Mon cher cousin,

Tu vas sûrement me répliquer, à lire mes plus récents courriers, que je m’intéresse plus à la chronique nécrologique qu’à la vie des personnes.

Au risque de paraître d’une affligeante banalité je dirais qu’on meurt comme on a vécu… et dans cette perspective la mort interroge la vie. Je me place ainsi, si tu veux bien, dans la perspective de l’éternité et du sort qui attend tout un chacun. Je sais bien que beaucoup de personnes – en apparence du moins – ne semblent pas trop se préoccuper de ce qui se passera après. Heureusement, cette affirmation  n’est pas vraie dans l’absolu, ce serait au fond vivre avec comme tout objectif de l’existence  une sorte de désespérance.
Tu voudras bien comprendre, – évidemment ce n’est pas gagné, te connaissant ! –  qu’un tel objectif est tout le contraire de l’espérance chrétienne, vertu théologale. Ainsi vivent ceux qui n’ont pas d’autres aspirations que celles qu’ont tous les hommes pour qui tout se limite, hélas le plus  souvent, à l’apparence du monde présent sans perspective surnaturelle. Après la mort ? Rien !

« Je suis morte cliniquement plusieurs fois et je peux vous dire qu’il n’y a rien! Et c’est bien rassurant! Ce qui m’inquiéterait, c’est l’idée d’une âme toute seule, tournoyant dans les airs, et qui hurlerait à la mort dans le noir absolu. Je n’ai pas le même point de vue sur la mort que ceux qui ne l’ont jamais vue de près. Avoir entrevu la mort lui enlève beaucoup de prestige. Du coup, je suis peut-être une des personnes au monde qui a le moins peur de la mort. »[1]

La citation est  assez typée, à la fois bien dans le style de l’auteur et le reflet d’une vie bien triste … « Bonjour tristesse »… Je l’abandonne sans autre commentaire.

Je reviens à mon introduction : « … la chronique nécrologique ».

Il est vrai que j’ai déjà écrit des lettres à propos de la disparition de plusieurs personnalités : Nelson Mandela, le chef d’orchestre Claudio Abbado, l’écrivain, journaliste et dessinateur humoristique Cavanna… Et maintenant vient le tour de Gabriel García Marquez dont la disparition est annoncée dans le journal Le Monde en date du 2014.04.17 sous le titre :  » Mort de Gabriel García Marquez, légende de la littérature ».

Comme tu peux bien le penser et comme à chaque fois, je cherche dans la biographie du disparu la trace de la présence de Dieu dans sa vie. Tu vas me rétorquer que c’est une obsession, mais tu as bien dû comprendre, depuis que nous correspondons, que sans être une « obsession », c’est réellement le seul sujet intéressant parce que, n’en déplaise à tous les athées, agnostiques, mécréants et autres indifférents de la terre, toute notre vie, la leur y compris, en dépend.

Juste quelques précisions d’ordre personnel avant d’entrer dans le vif du sujet.

J’ai toujours été attiré par l’Amérique latine, du Mexique à la terre de feu. Ses cultures très anciennes et multiformes, son histoire mouvementée et qui n’en finit pas de bouger, ses montagnes, ses extrêmes … m’ont toujours fasciné. Peut-être aussi le dois-je à des rencontres que j’ai faites avec des personnes originaires de plusieurs pays d’Amérique latine qui m’ont profondément marqué. A commencer par un de mes professeurs de langue espagnole ancien attaché culturel d’ambassade pendant plusieurs années, qui m’a inculqué ce souffle latino-américain. Ainsi, après avoir appris les rudiments nécessaires du castillan un peu rocailleux, j’ai été introduit à la littérature latino-américaine et aussi, par le biais de la langue parlée, à ses accents si divers et si mélodiques qui chantent en même temps qu’ils parlent chez les personnes originaires de tous ces pays. Je n’ai cependant pas la prétention de te faire croire que je suis  un connaisseur érudit de cette littérature.

La disparition de Gabriel G. Marquez m’a donc conduit à me pencher sur une autre dimension  de l’Amérique latine. Il n’est pas nécessaire d’être un grand spécialiste pour se rendre compte à quel point l’Amérique latine a marqué les esprits occidentaux, notamment à cause de l’emprise qu’ont eue sur toutes ces nations les idéologies nées en Europe. Elles ne sont pas sans responsabilité sur les événements qu’elles ont traversés au milieu des multiples convulsions où les ont entraînées de nombreuses révolutions.

L’héritage de 1492 n’est pas toujours vu sous un angle favorable. Il ne s’agit pas ici de refaire l’histoire pour en tirer des conclusions péremptoires voire définitives. La mode est aujourd’hui au rejet viscéral de ce qu’une certaine vision de la culture occidentale aurait apporté pour leur malheur à des civilisations qui n’étaient pas sans richesse.

Je reviens à Gabriel G. Marquez…  à propos d’une réflexion  personnelle tirée d’un entretien où il se confiait : « Je suis un romancier, disait-il, et nous, les  romanciers, ne sommes pas des intellectuels, mais des sentimentaux, des émotionnels. Il nous arrive à nous, Latins, un grand malheur. Dans nos pays, nous sommes devenus en quelque sorte la conscience de notre société. Et voyez les désastres que nous provoquons. Ceci n’arrive pas aux Etats-Unis, et c’est une chance. Je n’imagine pas une rencontre au cours de laquelle Dante parlerait d’économie de marché. »[2]

De lui aussi, parmi d’autres formules rassemblées sous le titre « 13 conseils pour la vie » : « Peut-être que Dieu souhaite que tu connaisses beaucoup de mauvaises personnes, avant de connaître la bonne personne, afin que tu puisses être reconnaissant lorsqu’enfin, tu la connaîtras. »

… La seule trace de Dieu dans l’œuvre de G. G. Marquez ? Je n’ai pas lu G. G. Marquez. Je n’ai pas poussé la curiosité pour sonder le personnage sous cet angle.

J’ai lu récemment ces propos du cardinal Jorge M. Bergoglio[3] (… pour mémoire je te rappelle qu’il est mieux connu sous le nom de François, le pape François). Dans un chapitre que l’édition française intitule « J’aime aussi le tango », les deux journalistes lui posent une série de questions à la manière du questionnaire de Proust.

  • « Un lieu dans le monde ?
  • Buenos Aires.
  • Une personne ?
  • Ma grand-mère.

  • Une œuvre littéraire ?
  • La poésie de Hölderlin m’enchante. Egalement un grand nombre d’ouvrages de littérature italienne.

  • « Borges, vous l’avez fréquenté ? »
  • Et comment ! Borges avait le don de parler pratiquement de tout sans s’esquiver. C’était un homme d’une grande sagesse, un homme très profond. Borges m’a laissé l’image d’un homme qui, dans la vie, remet les choses à leur place, range les livres dans les rayons, en bon bibliothécaire qu’il était.
  • Borges était agnostique !
  • … Un agnostique qui récitait chaque soir le Notre Père, car il l’avait promis à sa mère. … Et qui mourut assisté religieusement. »

Tu vas me dire : « Quel rapport entre Gabriel G. Marquez, J.L. Borges et le pape François ?

Nous y voilà : « Et Dieu dans tout ça ? » Marquez, Borges mais tant d’autres qui font partie du patrimoine culturel de l’Amérique latine ont subi l’influence de cet agnosticisme que l’occident a introduit dans des civilisations qui avaient su intégrer aux leurs les valeurs chrétiennes mais aussi des sources d’inspiration culturelle dans de nombreux domaines artistiques et cela sans renier leurs propres racines.

On a voulu faire croire, par suite d’excès et de brutalités indéniables et inexcusables dont les premiers responsables ne sont pas les missionnaires mais des soldats et des aventuriers cupides et brutaux, que l’introduction du christianisme avait détruit les grandes civilisations latino-américaines.

On pouvait lire[4] « Après la conquête par les Espagnols, sculpteurs et artisans, aztèques et incas, devront mettre leurs talents au service d’un Dieu unique et chrétien. Quelques symboles de la nature subsistent sur des crucifix en pierre : l’art aztèque se survit à lui-même, mais sans plus jamais livrer de chefs-d’œuvre. » [Véronique Prat, Le Figaro Magazine, Les chefs-d’œuvre d’un monde brisé, 27/01/2007]

S’il y avait une parcelle de vérité dans ce cliché du prêt-à-penser brut de décoffrage, resterait-il aujourd’hui dans le patrimoine culturel de ces nations autant d’authentiques  trésors en littérature, en musique, en peinture, en architecture … etc.

