6 août 1945 Hiroshima – 9 août 1945 Nagasaki – La nuit la plus longue.

Le 8 août 1945, Albert Camus signe l’Éditorial de Combat

Editorial de Combat du 8 août 1945

« Le monde est ce qu’il est, c’est-à-dire peu de chose. C’est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique.On nous apprend, en effet, au milieu d’une foule de commentaires enthousiastes que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques.En attendant, il est permis de penser qu’il y a quelque indécence à célébrer ainsi une découverte, qui se met d’abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l’homme ait fait preuve depuis des siècles. Que dans un monde livré à tous les déchirements de la violence, incapable d’aucun contrôle, indifférent à la justice et au simple bonheur des hommes, la science se consacre au meurtre organisé, personne sans doute, à moins d’idéalisme impénitent, ne songera à s’en étonner.Les découvertes doivent être enregistrées, commentées selon ce qu’elles sont, annoncées au monde pour que l’homme ait une juste idée de son destin. Mais entourer ces terribles révélations d’une littérature pittoresque ou humoristique, c’est ce qui n’est pas supportable.Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici qu’une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d’être définitive. On offre sans doute à l’humanité sa dernière chance. Et ce peut-être après tout le prétexte d’une édition spéciale. Mais ce devrait être plus sûrement le sujet de quelques réflexions et de beaucoup de silence.Au reste, il est d’autres raisons d’accueillir avec réserve le roman d’anticipation que les journaux nous proposent. Quand on voit le rédacteur diplomatique de l’Agence Reuter annoncer que cette invention rend caducs les traités ou périmées les décisions mêmes de Potsdam, remarquer qu’il est indifférent que les Russes soient à Koenigsberg ou la Turquie aux Dardanelles, on ne peut se défendre de supposer à ce beau concert des intentions assez étrangères au désintéressement scientifique.Qu’on nous entende bien. Si les Japonais capitulent après la destruction d’Hiroshima et par l’effet de l’intimidation, nous nous en réjouirons. Mais nous nous refusons à tirer d’une aussi grave nouvelle autre chose que la décision de plaider plus énergiquement encore en faveur d’une véritable société internationale, où les grandes puissances n’auront pas de droits supérieurs aux petites et aux moyennes nations, où la guerre, fléau devenu définitif par le seul effet de l’intelligence humaine, ne dépendra plus des appétits ou des doctrines de tel ou tel État.Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d’être mené. Ce n’est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l’ordre de choisir définitivement entre l’enfer et la raison. »

Edith Stein

9 août 1942 Auschwitz Édith Stein– Thérèse Bénédicte de la Croix meurt dans les chambres à gaz du camp d’Auschwitz

« Devant le péril grandissant, Édith Stein quitte l’Allemagne avec sa sœur, qui a embrassé comme elle la foi chrétienne, pour trouver refuge dans le carmel d’Echt, aux Pays-Bas. En représailles à une dénonciation vigoureuse des exactions nazies par les évêques hollandais, les autorités procèdent à la déportation de tous les chrétiens d’origine juive. Edith et sa sœur sont raflées, comme les autres. « Allons, pour notre peuple », dit-elle avant d’être emmenée à Auschwitz ; elle mourra dans les chambres à gaz du camp, le 9 août 1942. » Jusqu’au bout, Édith Stein, Theresia Bénédicte a Cruce (†), s’est occupée jusqu’au bout des personnes qui l’accompagnaient vers la mort, principalement des enfants, avec compassion et humanité.

Teresia Benedicta a Cruce

(†) Le nom qu’Édith Stein a choisi pour son engagement de religieuse carmélite se traduit en latin Teresia Benedicta a Cruce. Le latin exprime mieux le sens du nom : Teresia, en référence à sainte Thérèse d’Avila, réformatrice de l’Ordre du Carmel, et benedicta a Cruce, bénie par la Croix, pour mieux traduire son aspiration profonde : Édith a choisi la Croix du Christ dans sa vie de carmélite et son martyre en est, comme le dit le mot lui-même le témoignage.

