont pas conscience du mal de chien que nous nous donnons pour la leur rendre insupportable. Une de leurs passionarias, la « folle d’Avila », écrivait, à propos de la vie : « …une mauvaise nuit dans une mauvaise auberge [2]». Elle savait de quoi il retourne, elle à qui nous en avons fait voir de toutes les couleurs.

Ne perds pas ton temps avec ceux qui résistent, ceux qui ont fait un objectif de toute leur vie d’être un « signe de contradiction » dans un monde sécularisé, supportant toutes les épreuves. Ils seront toujours réfractaires à nos argumentations. Ils sont du même acabit que cette foule d’indomptables que nos lointains prédécesseurs envoyaient en cohorte dans les cirques et dont ils ont fait des saints martyrs.

« Dieu-merci » (Ô, pardon !) pour eux, les arènes ont fermé boutique mais il reste, heureusement pour nous, le cirque médiatique qui finalement est beaucoup plus intéressant, moins cruel et plus amusant.

Et surtout arrange-toi toujours pour que les disciples de l’ennemi marchent en ordre dispersé, que l’on ait l’impression que la religion, ce système imbécile, que l’un de nos meilleurs alliés a qualifiée d’opium du peuple, apparaisse comme une utopie qui rend stupide, en plus ne pas leur apporter le bonheur qu’ils espéraient.

Il faut qu’ils sentent peser sur eux le poids d’une pression qui les dépasse mais qui s’exerce sans violence sous les apparences de la démocratie, de la liberté, du respect de l’autre. Beaucoup finiront par capituler. Je préfère te prévenir que tous ces mots sont des concepts que ces « animaux qui se croient intelligents » affectionnent mais qui sont aussi de ceux qui génèrent le plus de conflits. Ils s’en accommodent parce qu’ils pensent que c’est dans ces concepts que se trouve la clef de leur misérable existence. Tu n’imagines pas la quantité de livres dont ils remplissent leurs bibliothèques sur ces sujets. Il est vrai que s’ils étaient cohérents et s’ils avaient des repères éthiques -quel mot repoussant !- ils s’éviteraient bien des problèmes, mais comme ils les ont peu à peu abandonnés au profit du consensus (Ah que ce mot est plaisant !) et du progrès scientifique… ils ont introduit le cheval de Troie dans tous leurs systèmes.

N’oublie pas un grand principe qui donne toujours de bons résultats : comme tout n’est jamais ni tout blanc ni tout noir et que généralement les « créatures abominables » ont un penchant pour la miséricorde, il faudra toujours faire en sorte que la vérité, contre laquelle nous ne pouvons pas lutter à armes égales avec l’ennemi, soit combattue par le sentimentalisme et le consensus mou. Ainsi ceux qui défendent la vérité passeront-ils toujours pour des êtres sans cœur. Il faut à tout prix que disparaisse la seule chose contre laquelle nous sommes impuissants : l’amour. Cette maudite créature, en effet, est faite pour aimer et s’il aime vraiment il est sauvé et il devient pour nous le pire des dangers car il en entraîne beaucoup d’autres à sa suite.

Enfin n’oublie jamais le principe fondamental de toute notre tactique, il est toujours le même, il a marché la première fois et il fait toujours ses preuves. Sur tous les modes tu dois convaincre les vermines de cette seule vérité, la seule qui nous permet de les tourner de notre côté : « vous serez comme des dieux ».

Pour y parvenir il n’y a qu’une méthode la tentation, la tentation et la tentation. Avec un peu d’expérience tu verras que ça marche (presque) à tous les coups. Avec un peu plus d’expérience tu verras aussi que cela demande du travail, beaucoup de travail. Mais l’ennemi, qui est pourtant très fort a aussi commis une erreur ! Il a donné à la créature la liberté ! Tu constateras très vite que c’est pour elle un point fort et un point faible. A nous de nous en servir pour l’attaquer sur son côté faible.

Le sbire de Shaytân

2013-02-25


[1] On appellera ce pays imaginaire Fhollandia

[2] Sainte Thérèse d’Avila, Le Chemin de perfection, 34 “¿Qué será de la pobre alma que, acabada de salir de tales dolores y trabajos como son los de la muerte, cae luego en ellas? ¡Qué mal descanso le viene!; ¡qué despedazada irá al infierno!; ¡qué multitud de serpientes de diferentes maneras!; ¡qué temeroso lugar!; ¡qué desventurado hospedaje! Pues para una noche una mala posada se sufre mal, si es persona regalada (que son los que más deben de ir allá), pues posada de para siempre, para sin fin, ¿qué pensáis sentirá aquella triste alma?”

Le texte original le dit différemment et dans un contexte précis mais le sens habituellement retenu est bien que la vie est comme passer « une mauvaise nuit dans une mauvaise auberge ».