Il faudra beaucoup, de temps pour que les contrevérités laissent enfin la place à ce qui est démontré en Amérique latine, peut-être mieux et davantage que partout ailleurs : le christianisme, ici d’origine espagnole et portugaise, s’est bien réellement intégré au contact de ces nouvelles cultures qu’il a rencontrées. Mais la caricature du conquérant destructeur véhiculée par certains milieux intellectuels persiste, entretenue par les idéologies inconsistantes de la culture pure et autonome qui a tout à perdre du contact avec d’autres civilisations.

Il faudrait plus de temps et des exemples pour l’illustrer.

Que quelques références me suffisent pour battre en brèche l’insupportable désinformation médiatique qui ne sert ni la civilisation occidentale tellement vautrée dans son orgueil qu’elle se renie elle-même ni les civilisations qu’elle a rencontrées et qui, sous prétexte d’authenticité, sont sommées par des diktats idéologiques prétendument libérateurs, de renoncer, au moins intellectuellement, à des pans entiers de leur patrimoine culturel qui s’est pourtant construit dans un subtil métissage des cultures.

L’architecture religieuse et profane  se sont rencontrées et ont donné des trésors qui sont désormais inscrits au Patrimoine Mondial.

Par exemple on doit beaucoup au travail du jésuite suisse Martin Schmid (1694-1772), architecte et musicien-organiste qui fut le véritable créateur de la très belle architecture des églises de mission édifiées dans le style Baroque Métis.

Mission jésuite de Chiquitos Bolivie Eglise San Javier

Dans le domaine musical, le patrimoine est tout aussi riche. Les plus grands spécialistes contemporains, Jordi Savall, Gabriel Garrido entre autres, contribuent avec talent et grâce à leurs recherches approfondies, à mettre en valeur ce très riche patrimoine. Leurs enregistrements somptueux ne contrediront pas le fait qu’il existe une authentique symbiose des traditions musicales. La tradition mélodique occidentale de la liturgie catholique mais aussi profane a emprunté aux traditions locales pour donner des œuvres d’une grande beauté et d’une grande originalité qui portent la signature très colorée de leur origine.

En Europe comme en Amérique latine des festivals attestent que ces musiques sont bien vivantes et que nul ne renie leur origine dans le métissage des cultures et des traditions.

A bientôt pour une autre chronique.

                                                           Pizzicatho

2014.04.18

 

[1] Denis Wetshoff, François Sagan, ma mère Editions Flammarion 2012

[2] http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2014/04/17/l-ecrivain-gabriel-garcia-marquez-est-mort_4401388_3382.html

[3] Sergio Rubin – Francesca Ambrogetti – « El Jesuita. Conversaciones con el cardenal Jorge Bergoglio sj. » (2010) En édition française Flammarion, Paris, 2013 sous le titre « Je crois en l’homme ».

[4]  http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2007/01/26/01006-20070126ARTMAG90562-les_chefs_d_oeuvre_d_un_monde_brise.php

 

Bon anniversaire !

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Il y a toutes sortes de prophètes :

  • Ceux qui « inspirés par Dieu, parlent en son nom pour faire connaître ses volontés… ». Ils sont bien peu nombreux.
  • Les « faux prophètes » plutôt conduits par leur propres « démons »  et « qui induisent le peuple en erreur ».
  • Les « prophètes de malheur « qui prédisent des choses funestes et désagréables ».
  • Ceux  qui jouent au « personnage important qui annonce l’avenir par voie de conjecture ». Ce sont des « prophètes qui n’y croient pas trop mais qui réagissent face à un événement d’envergure historique comme s’ils étaient mandatés par une inspiration et « qui annoncent des événements à venir (en général) ». Ces derniers ont une certaine propension à prendre leurs désirs pour la réalité même s’ils sont conscients (on peut l’espérer) que la réalité sera vraisemblablement distincte. Généralement ils reviennent a posteriori sur leurs « prophéties » pour les justifier… Ils ont toujours eu raison avant tout le monde.

Bon anniversaire ?

Rappelez-vous, il y a un an «l’entre-deux-papes » laissait les médias, et aussi à vrai dire tout le monde, abasourdis par la renonciation inédite de Benoît XVI.

Des « prophètes » se sont tout d’un coup levés en foule … Je voudrais revenir sur certaines de ces prophéties rédigées d’ailleurs sur le mode d’une aspiration véhémente au changement.

Je prends le risque de me répéter mais tant pis[1] avec le recul d’un an les propos restent toujours emblématiques de « la névrose obsessionnelle anti papale » qui sévit dans certains médias. Ainsi pouvait-on lire sous la griffe de Solange Bied-Charreton[2] les souhaits suivants, le pape qu’elle appelait de ses vœux (je doute quand même de la sincérité de ses « vœux » d’un nouveau pape !) : « Que le nouveau pape soit différent des autres. Nous voudrions d’un pape qui soit à notre image. Nous voudrions d’un pape à la portée de tous. Un pape si possible moins ancré dans le passé. Un pape assez ouvert pour discuter avec nous, par messagerie instantanée. Un pape pour régler tous nos problèmes de couple. Un pape trendy, qui laisserait un peu la théologie de côté. Un pape qui transforme les églises en espaces de prière et les confessionnaux en espaces détente. Un pape qui se la coule douce. Un pape de tolérance, un pape de résistance. Un pape que tu peux appeler quand  t’as pas le moral. Un pape jeune et fort. Un pape grand et beau. Une image positive, c’est mieux pour faire passer le message. Un pape pas toujours habillé pareil. Un pape qui se prend pas la tête. Ou, mieux, un pape vintage, un pape dans son jus. Un pape customisé, en vitrine. Un pape souriant sur une affiche dans ma cuisine, Un pape qui réinvente, un pape qui redécouvre, un pape qui revisite un peu le modèle papal. Un pape en papier peint, ambiance vide-grenier, qu’on achète d’occasion. Le pape est le meilleur ami de l’homme. »

         Et de poursuivre sur le même ton faussement décalé : « Un pape old school, qui tient la porte aux dames, envoie des bouquets de fleurs, n’a toujours pas de portable. Comment, en 2013, est-ce Dieu possible ? Un pape de galanterie, qui vouvoie tout le monde. Qui écoute Jean-Sébastien Bach et qui reçoit des fax. Un pape qui ne regarde vraiment pas vers l’avenir. Un pape en retard. Je veux un pape contre qui se révolter. Je veux un pape qu’on puisse tous détester avec la même énergie. Je réclame un pape contre qui faire des manifs. Un pape avec un nom qui sonne bien dans les slogans. Je veux pouvoir casser du pape. Comment existerais-je si je ne puis contester le monde ancien, m’affirmer sans avoir à détruire des siècles et des siècles d’histoire ? Je ne voudrais pas mourir avant d’avoir pourri tous les hommes du passé, leurs idées courtes et leurs pratiques obscures, leurs modes de vie sans hygiène, leur patois, leurs quolibets douteux et leurs jeux de mots nationalistes, leur sexisme insoutenable, leur cruelle sauvagerie. Je voudrais exister tant que je peux, et on ne m’a pas appris à le faire autrement. Alors j’aimerais autant que l’ennemi soit identifiable, merci d’avance. »

Oui, je sais c’est plus qu’une citation, c’est carrément de l’usurpation, du pillage. Ma foi tant pis, il vaut le coup de relire cette prose épicée un an après quand un nouveau pape est installé et qu’il a conquis la planète, même les plus réfractaires (enfin pas tout à fait quand même).

Au moins sur un point elle doit être satisfaite : « J’aimerais que l’ennemi soit identifiable ! »

Quant à moi j’avais aussi émis des vœux. Je voulais un pape, et je le voulais vraiment de toutes mes forces. Alors je l’ai aussi imaginé[3].

…/…

Un an plus tard.

La « force tranquille » : telle est « l’image » qui me vient à l’esprit, qui a été popularisée par un autre François, mais « toute ressemblance avec des personnages ou des situations existant ou ayant existé ne saurait être que fortuite ».

Les « prophètes », les « sibylles », les « pythies » se sont encore exprimés, mais cette fois pour évaluer le bilan à un an. C’est la coutume de dresser le bilan à échéance des grands responsables comme des institutions.