Edith Stein, Une Sainte controversée – Edith Stein, a controversial saint – YAEL HISCH https://journals.openedition.org/cm/1591#ftn52

Extraits

« Je n’ai pas attendu la béatification pour qu’Édith Stein devienne une lumière dans ma vie […] Quand je dis qu’Édith Stein est une Sainte, je ne l’entends pas au sens où elle nous édifierait. Je laisse volontiers cela aux livres pieux de mon enfance. Je n’ai pas non plus perçu en elle le moindre désir d’endoctrinement ni le moindre relent de moralisme. Non ; maischaque fois que je la regarde, je me sens attiré vers le haut et comme grandi. Elle a d’une certaine façon ennobli l’humanité dont elle est comme une fleur. Une fleur d’Israël. » MOLTER, Bernard, Regards sur Édith Stein, Metz – Éditions Église de Metz, 1992

« L’exemple des saints [leur] montre en effet ce qui devrait être en réalité : là où la foi est vivante, la doctrine et les merveilles de Dieu constituent le fond de la vie. Tout le reste passe au second plan et doit en être pénétré. C’est cela le réalisme des saints. » Édith Stein, La Science de la Croix, Passion d’amour de Saint-Jean de la croix, Louvain – Nauwalaerts, 1957

« Consciente de ses origines juives, Édith Stein ne les a jamais reniées. Si elle aquitté le cocon orthodoxe de sa famille pour aller vers la philosophie à l’adolescence,Édith Stein est toujours restée très proche des siens. Comme nombre d’autres convertisdu judaïsme à l’époque, Édith Stein ne voit pas sa conversion comme une abolition deses origines mais comme leur accomplissement. »

Conclusion du même article : « En l’absence de croyance en un Dieu s’étant fait chair, le judaïsme ne peut pas admettre le pouvoir rédempteur d’une « martyre » à Auschwitz. Alors que la sainteté juive est très différente de la sainteté catholique, pour de nombreux juifs, canoniser une des victimes des camps d’exterminations nazis et la distinguer des autres victimes du nazisme, semble une manière pour l’Église de christianiser la Shoah et de nier sa spécificité juive. Même si la canonisation d’Édith Stein témoigne de la volonté de l’Église d’honorer une « fille d’Israël » et de l’ériger en modèle, l’universalisme de l’amour chrétien est inacceptable pour la tradition juive. Étant donné ses enjeux théologiques, la canonisation d’Édith est donc une controverse, au sens le plus noble et le plus ancien du terme, et qui éclaire les limites du dialogue entre Chrétiens et Juifs. »

« Ni synagogue, ni église, ni temple, ni couvent, seul le silence » Alliance Israélite Universelle « Nous devons le comprendre… » Jean Paul II au terme de ce qui fut l’affaire du Carmel d’Auschwitz (Oświęcim).

Sources : https://www.vaticannews.va/fr/eglise/news/2019-08/edith-stein-morte-avec-et-pour-son-peuple.html

https://www.carmel.asso.fr/-Edith-Stein-.html

http://agora.qc.ca/Dossiers/edith_stein

9 août 1943 Prison de Tegel, Berlin – Franz Jägerstätter est décapité

Franz Jägerstätter

Franz Jägerstätter naît en 1907 en Haute-Autriche, à 150 km de Linz, la capitale provinciale, et à 45 km de Salzbourg, à St. Radegund, un village de 500 âmes, à peu de distance de la frontière allemande. A 20 kilomètres de là, côté bavarois, un certain Joseph Ratzinger verra le jour, vingt ans plus tard, dans une famille antinazie. Franz est le fils naturel d’une fille de ferme trop pauvre pour se marier. Elevé par sa grand-mère, l’enfant s’installe chez sa mère à dix ans, quand elle épouse Heinrich Jägerstätter, un paysan qui l’adopte et avec qui il travaille désormais à la ferme. A vingt ans, Franz quitte les siens et va s’employer dans une ville minière, en Styrie, à l’est de l’Autriche. Quand il revient, en 1930, il s’est acheté une moto qui fait sensation car personne n’en possède dans le pays.