Il varie selon l’angle de vue, la lumière portée, l’état de l’âme …

Trop de points à commenter dans cette profusion d’articles … Je me limiterai à relever les principaux qui ont « accroché » mon attention avec une grille librement établie au fil des lectures.

Alors, François, le pape premier du nom ?

  • « Par ses gestes, ses phrases-chocs, sa décontraction et des priorités plutôt consensuelles – attention aux pauvres, miséricorde, ouverture de l’Église sur les « périphéries » –, le nouvel élu, François, l’a éclipsé (le pape devenu émérite, Benoît XVI), attirant sur l’Église catholique une lumière dont elle n’avait pas bénéficié depuis des années. Le style, rigide et ampoulé, de Benoît XVI, sa vision du monde et de l’Église, sombre et alarmiste, ses écrits, complexes, ses expressions malheureuses, avaient fini par rendre son message inaudible, incompris, voire rejeté par une partie des catholiques. L’Église a visiblement trouvé avec François un messager plus convaincant, une « autorité morale » qui parle aussi aux non-croyants »[4].

Ce style convenu qui accumule brut de décoffrage les habituels griefs faits à Benoît XVI dont on n’a probablement pas lu -ou en tout cas jamais dans leur intégralité- les écrits d’une richesse incomparable sur les sujets les plus actuels, avec une lucidité inégalée, ne doit cependant pas impressionner. Il ne faudrait pas se laisser abuser par un ton soudain faussement bienveillant qui passe par un filtre calibré dont on aimerait connaître l’étalonnage. Je ne sais pas si la journaliste signataire a déjà entendu parler d’une parabole bien connue, celle du semeur qui décrit cet homme parti pour semer sa semence et les différents terrains qui reçoivent la semence[5]. Et j’attire son attention sur le verset 13.

  • « Le retentissement de ses prises de parole brouille la perspective. Comme si Benoît XVI avait emporté dans sa retraite des années de discours de l’Église ; et comme si François reprenait les choses de zéro. Une plongée dans les textes des deux hommes prouve que tel n’est pas vraiment le cas. Car François, faut-il le rappeler, fait sienne l’entièreté des enseignements de l’Église. »

Je m’étonne que l’on s’étonne de cette fidélité à un enseignement toujours confirmé, qui suit le droit fil du message de celui dont il est le vicaire. A ce propos me viennent à l’esprit ces quelques lignes tirées de « Paroles » : « Le pape est mort, un nouveau pape est appelé à régner. Araignée ! Quel drôle de nom ! Pourquoi pas libellule ou papillon ? » L’iconoclaste de service, Jacques Prévert, n’aurait pas renié cette façon de présenter la succession.

Dans un autre article c’est le même étonnement :

  • « Mais il ne faut pas s’y tromper : si François révolutionne nombre d’habitudes vaticanes, tout, chez ce pape, n’est pas révolutionnaire. Sa doctrine globale est identique à celle de ses prédécesseurs, qu’il s’agisse de la morale sexuelle, du célibat des prêtres, de la place de la femme, des questions éthiques et bioéthiques… Il a, par exemple, récemment défendu l’idée d’un « statut juridique pour l’embryon ». « S’il est vrai qu’il a changé la façon de faire le pape, il ne changera pas les contenus », confirme le cardinal allemand Walter Kasper… »[6]

Mais enfin est-ce-que l’Église a encore le droit d’être l’Église ? A-t-elle le droit d’avoir une parole (et aussi la parole) ?

  • Parmi les sujets les plus récurrents sur lesquels tous les médias insistent pesamment, faut-il le préciser, se trouvent ceux qui concernent l’éthique avec un regard plutôt appuyé sur tout ce qui concerne la sexualité. J’ose à peine parler de « sexe » car c’est en fait sous cet angle, exclusivement anatomique, que les choses sont le plus souvent présentées. On entasse en vrac sur un mode apparemment consensuel les « questions éthiques » et suit le catalogue bien connu « des questions liées à l’avortement, au mariage homosexuel ou à l’utilisation des méthodes contraceptives »[7].

Et de relever dans la foulée la réponse du pape François : « Il s’agit d’une question qui regarde la cohérence interne de notre message, on ne doit pas s’attendre à ce que l’Église change de position sur cette question ». Alors sans doute on se satisfait qu’il ait opté pour une attitude qui est interprétée en rupture avec les discours antérieurs : ne pas parler en permanence de ces sujets. Comme si ce choix sous-entendait comme un début de changement vers une plus grande « souplesse » dans la position morale de l’Église sur ces mêmes sujets.

            « Je n’ai pas beaucoup parlé de ces choses [l’avortement, le mariage homosexuel, les méthodes contraceptives] et on me l’a reproché. Mais lorsqu’on en parle, il faut en parler dans un contexte. La pensée de l’Église nous la connaissons et je suis fils de l’Église, mais il n’est pas nécessaire d’en parler en permanence. »[8][9].

Et en introduction du même paragraphe il disait : « Nous ne pouvons pas seulement prendre position sur ces questions. »

Un grand chantier est en cours sur toutes ces questions : il est urgent d’attendre !

Comme quoi ce pape n’est pas si facile à saisir et, s’il en a une, sa « tactique » en surprendra plus d’un.

Dans l’entretien qu’il a accordé A. Spadaro s.j. directeur de La Civiltà Cattolica,  le pape François dessine le profil de ce que la revue Etudes intitule « Un nouveau style d’Église »[10]

On peut lire ces quelques perles qui permettent de discerner ce nouveau style :

  • « Nous ne devons pas réduire le sein de l’Église universelle à un nid protecteur de notre médiocrité. »
  • Et d’expliciter d’où lui vient cette conviction presque en introduction répondant à la question « Que signifie pour un jésuite d’être élu Pape ? » « J’ai toujours été frappé par la maxime décrivant la vision d’Ignace : « Non coerceri a maximo, sed contineri a minimo divinum est ». J’ai beaucoup réfléchi sur cette phrase pour l’exercice du gouvernement en tant que supérieur : ne pas être limité par l’espace le plus grand, mais être en mesure de demeurer dans l’espace le plus limité. Cette vertu du grand et du petit, c’est ce que j’appelle la magnanimité. A partir de l’espace où nous sommes, elle nous fait toujours regarder l’horizon. C’est faire les petites choses de tous les jours avec un cœur grand ouvert à Dieu et aux autres. C’est valoriser les petites choses à l’intérieur de grands horizons, ceux du Royaume de Dieu ».
  • Sur un sujet qui focalise artificiellement toutes les crispations, l’homosexualité : « les journalistes ont beaucoup parlé du coup de téléphone que j’ai donné à un jeune homme qui m’avait écrit une lettre. Je l’ai fait parce que sa lettre était si belle, si simple. Lui téléphoner a été pour moi un acte de fécondité. Je me suis rendu compte que c’est un jeune qui est en train de grandir, qui a reconnu un père…»
  •  L’Église : « Je la vois comme un hôpital de campagne après une bataille. … Nous devons soigner les blessures » … mais en évitant deux écueils « … être trop rigide ou trop laxiste ».
  • Les pasteurs : « Les ministres de l’Évangile doivent être des personnes capables de réchauffer le cœur des personnes, de dialoguer et cheminer avec elles, de descendre dans leur nuit, dans leur obscurité, sans se perdre. » Et un peu plus loin « Les enseignements, tant dogmatiques que moraux, ne sont pas tous équivalents. Une pastorale missionnaire n’est pas obsédée par la transmission désarticulée d’une multitude de doctrines à imposer avec insistance ».
  • Une théologie approfondie « du féminin » … et non « au féminin » : « Je crains la solution du “machisme en jupe” car la femme a une structure différente de l’homme. Les discours que j’entends sur le rôle des femmes sont souvent inspirés par une idéologie machiste ».
  • L’enseignement doctrinal de l’Église : « Dieu s’est révélé comme histoire, non pas comme une collection de vérités abstraites. » Et quand il est question du langage de l’Église face aux défis de la société contemporaine et que beaucoup considèrent comme « décalé » voire « déphasé » : « Il est erroné de voir la doctrine de l’Église comme un « monolithe » qu’il faudrait défendre sans nuances ».
  • Et pour terminer sur une note très personnelle : « Je prie l’Office chaque matin. J’aime prier avec les psaumes. Je célèbre ensuite la messe. Et je prie le rosaire. Ce que je préfère vraiment, c’est l’Adoration du soir, même quand je suis distrait, que je pense à autre chose, voire quand je sommeille dans ma prière. Entre sept et huit heures du soir, je me tiens devant le saint sacrement pour une heure d’adoration. Mais je prie aussi mentalement quand j’attends chez le dentiste ou à d’autres moments de la journée ».

PizziCatho

 


[2] Solange Bied-Charreton, née à Paris en 1982. Elle a tenu un blog de critique littéraire et de billets d’humeur pendant cinq ans.

[5] Matthieu, 13, 1-23

[7] Ibidem

Mon cher Charly,

J’ai pris connaissance récemment d’un courrier que tu as reçu de notre ami, ton « cousin » comme il se plaît à t’appeler.

Je te rappelle qu’il convient de maintenir une distance prudente avec lui : tu sais bien qu’il est impossible de changer de camp.

Il a fait une sorte d’éloge funèbre, à sa façon, d’un grand chef d’orchestre. Pour l’instant sache qu’il ne s’est pas encore présenté chez nous.

En revanche je voulais te dire que nous attendons avec impatience un hôte de marque, qui a quitté sa demeure provisoire. Il tarde un peu… Je sais que dans certain cas le « premier entretien », comme ils l’appellent, se prolonge  pour les cas difficiles. Je dois t’avouer que je ne comprends toujours pas pourquoi ils tergiversent, surtout quand il s’agit de certains « clients ». Celui-là nous a bien servi et nous a fait beaucoup de bien en faisant beaucoup de mal à l’ennemi.

François Cavanna.9 Cet hôte de marque s’appelle François Cavanna, un monument de la mouvance libertaire. J’ai hâte de le rencontrer. Ce qui me plaît chez lui c’est son côté iconoclaste, sa verve sans fioriture, anguleuse, rocailleuse, irrespectueuse, qui a su porter la provocation au rang d’un art majeur parce qu’il faut lui reconnaître quand même un certain génie. Il avait de l’humour, même s’il avait souvent un arrière-goût de « vomi » et des relents de décharge à ordures, mais il en avait pour tout le monde et ça, ce n’était pas donné à tout le monde. Le sommet de sa réussite il le confiait à un journal qui s’embourbe quotidiennement dans un intellectualisme petit bourgeois, ce qu’il détestait le plus. « On admire Hara Kiri comme une glorieuse réussite. Or même au temps de sa grande diffusion, il était haï à l’unanimité, par la presse et les artistes. On était un journal vulgaire. On nous reprochait notre mauvais goût. On était une réunion de bandits, d’individus à la marge, de révoltés. » [1]

Au fond il avait bien raison de s’en prendre à certains journalistes « créateurs d’opinion », faiseurs de rois autant que destructeurs de réputation, propagateurs de contre-vérités. Mais ce n’est pas à toi ni à moi de prendre le contre-pied de ceux qui travaillent pour notre camp, quelle que soient leur motivation. Nous savons bien qu’ils ne croient ni à Dieu ni à diable, leur cri de guerre est « Ni Dieu, ni maître »… Un jour ils comprendront … quand ce sera trop tard !

En attendant regarde, écoute et informe-toi. Il y a du grain à moudre chez les créatures et ce n’est pas le moment de prendre des vacances.

Des informateurs me disent que le feu couve en Fhollandia. C’est bon pour nous. A toi de mettre à profit cette excellente conjoncture.

Tu as droit à ma « bénédiction griffue ».

 Le diableLe sbire de Shaytân

2014-02-03



[1] Le Monde, 2014.01.31 « François Cavanna, mort d’un « rital ».

Mon cher cousin,

Cette lettre est atypique car figure-toi que j’étais auprès de Notre Père à tous quand est arrivé une personne remarquable. Ce n’est pas si rare car tu imagines qu’ici les arrivées sont quotidiennes. Je ne sais pas ce qu’il en est chez vous mais tu n’es pas sans savoir que la porte d’entrée dans votre camp passe par la case départ qui est chez nous.

Nous avons reçu un grand chef d’orchestre, Claudio Abbado.

Claudio Abbado - 1934-2014

Il se trouve que mon protégé est un mélomane. Le dictionnaire définit un mélomane comme « une personne passionnée de musique classique ». Cette précision pour dire qu’il n’a pas la prétention d’être un virtuose ni un grand musicologue : il aime la musique tout simplement. Je me suis entretenu avec lui et j’ai cru comprendre que ce chef d’orchestre était réellement un grand chef doublé d’une forte personnalité.

Je te fais grâce de sa carrière qui est d’une grande richesse, et je dirai seulement que la contribution qu’il a apportée à la musique est prodigieuse.

Les hommages qui lui ont été rendus à sa disparition sont nombreux et unanimes. Sur les chaînes qui diffusent la musique, classique en particulier, les auditeurs ont pu entendre des enregistrements mémorables extraits de ses interprétations qui couvrent tous les répertoires. Mon protégé m’a confié qu’il était plus spécialement ému par certains enregistrements du répertoire des œuvres dites sacrées. Il était ému parce que ce chef était aussi connu pour des idées qui n’étaient pas forcément en accord avec ce que ces mêmes œuvres expriment : le sacré. Oh, bien sûr tu me diras qu’on ne demande pas à celui qui dirige, par exemple, le Stabat Mater de Pergolèse, la Passion selon saint Matthieu de Jean Sébastien Bach ou l’Ave verum de W. A. Mozart, de partager le contenu des textes sur lesquels est écrite la partition musicale. Je te l’accorde et n’en disconviens pas.

Mais si je te confie ces réflexions de mon protégé c’est qu’il se trouve que j’ai été admis au premier entretien qu’a eu Notre Père à tous avec ce chef, à son entrée. Je voulais te faire part du contenu de ce « premier entretien » parce qu’il me semble que cela peut te donner à réfléchir, sinon te faire changer de camp, hélas, hypothèse définitivement impossible ! Cela n’est pas sans lien avec ce que je te dis plus haut à propos des œuvres de musique sacrée. Je dois t’avouer que mon protégé éprouve un certain agacement à entendre certains journalistes spécialistes pérorer avec emphase sur la musique qui accompagne des textes d’une grande profondeur comme si le compositeur avait posé sans plus des notes sur ces mêmes textes sans tenir compte de ce qu’ils signifient… Un peu comme si mettre en musique le texte de la Passion selon saint Matthieu ne signifiait pas plus que de mettre en musique n’importe quelle prose aussi littéraire soit-elle : en somme comme s’il était possible de greffer un organisme vivant sur un support inerte. W. A. Mozart confiait qu’il n’était pas possible d’avoir entendu pendant toute son enfance l’Agnus Dei sans être profondément inspiré par ces mots. Enfin c’est un autre débat… Peut-être faudra-t-il y revenir un jour, car vider de son sens religieux une œuvre quelle qu’elle soit est bien dans votre pratique.

Quand je dis donc que j’ai assisté au « premier entretien », je dois t’expliquer qu’il s’agit du premier dialogue au cours duquel le « postulant à entrer chez nous » s’entretient librement avec Notre Père à tous. Nous y sommes admis. C’est un peu comme un grand oral public. Ensuite pour des confidences plus personnelles et décisives, les deux interlocuteurs restent seuls.

Je transcris ci-après quelques bribes de ce premier entretien.