Franz Jägerstätter auf einem Motorrad 1921. © Franz Josef Rupprecht; A-7123 Mšnchhof; Bank: Raiffeisenbank Mšnchhof (BLZ 33054), Kto.-Nr.: 17.608

A la mort de son père adoptif, c’est lui qui reprend l’exploitation familiale.A la ville, Franz s’était quelque peu éloigné de la pratique religieuse. Il y revient, sous l’influence de celle qui va devenir sa femme. Franziska, dite Fani, avec qui il se marie en 1936 – il a 29 ans, elle en a 23. Issue d’une famille très pieuse, la jeune femme avait même envisagé d’entrer dans les ordres. Pour leur voyage de noces, les mariés se rendent à Rome, où ils assistent à une audience de Pie XI, puis à Naples, destinations peu banales pour des paysans autrichiens de l’époque. Franz est amoureux, si amoureux que les villageois en rient, et ce mariage heureux est récompensé par la naissance de trois petites filles, Rosalia en 1937, Maria en 1938 et Aloisia en 1940.En janvier 1938, Jägerstätter a fait un rêve : un train magnifique surgit au détour d’une montagne et attire notamment les enfants par le spectacle qu’il représente. Cependant ce train se dirige droit vers l’enfer, conduisant ceux qui sont montés dedans à leur perte. Ce train, comme Franz l’expliquera à ses proches, c’est le régime nazi. Au plébiscite du 10 avril 1938, le paysan, seul de son village, a voté non au rattachement de l’Autriche à l’Allemagne, contre l’avis de ses voisins. Il n’y a pas de nazis à St. Radegund, mais les habitants ont peur, à telle enseigne que le vote négatif de Franz n’est pas inscrit sur les registres, par crainte des représailles. Mobilisé en juin 1940, Jägerstätter est libéré peu de jours après, car le Reich a besoin de paysans pour la moisson. Rappelé en octobre 1940, il effectue ses classes dans les forces motorisées de la Wehrmacht, où il reste jusqu’en avril 1941, moment où il est de nouveau autorisé à rejoindre sa ferme. En raison d’un sermon jugé subversif, le curé de St. Radegund a été arrêté par la Gestapo, ce qui a été le cas de huit prêtres sur dix dans le doyenné. Peu à peu la décision s’impose à Jägerstätter : il ne servira pas ce régime qui persécute l’Eglise, qui assassine des innocents et qui, à partir de 1941, mène à l’Est une guerre injuste dans laquelle la lutte contre le bolchevisme n’est qu’un prétexte pour dominer le peuple russe. S’il est de nouveau convoqué, décide-t-il, il refusera d’être incorporé. Franz a arrêté les études après l’école primaire, mais il lit beaucoup. De façon extraordinaire, ce paysan qui n’appartient à aucun réseau a parfaitement analysé, seul, les principes du nazisme, et c’est en vertu de sa foi chrétienne qu’il les refuse et qu’il entre en résistance. …/… Au prix d’un dur combat intérieur, sa femme finit par accepter son choix, dont elle mesure les conséquences. La mère et les amis de Franz, eux, tentent de le faire changer d’avis, tout comme le nouveau curé, car ils savent qu’il risque sa vie, tout comme il met Franziska et les enfants en danger. Jägerstätter consulte l’évêque de Linz, toutefois celui-ci se montre prudent, craignant peut-être qu’il soit un espion. En prison, Franz a le droit d’écrire une fois par mois à sa femme. Cette correspondance, qui a été conservée, est partiellement publiée en français à l’occasion de la sortie d’Une vie cachée. August Diehl, l’acteur qui joue Jägerstätter, explique qu’il a considéré les lettres entre Franz et sa femme comme un deuxième scénario, parallèle à celui de Malick. C’est la grande force du film de montrer la véritable motivation de Franz Jägerstätter : celui-ci n’est pas un objecteur de conscience au sens pacifiste du terme, c’est un catholique pour qui Hitler est l’antéchrist. Dès avant son arrestation, on le voit prier, jeûner, lire les Ecritures, réciter son chapelet, mûrir une résolution qu’il approfondit chaque matin au pied de l’autel, puisque, sacristain, il assiste tous les jours à la messe. En détention, jusqu’à la fin, c’est la prière qui le portera.Début mai 1943, Jägerstätter est conduit à la prison de Tegel, dans la banlieue de Berlin. Là, les conditions d’incarcération se durcissent : il est battu et torturé. Le 6 juillet, au terme d’un procès expéditif, il est condamné à mort. Dans l’ultime espoir de le faire changer d’avis, l’avocat qui a été commis d’office fait venir Franziska et le curé de St. Radegund. L’entrevue dure 20 minutes, mais Franz est inflexible : il ne servira pas Hitler. Le 14 juillet, la peine capitale est confirmée par le tribunal de guerre du Reich. L’aumônier qui visite Jägerstätter voit dans sa cellule le papier qui aurait permis à celui-ci de rejoindre l’armée, lui sauvant la vie : jusqu’au bout, il refusera de le signer. Le 9 août 1943, après avoir pardonné à ses bourreaux et écrit à sa femme une dernière lettre témoignant de son ascension spirituelle, Franz Jägerstätter est décapité. Il avait 36 ans. in https://www.jeansevillia.com/2019/12/09/franz-jagerstatter-lautrichien-qui-a-dit-non-a-hitler/

A propos du film Une vie cachée Terrence Malick laisse le spectateur à ses pensées, concluant par cet épilogue, tiré du livre Middlemarch de George Eliot : « Car le bien croissant du monde dépend en partie d’actes non historiques ; et si les choses ne vont pas pour vous et moi aussi mal qu’elles auraient pu aller, nous sommes redevables en partie à ceux qui ont vécu fidèlement une vie cachée et qui reposent dans des tombes délaissées. » https://www.historia.fr/guide-culture-cin%C3%A9ma/franz-j%C3%A4gerst%C3%A4tter-celui-qui-est-rest%C3%A9-debout

Zbigniew Strzałkowski & Michał Tomaszek

9 août 1991, Michał Tomaszek accompagné du Père Zbigniew Strzałkowski, est enlevé et assassiné d’un coup de fusil dans le cou par des membres du groupe Sentier lumineux

http://www.pastoralcentre.pl/franciscan-martyrs-michal-tomaszek-zbigniew-strzalkowski/https://www.cairn.info/revue-securite-globale-2018-4-page-93.htm

Le sentier lumineux : https://www.monde-diplomatique.fr/1989/06/RAMONET/41798

https://books.openedition.org/iheal/8256

6 août – Fête de la Transfiguration

Raffaello Sanzio, (Urbino 1483 – Rome 1520) Transfiguration, 1516- 1520 Peinture grasse à tempera sur bois, cm 410 x 279

Le Cardinal Jules de Médicis commanda deux peintures destinées à la cathédrale Saint-Juste de Narbonne. Le cardinal de Médicis (futur pape Clément VII) était en effet devenu évêque de Narbonne en 1515. La Transfiguration fut confiée à Raphaël et la Résurrection de Lazare (aujourd’hui à la National Gallery de Londres) à Sebastiano del Piombo. La Transfiguration ne fut jamais envoyée en France parce que le cardinal la conserva à la mort de Raphaël (1520) puis il en fit don à l’église Saint-Pierre in Montorio où l’œuvre fut placée sur le maître autel. En 1797, à la suite du Traité de Tolentino, cette œuvre, comme tant d’autres, fut emportée à Paris puis restituée en 1816 à la chute de Napoléon. C’est alors qu’elle entra dans la Pinacothèque de Pie VII (pontificat de 1800 à 1823). Le retable représente deux épisodes racontés l’un après l’autre dans l’Evangile selon saint Matthieu : La Transfiguration en haut, avec le Christ en gloire entre les prophètes Moïse et Elie ; en bas au premier plan, la rencontre des Apôtres avec l’enfant possédé que Jésus guérira à son retour du Mont Thabor. Il s’agit de la dernière œuvre de Raphaël, son testament spirituel. Giorgio Vasari, célèbre artiste et biographe du XVIe siècle, l’a décrite comme « la plus célébrée, la plus belle et la plus divine. »
in http://www.museivaticani.va/content/museivaticani/fr/collezioni/musei/la-pinacoteca/sala-viii—secolo-xvi/raffaello-sanzio–trasfigurazione.html