  • « Soyez le bienvenu, Maestro ! Vous me permettrez de vous appeler ainsi même si je crois savoir que vous préférez tout simplement « Claudio ». Laissez-moi d’abord vous confier toute mon admiration devant la richesse et la qualité des œuvres de toutes les époques qui ont traduit en musique ce que sont pour vous les mystères de la foi. Je reste vraiment ébahi devant l’étendue et la variété des œuvres que les compositeurs ont su écrire et les interprètes en permettre l’écoute. Je ne vous cache pas mon admiration à la lecture du catalogue de toutes les œuvres qui ont été produites depuis que des compositeurs se sont saisis de ces sujets qui vous sont connus sous le titre de répertoire de la « musique sacrée ». Rien ne vous a échappé : les mystères de la Création, l’histoire sainte de ce peuple que j’avais choisi à travers ses tribulations, ses grandes figures, ses exils et ses déportations, l’histoire de mon Fils avec, dans l’ordre, l’Annonciation, la Nativité et les événements qui l’ont accompagnée, sa vie publique, sa Passion et sa Résurrection… Rien n’a été oublié, c’est prodigieux ! Mais, vous, qu’en pensez-vous ? »
  • « Je n’étais qu’un modeste exécutant. Je faisais de mon mieux pour exprimer ce que je croyais avoir appris de l’étude approfondie de l’œuvre et compris dans mon cœur et dans mon esprit. Vous vous imaginez qu’il n’est pas si facile aujourd’hui d’interpréter souvent à des siècles de distance des pièces qui ont été écrites dans un contexte personnel et historique bien différent. Je ne prétendais pas incarner Jean Sébastien Bach, ni aucun des grands compositeurs dont je devais assumer modestement de prendre la place. Je ne sais pas s’ils auraient aimé mon interprétation. Mon rôle était simplement d’être un « passeur d’émotion », l’héritier d’une tradition qu’il est impossible d’interrompre parce que sinon, c’est l’histoire humaine dont j’aurais, d’une certaine façon, brisé le cours. »
  • « Je crois savoir que vous entreteniez des relations personnelles plutôt distantes avec tous ces mystères. Vous aviez, m’a-t-on dit, une orientation dont je sais que ses fondamentaux n’étaient pas très en accord avec tous ces mystères. Je vous accorde qu’ils restent toujours pour vous, et même pour ceux que la foi attache à ces vérités, des mystères, mais il ne manque pas de raisons profondes pour les comprendre. Je reste persuadé que vos convictions étaient sincères et que vous étiez conduit par de nobles idéaux pour le service de l’homme. En témoigne, pour moi, que vous ayez voulu, par exemple, faire entendre la musique que vous avez si bien servie, dans des lieux où elle était exclue comme les prisons. Vous savez peut-être que ce sont ces milieux marginaux, ces périphéries de l’humanité, qui avaient la préférence de mon Fils, qu’il n’a justement pas été compris pour cela et que c’est une des raisons qui l’ont conduit à sa Passion. »
  • « Il est vrai que j’ai toujours donné la préférence à ce qu’il y a de plus noble dans l’homme et qui, dans notre monde fait si souvent défaut : la compassion, la solidarité, l’attention aux humbles et à tous ceux que les circonstances de la vie ont mis devant l’épreuve. Les dernières années de ma propre vie m’ont fait beaucoup réfléchir et je crois que j’ai un peu mieux compris la souffrance parce que je l’ai connue et vécue. Je sais que les hommes qui croient en vous accordent de l’importance à la souffrance. Je ne suis pas sûr qu’ils sachent toujours bien en parler… et peut-être même pas du tout. Vous voudrez bien admettre qu’il n’est pas si simple de croire en un Dieu qui enverrait son Fils sur la terre pour mourir au terme d’une Passion que je ne savais pas comprendre dans le texte mais dont la musique a su transmettre toute la grandeur. Mais ne reste-t-elle pas toujours un mystère ? Souffrir est-il un but ? »
  • « Vous avez raison ! La souffrance n’est pas un but … en soi ! Je n’ai pas envoyé mon Fils sur la terre pour qu’il donne un sens à la souffrance. Il a souffert et c’est tout. Mais sa souffrance était pour le salut des hommes, il est là son sens. Ce n’est pas en souffrant sans plus que l’homme se sauve. Et ce n’est pas la souffrance seulement qui le fait entrer sur ce chemin qui le conduit vers sa fin. Sa fin ? Me connaître ! Vouloir librement me connaître ! Je sais bien que beaucoup de sermons ont été prononcés qui ont essayé de sublimer la souffrance, de lui trouver justement un sens, à défaut de lui en donner. Le cardinal Louis Veuillot qui passait par l’épreuve de la maladie a écrit ces belles paroles, remplies de sa propre expérience, … comme vous : « Nous savons faire de belles phrases sur la souffrance. Moi-même, j’en ai parlé avec chaleur. Dites aux prêtres de n’en rien dire : nous ignorons ce qu’elle est et j’en ai pleuré. » [cité par Mgr Marc Lallier dans son homélie aux obsèques du Cardinal Louis Veuillot, le 17 février 1968]. Vous serez étonné que je vous dise cela. Oui, nous sommes au cœur du mystère dont nous avons déjà beaucoup parlé. Et la musique, ne vous a-t-elle pas fait pénétrer au cœur de ce mystère ? Ne l’avez-vous approché un peu ? Un pianiste que vous avez bien connu, Nikolaï Lugansky, a repris à son compte une affirmation d’un compositeur russe comme lui, Sergueï Rachmaninov : « Si l’on aime la musique, on ne peut pas croire que Dieu n’existe pas ». Je vous vois songeur ? …

…/…

Voici votre baguette.

Je mets à votre disposition mon orchestre et un chœur.

Les anges musiciens - Hans Memling.2

Je vous demande de diriger la Messe en Es-Dur de Franz Schubert et de me bouleverser, comme à chaque fois que j’écoute le Credo et le verset « Et incarnatus est… ».

 

Les anges chanteurs

 

Pizzicatho

2014-01-21

Adoration des bergers   Joyeux Noël & Meilleurs vœux pour la nouvelle année 2014

         « Bethléem est certainement le lieu où les extrêmes se touchent. »

         G.K. Chesterton

   « Les bergers prirent des risques, traversèrent probablement des « check points » et des routes bloquées pour VENIR et VOIR,  REPARTIR et TRANSMETTRE  le message d’espoir et de paix à toutes les nations »

   Adoration des bergers – Le Caravage (1609)

   [Musée régional, Messine]

Cette citation est extraite d’une lettre dont j’ai reçu la copie. Je me suis permis d’ajouter des guillemets à l’expression « check points » parce que je ne souhaite reprendre de la phrase que sa pure signification, sans oser me projeter au-delà des siècles pour ce qui est de la réalité de l’événement qui a eu lieu voici 2000 ans.[1]

Le 25 décembre j’écoutais le traditionnel message de Noël du pape (François désormais). Chaque année, et je l’écoute chaque année, les souverains pontifes reprennent une même thématique : celle de la paix. C’est ainsi que Jésus était annoncé par les prophètes.

  • Isaïe 9, 1-6 ; « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule ; on proclame son nom : « Merveilleux Conseiller, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la Paix. » (Isaïe, vers 735 av. JC)
  • Michée 5, 1-4 : « Ils vivront en sécurité, car désormais sa puissance s’étendra jusqu’aux extrémités de la terre et lui-même il sera la paix !» (Michée : contemporain d’Isaïe)

Si depuis tant et tant d’années ce message se décline sur la même thématique, devrions-nous pour autant être désespérés de constater que cette paix, gagnée ici, est perdue ailleurs … et ainsi de suite dans un enchaînement, qui semble inexorable, de conflits qui se succèdent et qui durent depuis des siècles parfois.

Je reprends les 4 verbes essentiels du message :

       Venir  et voir : plus tard, au début de sa vie publique Jésus-Christ lancera à ses premiers disciples cet appel : « venez et vous verrez ». (Jean, 1, 39)

       Repartir : … « Et les bergers s’en retournèrent, glorifiant Dieu… » (Luc 2, 20) et à la fin du même évangile (de saint Luc) Jésus étant mort au calvaire et déposé dans un sépulcre « les femmes qui étaient venues de la Galilée avec Jésus s’en retournèrent… ». (Luc, 20, 55-56)

      Transmettre : Les derniers mots de l’Evangile sont un envoi « Allez, de toutes les nations faites des disciples…leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit ». (Matthieu, 28, 19)

Voilà ce que je retiens, à titre personnel, de ces vœux venus de Palestine où a commencé et s’est achevée la vie d’un homme que beaucoup connaissent par son nom mais qui restent encore bien divisés quant à la réalité que recouvre ce nom : Jésus-Christ.

Je reviens à des mots écrits par le pape François dans sa récente exhortation apostolique « La joie de l’Évangile »

        « Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. Je répète ici pour toute l’Église ce que j’ai dit de nombreuses fois aux prêtres et laïcs de Buenos Aires : je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités.

Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ. »

Pape François, Evangelii Gaudium n° 49

Zurbaran - Adoration des Mages

Chacun peut l’écouter à sa façon mais nul ne peut dissocier ce message de celui dont il s’inspire.