6 août 1945 – Hiroshima

The atomic bomb named « Little Boy » was dropped on Hiroshima by the Enola Gay, a Boeing B-29 bomber, at 8:15 in the morning of August 6, 1945. This watch stopped at the precise time of the explosion. Hiroshima peace memorial museum. (Photo by JAZZ EDITIONS/Gamma-Rapho via Getty Images)
Takashi Nagai et le champignon atomique de Nagasaki

Nagasaki «Le 9 août 1945, à dix heures et demie du matin, le suprême conseil de guerre se réunit au Quartier Général Impérial pour savoir s’il fallait capituler ou non. Ce fut donc au moment même de cette décision pour la paix ou pour la continuation de la guerre qu’explosa la bombe atomique, à 11 heures 2 minutes, sur notre quartier d’Urakami. En un instant, 8000 chrétiens furent rappelés à Dieu, et notre cathédrale disparut dans les flammes. Le 15 août, l’Édit impérial mit fin aux combats, et une première lueur de paix recommença à briller sur le monde. Or ce jour-là, l’Église fêtait l’Assomption de la Vierge Marie, à laquelle était dédiée notre Cathédrale. Cette coïncidence n’était-elle pas due à l’œuvre délicate de la volonté de Dieu? Nous avons entendu dire que cette seconde bombe atomique, après Hiroshima, était destinée à une autre ville. Des nuages épais rendirent cette cible impossible, si bien que l’équipage américain changea de plan au dernier moment, et se dirigea vers sa cible secondaire : Nagasaki. L’objectif devait être le nord des fabriques de munitions, mais le vent fit dériver la bombe au-dessus de la Cathédrale. Ainsi nous savons que la Cathédrale n’a pas été visée par les pilotes américains. Mais c’est la Providence de Dieu qui choisit Urakami. N’y aurait-il pas un rapport mystérieux entre la cessation de la guerre et la destruction d’Urakami? Urakami ne serait-elle pas la victime choisie, l’holocauste offert sur l’autel du sacrifice en expiation pour tous les péchés de cette deuxième guerre mondiale? Pour notre humanité, héritière du péché d’Adam et du sang de Caïn, pour notre humanité qui s’est tournée vers les idoles en oubliant sa filiation divine, pour que finissent toutes ces horreurs, ces haines et que fleurissent à nouveau les bénédictions de paix, il ne suffisait pas du repentir, il fallait un sacrifice extraordinaire afin d’obtenir le pardon de Dieu. Bien que des villes entières aient été déjà rasées, cela ne suffisait pas. Mais quand Urakami fut détruit, Dieu agréa ce sacrifice, pardonna aux hommes et inspira à l’Empereur de mettre fin à la guerre. Notre Église d’Urakami a gardé sa foi intacte pendant 400 ans dans un Japon qui la proscrivait. Elle a enduré de nombreuses et longues persécutions. Et pendant toute cette guerre elle n’a cessé de prier pour que revienne la paix. Cette Église n’était-elle pas digne d’être choisie comme holocauste pour que des dizaines de millions d’hommes ne périssent plus victimes des ravages de la guerre? Ce 9 août, en voyant les flammes détruire la Cathédrale, nous savions que dans ce sublime holocauste montaient déjà les premières lueurs d’espoir d’un nouveau monde de paix. Huit mille catholiques, dont les prêtres de la cathédrale, ont été sacrifiés. Tous généreux et fidèles dans leur foi. Combien sont-ils heureux d’avoir quitté la vie, l’âme pure, sans connaître la défaite! Nous qui restons sur cette terre, notre sort est dur. Le pays est vaincu et notre ville détruite. Un désert de cendres et de décombres s’étend à perte de vue. Nous n’avons ni maison, ni vêtements, ni nourriture. Nos champs sont dévastés, et nous, les survivants, ne sommes plus qu’une poignée. Pourquoi ne sommes-nous pas morts ce jour-là? Pourquoi devons-nous continuer une existence de souffrance? Maintenant nous voyons l’énormité de nos fautes et nous comprenons que si nous restons aujourd’hui en vie, c’est que nous avons encore un long chemin à parcourir pour devenir à notre tour une offrande digne. Les réparations imposées par la déclaration de Potsdam sont un fardeau lourd de douleur et de souffrance. Pourtant cette charge débouche sur l’espoir de voir sous peu un monde nouveau et purifié. Bienheureux ceux qui pleurent car ils seront consolés. C’est fidèlement et jusqu’au bout que nous monterons ce chemin semé de douleurs. En le suivant, affamés, assoiffés, méprisés, fouettés, nous savons que nous sommes aidés par Celui qui jusqu’au sommet du Calvaire a porté sa Croix : Jésus-Christ. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris, que soit béni le nom du Seigneur. Soyons reconnaissants que Nagasaki ait été choisie pour ce sacrifice par lequel paix et liberté ont été rendues au monde. Que les âmes de tous nos défunts reposent en paix dans l’amour de Dieu. » — Paroles de Takashi Nagai lors de la messe de funérailles du 23 novembre 1945 in Une lumière dans Nagasaki, anthologie de textes de Takashi Nagai, Nouvelle Cité – http://www.dissident-media.org/infonucleaire/Nagasaki_nagai.html

Une lumière dans Nagasaki – Takashi Nagai – Extraits

Dans les cendres j’ai découvert au coin nord-est du terrain ce crucifix qui appartenait à l’autel familial. Évidemment la croix de bois avait disparu, anéantie par le feu, mais le Christ de bronze demeurait intact, sans une seule déformation. Relique précieuse du temps où le régime Tokugawa persécutait le christianisme. Tout m’a été enlevé. Ce Christ seul, je l’ai retrouvé.


Notre Église d’Urakami a gardé sa foi intacte pendant 400 ans dans un Japon qui la proscrivait. Elle a enduré de nombreuses et longues persécutions. Et pendant toute cette guerre elle n’a cessé de prier pour que revienne la paix. Cette Église n’était-elle pas digne d’être choisie comme holocauste pour que des dizaines de millions d’hommes ne périssent plus victimes des ravages de la guerre ?


Les hommes délibèrent et discutent maintes et maintes fois sur la paix du monde. Mais en vérité, on ne peut pas devenir artisan de paix en participant seulement à des réunions et faire des discours compliqués. Le rayonnement de la paix se trouve dans la force de l’amour vécu tout simplement.


A moins d’avoir souffert et pleuré, on ne comprend pas vraiment ce qu’est la compassion, on ne sait pas réconforter ceux qui souffrent. Si on n’a pas pleuré, on ne sait pas sécher les yeux des autres. Celui qui n’a jamais marché dans l’obscurité ne peut pas aider celui qui marche à tâtons pour trouver son chemin.


Celui qui n’est pas satisfait de sa vie, va chercher au loin le bonheur, mais bien souvent il revient en pleurant.

Mon bonheur, je le trouve ici même dans le travail que je fais, dans tout ce qui m’environne. Mon bonheur est simple. Je regarde la rose qui fleurit dans mon jardin. Elle est belle. Je lui ai donné de l’engrais, je lui ai enlevé les insectes nuisibles, je l’ai arrosée, je l’ai aidée à grandir, mais c’est Dieu qui l’a fait fleurir. Par ses propres forces l’homme ne peut pas faire éclore une fleur, c’est pourquoi il trouve que son bonheur est imparfait. Mais celui qui accepte ses limites en collaborant à la puissance du Dieu Créateur, entre dans la perfection de l’acte créateur. Il ne va pas chercher un bonheur lointain parce qu’il est là tout près de lui, chaque jour à la porte de sa vie.

Pour connaître Takashi Nagai :

Le sourire des cloches de Nagasaki, Makoto Nagai, Nouvelle Cité, 2004, (ISBN 2-85313-464-4).

Une lumière dans Nagasaki, anthologie de textes de Takashi Nagai, Nouvelle Cité, 2006, (ISBN 2-85313-502-0).

Prier 15 jours avec le docteur Nagai, Marie-Renée Noir, Nouvelle Cité, 2008, (ISBN 978-2-85313-540-5).