 

         Noël 2013—Nouvelle année 2014

Le  25  décembre 2014 – 6 janvier 2014

PizziCatho

   L’adoration des Mages – Francisco de Zurbarán (1639-1640°

   [Musée des Beaux-Arts de Grenoble]



[1] La lettre a été écrite par D. Nassar, un chrétien qui vit en Cisjordanie dans les conditions qu’on connaît qui affectent cette région. Il est juste que je précise, pour ne pas trahir l’auteur, que l’emprunt à son message n’a pas la prétention d’entrer dans la douloureuse problématique actuelle de la Palestine.

Pour information sur l’auteur de la lettre :

http://www.tentofnations.org/

http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/3/21/73/59/Documents-textes/Palestine/Israel-la-tente-des-nations-article-Secours-Catholique0001.pdf

 

Nelson Mandela

Adieu Madiba

« Le jour où je suis sorti de prison, quand j’ai vu tous ces gens qui m’observaient, un flot de colère m’a envahi à la pensée qu’ils m’avaient volé vingt-sept années de ma vie. Alors je me suis dit : Nelson, quand tu étais en prison, tu étais libre; maintenant que tu es libre, ne deviens pas leur prisonnier. » (Nelson Mandela)

        Chaque fois que disparaît une grande figure, homme[1] ou femme, qui a marqué l’histoire de son époque, je reste songeur et je suis porté à méditer sur le thème : « … et maintenant ? ».

Pendant une période plus ou moins longue cette illustre personnalité a inscrit son histoire dans une culture et dans un domaine qu’elle a fait briller d’un éclat particulier.

« … et maintenant ? »

J’y pense à l’occasion du départ de Nelson Mandela.

La foule des chefs d’état, anciens et en exercice, qui par leur présence ont rendu hommage à la personnalité exceptionnelle que fut Nelson Mandela rappelle -mutatis mutandis- la même foule -mais pas tous les mêmes- qui assistait à Rome à la messe de funérailles de Jean Paul II en 2005.

La seule présence en de telles occasions de tant de représentants de l’autorité de nations aussi différentes, de régimes si divers, est un signe …

Mais de quoi ? Comme en toute circonstance semblable les déclarations qui rendent hommage au disparu sont rédigées en termes élogieux et il faut le croire sincères.

L’exercice est légitime, même si pour certains, l’impression laissée par ces éloges rend mal à l’aise tant il apparaît difficile de ne pas voir transparaître une volonté plus ou moins consciente d’écrire quelques lignes ou une page qui figure en bonne place dans un parcours plutôt fade, voire contestable mais rehaussé par la personnalité qu’on salue…   J’y’ étais !  diront-ils, comme si leur seule présence suffisait à faire rejaillir, ne serait-ce qu’un peu de l’honneur du disparu sur une personnalité à l’envergure bien limitée.

Au-delà de l’inflation médiatique dont l’événement est l’objet je souhaite rebondir à propos sur cette « étrange sainteté ».

Car il faut bien le dire, quelle que soit la personnalité, son parcours personnel, les épreuves qu’elle a traversées ou l’aura qui l’a entourée, la tendance est à « canoniser » empruntant à la tradition de l’Eglise Catholique.

Mais quel est le sens de cette « canonisation » ?

Dans de nombreuses nations existe un « panthéon » où sont rassemblés les « héros » de la nation quel que soit le titre de gloire qui leur vaut cette entrée au Panthéon des hommes illustres (… où des femmes aussi ne sont entrées que bien tardivement !).

Pourquoi « canoniser » ainsi une œuvre, de hauts-faits, de justes combats, un « génie » … bref une vie qui a brillé et dont la lumière a éclairé une époque et une nation.

Mais je me suis éloigné de mon projet initial. Je reviens à « Madiba », Nelson Mandela.

Avec lui disparaît peut-être l’une des dernières grandes figures emblématiques du XX° siècle : siècle de combats, de luttes trop souvent sanglantes pour conquérir la liberté, pour la retrouver, pour la sauvegarder, cette « valeur » universelle qui est aussi l’une de celles qui n’en finira pas de coûter « du sang et des larmes » car être libre est l’une des aspirations les plus nobles de l’homme.

Nelson Mandela n’est pas sorti de 27 ans d’emprisonnement détruit et révolté. Revenu à la vie d’homme libre il n’est pas entré dans le camp des « vainqueurs » en criant « Vae victis! ». C’est admirable !

Quant à la liberté, force est de constater que l’homme  n’en finit jamais de tomber dans des esclavages qu’il engendre lui-même … croyant s’ouvrir un chemin vers de nouvelles libertés.

Pourquoi ?

Quelle liberté l’homme cherche-t-il ?

Sait-il même, après tant de siècles, ce qu’est la liberté ?

Un jour interrogeant l’homme qu’on lui amenait pour le juger, ce Préfet de Judée pose à l’accusé cette question « Qu’est-ce que la vérité ? ». On ne sait si pressé par le temps, inquiet de la tournure que prend l’affaire ou craignant d’entendre la réponse, il se détourne sans attendre la réponse.

Bien plus tard l’un des témoins rapportera ces paroles de l’accusé prononcées au cours d’un de ses discours « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. »

Bien sûr, qui n’aura reconnu cette parole de Jésus-Christ, devenue sans doute l’une des plus emblématiques et reprise si souvent dans des contextes si divers et, hélas aussi, détournée de son sens originel.

Et maintenant… ?

J’y pense toujours quand on salue avec tous les honneurs posthumes celui qui a quitté cette terre et je pense aussi qu’il emporte au fond de lui ces questions auxquelles il aura essayé de répondre sa vie durant « Qu’est-ce-que la vérité ? » Et en écho cette réponse « La vérité vous rendra libres ».

Et maintenant … ?

Ma conviction est que la réponse lui est donnée désormais indépendamment des honneurs qui lui sont rendus en présence de Celui qui lui aura par tous les moyens donné l’occasion d’entendre cette vérité qu’il aura cherchée en cherchant la liberté.

… Et si on y pensait aussi avant cette ultime rencontre ?


[1] Je distingue mais qu’il me soit permis d’apporter cette précision d’une grande dame de la culture française dans ce qu’elle a de plus noble, Madame Jacqueline de Romilly de l’Académie Française. « Dans Le jardin des mots » est un merveilleux recueil de chroniques qu’elle a écrites pour Santé Magazine. Au chapitre « Homme » elle écrit ce qui suit : « Le mot français vient tout droit du latin [homo] ; mais on ne sait pas toujours assez que ce mot latin lui-même a pour origine une racine signifiant la « terre » ! Homme voudrait donc dire « né de la terre » ! … Au début on écrivait seulement om, ce n’est grand-chose. » Dans le jardin des mots, par Jacqueline de Romilly [http://www.mollat.com/livres/romilly-jacqueline-dans-jardin-des-mots-9782253124382.html?affid=91&prov=g]

N’étant pas spécialiste en langue anciennes j’aurais aimé poser à Mme de Romilly la question de la filiation sémantique entre cette racine supposée « om » et la « syllabe mystique » si chargée de symbolisme du plus célèbre mantra du bouddhisme : Om mani padme hum (en sanskrit ॐ मणिपद्मे हूँ en Tibétain : ཨོཾ་མ་ཎི་པ་དྨེ་ཧཱུྃ་ (Oṃ maṇi padme hāuṃ).

 

 

Moslem Quarter (13)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le pape François plaide pour un renouveau de l’Eglise catholique et appelle les dirigeants des grandes puissances mondiales à lutter contre la pauvreté et les inégalités engendrées par le capitalisme financier, qu’il qualifie de « nouvelle tyrannie invisible ». 

…/…

« Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités »

Pape François, la joie de l’Evangile, n. 49

… Cette citation volontairement extraite d’un article et dont il me semble intéressant de souligner qu’elle est publiée dans une revue qui s’intéresse aussi à d’autres aspects du capitalisme financier.

http://www.capital.fr/a-la-une/actualites/le-pape-qualifie-le-capitalisme-financier-de-nouvelle-tyrannie-891215

http://www.vatican.va/holy_father/francesco/apost_exhortations/documents/papa-francesco_esortazione-ap_20131124_evangelii-gaudium_fr.pdf

Mon cher cousin,

J’ai pris connaissance des trois principes que ton maître à penser t’a rappelés dernièrement, histoire de reprendre la main et de te reprendre en main.