Requiem pour Nagasaki, Paul Glynn, Nouvelle Cité, 1994, (ISBN 2-85313-267-6).

La France vient de se doter d’une loi inique qui se prétend « de bioéthique », votée, malgré toutes les dénégations de ceux qui veulent s’exonérer de toutes les critiques justifiées dont ce vote a été l’objet, dans l’indifférence et l’assoupissement propres à la période estivale qui ont plongé l’assemblée nationale dans une anesthésie inquiétante. Inquiétante surtout parce que les rares députés présents étaient pour la plupart les petites mains soumises à la volonté implacable d’un petit potentat : Jean Louis Touraine, député LREM, rapporteur du projet. On ne présente plus monsieur Touraine, l’artisan des basses-œuvres du projet qu’avait inscrit dans son programme E. Macron.

Juste pour la mémoire, le discours d’E. Macron au Collège des Bernardins le 10 avril 2018.

Extrait : « Pour nous retrouver ici ce soir, Monseigneur, nous avons, vous et moi bravé, les sceptiques de chaque bord. Et si nous l’avons fait, c’est sans doute que nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer. Pour cela, il n’est pas d’autre moyen qu’un dialogue en vérité. Le dialogue est indispensable, et si je devais résumer mon point de vue, je dirais qu’une Eglise prétendant se désintéresser des questions temporelles n’irait pas au bout de sa vocation ; et qu’un président de la République prétendant se désintéresser de l’Eglise et des catholiques manquerait à son devoir. » Et plus loin dans le même discours : « Paul RICŒUR, si vous m’autorisez à le citer ce soir, a trouvé les mots justes dans une conférence prononcée à Amiens en 1967 : « maintenir un but lointain pour les hommes, appelons-le un idéal, en un sens moral, et une espérance, en un sens religieux. »

Ainsi donc, la loi a été votée et non seulement mais avec des dispositions introduites sans vrai débat au mépris du respect que l’on doit à une instance censée représenter la volonté du peuple et à l’exigence que l’on est droit d’attendre. Ce vote inscrit sur la France une tache indélébile qui ne manquera pas d’étendre l’opprobre sur une législation déjà entachée par ce que les défenseurs de cette loi appellent depuis des décennies le progrès. Ainsi Mr Touraine s’est-il permis d’écrire, comme rapporteur du projet de loi : « Au début sont essentiellement formulés des interdits, souvent plus par prudence que pour de véritables raisons du respect de certaines valeurs humaines. Puis, avec la progression des connaissances, lorsqu’est acquise la certitude que l’on ne s’aventure pas dans une direction non maîtrisée tels des apprentis sorciers, il devient possible de soulever progressivement le voile des interdits. » …/… « L’enjeu est fondamental, il s’agit de choisir la société dans laquelle nous vivrons demain, de dessiner la condition humaine à laquelle nous consentons à nous soumettre et l’humanité que, tout à la fois, nous voulons transformer. » … Tout cela va bien dans le sens du « en même temps » cher à qui vous savez.