Je les résume :

  1. Ne pas croire que tu « les » convaincras en les persuadant que Dieu n’existe pas.
  2. Ne pas nourrir de faux espoirs de « les » rassurer en « les » laissant croire que l’enfer n’existe pas, que le diable est un mythe…
  3. La voie que tu devras toujours privilégier : l’indifférence.

Il ne m’intéresse pas vraiment de développer par le détail des arguments pour te convaincre de l’ineptie de ces principes.

Vous avez vos méthodes et nous avons les nôtres. Nous sommes au moins convaincus d’une chose, peut-être la seule que nous avons en commun : il y aura toujours entre vous en nous un abîme d’incommunicabilité. Nous devrons nous y faire.

… Cela ne m’empêche pas de m’exprimer, tout comme ton maître ne s’en prive pas.

Laisse-moi te raconter quelques histoires qui, sans doute, font partie de l’histoire que vous entretenez en les transmettant parmi vous parce que Shaytân, votre maître tout-puissant, en est un acteur de premier plan. Il se trouve que nombre de ces histoires font partie d’un trésor que nous appelons les Saintes Écritures. Tu me diras qu’il est curieux que nous les ayons conservées mais je te répondrai que justement elles ont pleinement leur place à titre d’exemple.

Je ne remonterai pas aux origines dont il est question dans le troisième principe que te rappelle le Sbire, sa première victoire !

Je vais avancer dans l’histoire jusqu’au livre que nous appelons le livre de Job. Je suis sûr que tu ne l’as jamais lu et, dès lors, je ne peux faire l’économie de quelques mots d’explication.

La thématique du livre de Job prend place d’emblée au cœur de la théologie spirituelle. En effet, le destin de Job et les divers dialogues qui en permettent l’interprétation interrogent sur des questions essentielles concernant la foi et l’espérance du juste aux prises avec une souffrance imméritée. Pour bien le comprendre le livre de Job exige des clefs de lecture théologique qui introduisent sur des questions majeures auxquelles tout croyant, tôt ou tard, se trouve un jour confronté : le mystère du mal et de la souffrance, en particulier celle qu’il estime injustifiée, la rencontre de Dieu jusque dans l’échec apparent de toute réussite humaine, la confrontation de la fidélité de l’homme avec la justice de Dieu, les difficultés du dialogue avec l’homme souffrant et enfin le sens de la vie elle-même dès lors qu’elle doit intégrer la perspective de la mort[1].

Livre de Job

[Du livre je ne retiens ici que les versets qui intéressent mon propos.]

Chapitre 1 – Job, ses richesses, sa piété

1 Il y avait dans le pays de Hus un homme nommé Job; cet homme était intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal.

2 Il lui naquit sept fils et trois filles.

3 Il possédait sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs, cinq cent ânesses et un très grand nombre de serviteurs; et cet homme était le plus grand de tous les fils de l’Orient.

…/…

Première série d’épreuves  

6 Il arriva un jour que, les fils de Dieu étant venus se présenter devant Yahweh, Satan vint aussi au milieu d’eux.

7 Et Yahweh dit à Satan: « D’où viens-tu? » Satan répondit à Yahweh et dit: « De parcourir le monde et de m’y promener. »

8 Yahweh dit à Satan: « As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n’y a pas d’homme comme lui sur la terre, intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal. »

9 Satan répondit à Yahweh: « Est-ce gratuitement que Job craint Dieu?

10 Ne l’as-tu pas entouré comme une clôture, lui, sa maison et tout ce qui lui appartient? Tu as béni l’œuvre de ses mains, et ses troupeaux couvrent le pays.

11 Mais étends la main, touche à tout ce qui lui appartient, et on verra s’il ne te maudit pas en face! »

12 Yahweh dit à Satan: « Voici, tout ce qui lui appartient est en ton pouvoir; seulement ne porte pas la main sur lui. » Et Satan se retira de devant la face de Yahweh.

Gustave Doré - Job apprend les malheurs qui le frappent - Job Chapitre 1

Gustave Doré – Job apprend les malheurs qui le frappent

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Suivent les versets qui racontent par le détail les épreuves qui frappèrent Job et toute sa maison (versets 13-19)

…/…

Chapitre 2 – Job frappé d’une lèpre maligne

1 Il arriva un jour que, les fils de Dieu étant venus se présenter devant Yahweh, Satan vint aussi au milieu d’eux se présenter devant Yahweh.

2 Et Yahweh dit à Satan: « D’où viens-tu? » Satan répondit à Yahweh et dit: « De parcourir le monde et de m’y promener. »

3 Yahweh dit à Satan: « As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n’y a pas d’homme comme lui sur la terre, intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal. Il persévère toujours dans son intégrité, quoique tu m’aies provoqué à le perdre sans raison. »

4 Satan répondit à Yahweh et dit: « Peau pour peau! L’homme donne ce qu’il possède pour conserver sa vie.

5 Mais étends ta main, touche ses os et sa chair, et on verra s’il ne te maudit pas en face. »

6 Yahweh dit à Satan: « Voici que je le livre entre tes mains; seulement épargne sa vie! »

7 Et Satan se retira de devant la face de Yahweh. Et il frappa Job d’une lèpre maligne depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête.

…/…

Je voudrais à présent que tu consentes à lire ce chapitre du livre d’Amos[1]. Il fait partie des livres prophétiques.

Amos 6, 1-7

1 Malheur à ceux qui vivent tranquilles dans Sion, et en sécurité sur la montagne de Samarie, les plus nobles du premier des peuples, auprès desquels va la maison d’Israël

2 Passez à Calné et voyez; allez de là à Hamath la grande ; descendez à Geth des Philistins ; Ces villes sont-elles plus prospères que ces royaumes, et leur territoire est-il plus étendu que le vôtre?

3 Vous éloignez le jour du malheur, et vous faites approcher le règne de la violence !

4 Ils sont vautrés sur des lits d’ivoire, et s’étendent sur leurs divans ; ils mangent les agneaux du troupeau, et les veaux engraissés dans l’étable.

5 Ils folâtrent au son de la harpe ; comme David, ils ont inventé des instruments de musique.

6 Ils boivent le vin dans de larges coupes, ils se parfument avec les huiles les plus exquises. Et ils ne sont pas malades de la plaie de Joseph.

7 C’est pourquoi ils iront en exil, à la tête des captifs, et les cris de joie des voluptueux disparaîtront.

Et enfin je t’envoie vers un troisième livre, également de la série des livres prophétique, le livre de Malachie[

Malachie 3, 13-20

13 Vous avez contre moi des paroles dures, dit le Seigneur. Et vous osez demander : « Qu’est-ce que nous avons dit entre nous contre toi ? »

14 Voici ce que vous avez dit : « Servir Dieu n’a pas de sens. A quoi bon garder ses préceptes, mener une vie sans joie en présence du Seigneur de l’univers ?

15 Nous en venons à déclarer heureux les arrogants ; même ceux qui font le mal sont prospères ; même s’ils mettent Dieu à l’épreuve, ils s’en tirent ! »

16 Alors ceux qui craignent le Seigneur s’exhortèrent mutuellement. Le Seigneur fut attentif et les écouta ; un mémorial fut écrit devant lui en faveur de ceux qui le craignent et qui ont le souci de son Nom.

17 Le Seigneur de l’univers déclara : Ils seront mon domaine particulier pour le jour que je prépare. Je serai indulgent envers eux, comme un homme est indulgent envers le fils qui le sert fidèlement.

18 Vous verrez de nouveau qu’il y a une différence entre le juste et le méchant, entre celui qui sert Dieu et celui qui refuse de le servir.

19 Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme une fournaise. Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l’impiété, seront de la paille. Le jour qui vient les consumera, déclare le Seigneur de l’univers, il ne leur laissera ni racine ni branche.

20 Mais pour vous qui craignez mon Nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement.

Ces trois passages sont historiquement totalement indépendants. Cependant permets-moi de les rapprocher pour en tirer une conclusion  qui, pour être personnelle, ne me semble pas trop incongrue et dans le but de donner la réplique à ton maître à penser dont toute la stratégie consiste à attaquer les  créatures dans leur chair pour asservir leur âme.