En 1959 Gustave Thibon a écrit une pièce de théâtre : « Vous serez comme des dieux ». On lit à propos de cette pièce « Au risque d’inciter le lecteur à penser qu’il est un inconditionnel du progrès technique, Thibon présente une technoscience ayant tenu toutes les promesses qui, en 1959, date de publication du livre, paraissaient folles : sérum d’immortalité, voyages dans l’espace, clonage, santé parfaite, paix sociale et même liberté d’opinion. En 2014, les mêmes promesses sont les objectifs d’un mouvement de pensée soutenu par les milliardaires californiens du numérique : le transhumanisme. Cela fait apparaître Thibon comme le premier critique du transhumanisme. Dans les oeuvres d’anticipation les plus connues, Nous autres de Zamiatine, le Meilleur des mondes de Huxley et 1984 de Orwell, l’avenir créé par la technoscience est clairement un enfer, préfigurant ou rappelant les régimes totalitaires du XXème siècle. Il va de soi qu’une personne sensée le rejette. Dans tous ces cas c’est moins le progrès technique démesuré qui est dénoncé que les régimes politiques qui l’utilise à des fins totalitaires. Ce qui aide à comprendre pourquoi l’élan progressiste n’a pas été brisé, ni même ralenti par l’horreur universelle que ces dystopies ont inspirée. Dans ce contexte, par exemple, on a renoncé à l’eugénisme pratiqué par un État, mais pour le réhabiliter ensuite en tant qu’objet d’un choix individuel. Thibon s’attaque directement à la démesure dans le progrès technique. C’est pourquoi, il donne à son meilleur des mondes toutes les apparences d’un vrai paradis sur terre. Son utopie ressemble à celle que le psychologue behavioriste B.F. Skinner a présenté dans Walden II. Il place son lecteur devant l’alternative fondamentale. La grande question est posée par l’héroïne de la pièce, Amanda. Elle a mis toute la contrée des immortels en état de choc en annonçant qu’elle redeviendrait mortelle. On la considère comme malade, de cette maladie d’avoir une âme ayant la nostalgie d’un autre monde. À défaut de réussir à la guérir, on en tire un clone, un copie conforme à tous égards mais sans âme. Elle s’adresse en ces termes à Hélios, l’homme qu’elle aime et qui l’aime: « Choisis. Moi je vais mourir. Je ne veux pas t’entraîner dans cet abîme — néant ou Dieu — dont je ne sais rien, sinon qu’il m’attire et que je le préfère à tout. Celle-là sera tienne éternellement, vous serez heureux de tout ce bonheur que j’ai refusé : aucun Dieu ne lui parlera, aucune mort ne te la prendra. Choisis ! » Vue sous l’angle de cette question, la pièce de Thibon est une métaphore futuriste pour décrire, en la portant à sa limite, une situation contemporaine. Déjà en 1959, le salut avait été remplacé dans les mentalités occidentales par cette longévité que les transhumanistes se proposent d’accroître indéfiniment. La croissance économique d’autre part, laquelle semblait illimitée, incitait les gens à situer leur bonheur dans l’avenir et à s’imaginer immortels sur terre. Choisis! Cette injonction qui, en 1959, n’avait de sens et d’importance que pour ceux, déjà très rares, dont la soif d’absolu n’avait pas encore été réduite à rien par l’appétit de consommation, est devenue une obligation politique à laquelle personne n’échappe. Il faut dire oui ou non au transhumanisme. En ce moment, nous disons oui, majoritairement, par l’enthousiasme ou l’indifférence avec laquelle nous acceptons aussi bien les innovations elles-mêmes que le rythme auquel elles s’opèrent. Cela, pour durer plus longtemps, mais sans l’ombre d’une réflexion sur les conséquences de notre choix. » (in http://encyclopedie.homovivens.org/documents/vous_serez_comme_des_dieux)

En imposant dans le contexte délétère que nous connaissons, lié à un phénomène inusité depuis longtemps et alors que nous croyions même avoir dépassé les limites de notre impuissance à tout contrôler grâce au progrès, notamment en matière médicale, un hémicycle déserté a imposé par cette loi, les contours de « la condition humaine à laquelle nous consentons à nous soumettre et l’humanité que, tout à la fois, nous voulons transformer », pour reprendre les termes dithyrambiques de Touraine dans son rapport. Il ne nous reste donc plus qu’à attendre cette transformation de l’humanité qui ne tardera à montrer ses visages monstrueux quand les manipulations génétiques insensées, les gestations anarchiques, les hybrides incohérents auront délivré leurs innommables productions incontrôlées en laboratoire. Le XX° siècle avait mis sous nos yeux les horreurs à peine cachées des idéologues du nazisme et nous les avions rejetées dans le soulagement douloureux de la victoire qui avait ouvert sur l’espérance. Le XXI° siècle qui commence les réintroduit dans la légalité sous le prétexte du progrès incontournable et avec la conviction « que l’on ne s’aventure pas dans une direction non maîtrisée tels des apprentis sorciers ». Ces gens ne croient pas en Dieu et pourtant ils répondent sans hésitation à la suggestion : « Vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal ». Mais savent-ils qui leur répond à la question qu’il avait lui-même posée ?