Tu noteras que ce dernier entre bien singulièrement dans l’existence de Job. Tu remarqueras aussi comment mon Maître et le tien dialoguent. Il est assez plaisant ce dialogue. « D’où viens-tu ?… De parcourir le monde et de m’y promener. » Un peu comme si le monde était sa propriété, son lieu de villégiature, oubliant qu’il a été créé et qui l’a créé. Tu sais bien que ton maître, le grand Shaytân, envoie ses serviteurs, dont toi-même, pour semer la zizanie. Et finalement, il faut bien l’avouer, le résultat est assez probant. Mais n’oublie pas qu’il n’agit pas sans une permission explicite : « Voici, tout ce qui lui appartient est en ton pouvoir; seulement ne porte pas la main sur lui. » Et aussi : « Voici que je le livre entre tes mains; seulement épargne sa vie! » Aussi grand soit son pouvoir, il n’est qu’un pouvoir délégué et qui ne va jamais au-delà de la liberté que peut toujours garder la créature. Si mon Maître lui a accordé, non sans risque, la liberté, ce n’est pas pour autant que vous avez toute faculté pour l’asservir dans n’importe quelle condition et autrement que par le seul pouvoir dont vous disposez : la tentation.

Job a toujours gardé sa fidélité dans l’épreuve et ce, malgré l’opposition et les sarcasmes dont il a été l’objet de la part de ses proches et de ses amis.

En revanche les livres d’Amos et de Malachie nous enseignent deux choses :

–          Dans la prospérité l’homme ne tarde pas à abandonner la voie de la fidélité qui était la condition même de son bonheur.

–          Suivre la voie de la fidélité exige des renoncements, de l’effort, de la volonté, et par comparaison, ceux qui ne craignent pas Dieu, vivent –en apparence- dans la prospérité et s’en tirent en dépit de leurs mépris des préceptes et des commandements.

Job est un exemple pour toute créature qui veut rester fidèle à Dieu et garder la foi. De nos jours le matérialisme ambiant génère toutes sortes de satisfactions comme de déceptions et nombreux sont  ceux qui capitulent quand ils rencontrent la souffrance, l’échec, la perspective de la lutte. Le christianisme n’est pas, comme le prétendent ceux qui n’ont pas compris grand-chose à son message ou tout simplement ne l’acceptent pas, une religion doloriste, une religion qui cultive la passivité et la résignation face à l’épreuve physique ou morale.

G.K. Chesterton a écrit un livre remarquable qui a pour titre « La Sphère et la Croix »[3]. Il décrit avec l’humour qui le caractérise l’opposition entre l’esprit du monde et l’esprit du christianisme.

Je le cite : « Que pourrions-nous trouver qui exprime mieux votre philosophie et la mienne que la forme de cette croix et celle de cette boule ? Ce globe est parfaitement raisonnable ; cette croix est déraisonnable. C’est un animal à quatre pattes dont l’une est plus longue que les autres. Le globe est logique. La croix est arbitraire. Avant tout le globe est conséquent avec lui-même ; la croix est essentiellement et par-dessus tout, ennemie d’elle-même. La croix est le conflit de deux lignes hostiles, de deux directions inconciliables. Cette chose muette qui se dresse ici est une collision, une rupture violente, une lutte dans la pierre. Nous en avons assez de ce symbole. Sa forme même est une contradiction. »

« What could possibly express your philosophy and my philosophy better than the shape of that cross and the shape of this ball? This globe is reasonable; that cross is unreasonable. It is a four legged animal, with one leg longer than the others. The globe is inevitable. The cross is arbitrary. Above all the globe is at unity with itself; the cross is primarily and above all things at enmity with itself. The cross is the conflict of two hostile lines, of irreconcilable direction. That silent thing up there is essentially a collision, a crash, a struggle in stone. Pah! That sacred symbol of yours has actually given its name to a description of desperation and muddle. When we speak of men at once ignorant of each other and frustrated by each other, we say they are at cross-purposes. Away with the thing! The very shape of it is a contradiction in terms. »

 Ainsi des réflexions qu’adresse l’un des personnages que tu connais bien, le Professeur Lucifer, adressées à son interlocuteur, que Chesterton appelle le Moine Michaël.

Je ne vois plus rien d’autre à ajouter … sinon pour conclure qu’aujourd’hui on rencontre encore des hommes et des femmes qui à l’instar de Job font face avec courage et puis la foule des « vautrés » qui affirment que « servir Dieu n’a pas de sens ».

Porte toi bien et à une prochaine fois.

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2013.11.07


27. août 2013 · Ecrire un commentaire · Catégories: Le sbire · Tags:

 

Mon cher Charly,

Tu me permettras, après un trop long silence, de te rappeler les grands principes qui devront guider tes interventions auprès des funestes créatures.

Ni Dieu ni maître

[Inscription au pochoir – Paris 2005 … sans publicité pour les auteurs ni sur le site]

Premier principe : ne pas croire que tu les convaincras en les persuadant que Dieu n’existe pas. D’abord et pour commencer, même si je te déconseille de t’évertuer à leur en faire la démonstration, il existe bel et bien, preuve en est que sinon, nous ne perdrions pas notre temps à vagabonder dans le monde pour les détourner de son emprise. Depuis la nuit des temps toutes les ficelles de l’entreprise ont échoué : les catastrophes naturelles, les raisonnements intellectuels, les leurres que nous avons envoyés dans toutes les directions, l’ennui, la solitude, le chagrin, la maladie et même la mort… rien n’a jamais marché. L’ennemi est trop bien armé et, pour notre plus grande déconvenue, qui est aussi le moteur principal de notre révolte, il s’arrange toujours pour ouvrir une fenêtre vers l’espérance.


Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l'Enfer - Gustave Doré - 1861

[Dante et Virgile dans le Neuvième Cercle de l’Enfer – Gustave Doré 1861]

Deuxième principe : ne nourris pas de faux espoirs de les rassurer en les laissant croire que l’enfer n’existe pas, que le diable est un mythe inventé par des cerveaux ramollis ou dégénérés, que le mal n’est qu’un incident dû au hasard et qu’il se produit seulement parce que le monde n’est pas parfait. Ils n’ont pas besoin que tu leur démontres qu’il y a un ordre dans l’univers. Tu constateras que depuis des générations et des générations ils sont passés d’un état plutôt primitif à la découverte des plus grandes vérités dans d’innombrables domaines. J’ai beaucoup de mal à l’avouer mais, si je les affuble volontiers des qualificatifs les plus méprisants, force est de reconnaître qu’ils ont gardé quelque chose de l’étincelle divine. La seule conclusion que tu dois tirer de ce constat c’est que tu devras toujours faire en sorte qu’ils l’oublient. A toi de trouver les moyens les plus efficaces pour les détourner de lui.

Le péché originel - Eve - Chapelle Sixtine.2

[Michel Ange – Chapelle Sixtine – Médaillon « Le péché originel et l’expulsion du paradis » (Détail : Ève) – 1509-1510]

Troisième principe : c’est la voie que tu devras toujours privilégier : l’indifférence, le sentiment qu’ils auront toujours assez de temps pour y penser plus tard et que le plus important pour eux est de profiter de la vie. Ils vivent en effet, de mieux en mieux et de plus en plus longtemps. Ils en sont arrivés à croire qu’ils créent, qu’ils inventent, qu’ils renouvellent, qu’ils ont acquis des pouvoirs qui leur permettent, -c’est ce qu’ils s’imaginent-, de dominer le monde de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Il est inutile de chercher des formules nouvelles. On ne refera jamais mieux ce que notre père d’en-bas a réussi la première fois et du premier coup : leur suggérer par une intuition géniale que s’ils consentaient à toucher au fruit défendu ils deviendraient « comme des dieux ».

C’est toujours d’actualité et c’est  une méthode qui marche à tous les coups… Enfin, pour être juste, c’est par là qu’ils entrent toujours dans notre camp pour commencer. A nous, et maintenant à toi sur le terrain, de faire en sorte qu’ils n’en sortent pas.

Je t’envoie sous peu des idées à approfondir et des pistes à exploiter.

Ne perds pas courage. N’oublie pas que les temps sont favorables mais qu’il ne tient qu’à toi d’entretenir cet état.

Porte-toi bien.

 Le diable - RéductionLe sbire de Shaytân

2013-08-19

 

 

Demander … c’est bien !

Savoir écouter … c’est encore mieux !

Bréhat - Le soir et coucher de soleil (35.panorama)2013.07.14 - Dieu, si tu existes ..