Lorsqu’on pense Vatican, immédiatement il vient à l’esprit Michel-Ange et Raphaël, Chapelle Sixtine et Chambres de Raphaël. Mais ce serait passer à côté d’une Piétà par Van Gogh qui se trouve dans le musée d’art religieux, donc dans l’ordre de la visite juste après les appartements Borgia. Ce musée voulu et inauguré par Paul VI n’est pas toujours ouvert et le flot des visiteurs à ce stade est tel qu’on peut passer aussi devant cette Pietà sans la voir (salle XVI). Il peut être intéressant de s’arrêter quelques secondes sur son histoire.Delacroix, Nanteuil et les lithographies. À l’origine, il y a d’abord une Pietà, 1850, 35 x 27 cm, par Eugène Delacroix, un tableau qui se trouve maintenant au Musée national d’Oslo. Il montre Marie et Jésus lors de la descente de Croix. C’est d’abord la solitude de la mère tentant de soutenir son fils mort qui nous frappe par rapport aux autres descentes de Croix souvent remplies de personnages. Delacroix a peint de nombreux sujets religieux. Mais ce tableau va obtenir une renommée plus grande par la diffusion, très nouvelle à l’époque, de lithographies.La lithographie a été inventée en 1796. La génération des Romantiques est alors la première à utiliser cette technique qui n’est ni en creux (comme la gravure en taille douce) ni en relief (comme la gravure sur bois) mais « à plat » et utilise la chimie pour que l’encre aille au bon endroit. Lorsque la lithographie est exécutée à partir d’une autre œuvre (une toile par exemple), elle sera inversée puisque la pierre devient la matrice qu’on retourne. C’est ce que l’on peut constater dans cette lithographie de Célestin Nanteuil (1813-1873) exécutée dès 1853.La lithographie est bien inversée (effet miroir) par rapport à la toile originelle d’Eugène Delacroix. https://www.cineclubdecaen.com/peinture/peintres/delacroix/pieta.htm
Etude pour une pietà – Lithographie – Eugène Delacroix
À la fin de l’été 1889, Vincent van Gogh est interné à l’hôpital à Saint-Rémy de Provence. Confiné dans sa chambre, rarement autorisé à aller dans le jardin il utilise parfois des gravures ou lithographies comme modèle. La copie le détend. Il confie à son frère Théo : « Je m’y suis mis par hasard et je trouve que cela apprend et surtout parfois console. Aussi alors mon pinceau va entre mes doigts comme serait un archet sur le violon et absolument pour mon plaisir. »On sait toujours par les lettres de Vincent à Théo, que des lithographies de la Pietà et du Bon Samaritain de Delacroix étaient dans sa chambre.Vincent écrit ensuite : « Ainsi cette fois-ci pendant ma maladie il m’était arrivé un malheur — cette lithographie de Delacroix la Pietà avec d’autres feuilles était tombée dans de l’huile et de la peinture et s’était abîmée. J’en étais triste — alors entretemps je me je me suis occupé à la peindre et tu verras cela un jour, sur une toile de 5 ou 6 j’en ai fait une copie qui je crois est bien sentie. » L’incident est devenu un sujet, un prétexte à une nouvelle toile. Van Gogh, fils de pasteur, avait lui-même essayé sans succès de devenir pasteur, mais avait échoué à l’examen de théologie. Pourtant, c’est la seule et unique toile dans laquelle Vincent va représenter Jésus, ou plutôt la seule composition puisqu’une réplique en sera réalisée quelques mois plus tard. Il se distingue en cela de son ami Gauguin, souvent attiré par les sujets religieux. Cette peinture (42 x 34 cm) est entrée au Vatican via un don du diocèse de New York en 1973. Certains critiques ont fait remarquer que le visage du Christ aux cheveux et à la barbe rousse pouvait être identifié avec celui de l’artiste. Vincent, malade, aurait identifié alors ses souffrances avec celles du Christ.
La réplique du musée d’Amsterdam
L’artiste va exécuter une seconde version en 1890, un peu plus grande (73 X 60.5 cm), pour le docteur Gachet. Cette version est au musée Van Gogh à Amsterdam. Il est intéressant de regarder les différences stylistiques à quelques mois d’intervalle.Lettre à Théo d’Auvers sur Oise 3 juin 1890. « Gachet m’a dit aussi, que si je voulais lui faire un grand plaisir, il désirerait que je refasse pour lui la copie de la Pietà de Delacroix qu’il a regardée très longtemps. Dans la suite probablement il me donnera un coup de main pour les modèles; je sens qu’il nous comprendra tout à fait et qu’il travaillera avec toi et moi sans arrière-pensée, pour l’amour de l’art pour l’art, de toute son intelligence. » Il reste à ce moment à Vincent quelques semaines à vivre.
Connu pour son importante production picturale inspirée de la Bible, l’artiste isérois, Arcabas, est mort le 23 août 2018 à l’âge de 91 ans. Jean-Michel Pirot, plus connu sous le pseudonyme « Arcabas », est connu pour ses décors d’inspirations religieuses au service des églises de France, d’Italie et de Belgique, cet infatigable artiste travaillait encore avec passion malgré son âge avancé. Sa rencontre avec l’art sacréDiplômé de l’école des Beaux-arts de Paris, il devient rapidement professeur à l’École des Arts décoratifs de Grenoble en 1950. Deux ans plus tard, une rencontre va changer sa vie. En visite à l’église Saint-Hugues-de-Chartreuse (Isère), qui l’impressionne par ses grandes dimensions, il rencontre par hasard le curé de la paroisse, le père Raymond Truffot, prêtre-ouvrier. Arcabas, emballé à l’idée de décorer l’intérieur, propose ses services au curé sans exiger de rémunération. Ce dernier accepte ainsi que le maire de la ville. Cela sera son premier grand chantier d’art sacré. Dans la lignée des grands artistes du renouveau de l’art sacré des années 1950, Arcabas s’attachera à offrir une œuvre unifiée et réalisera, outre des peintures, des vitraux mais également du mobilier liturgique. Un peintre à la foi ardente. Ce goût naissant pour l’art sacré ne le quittera plus. Oscillant entre productions profanes et religieuses, il deviendra vite si célèbre que de nombreuses églises et institutions religieuses, de France ou de l’étranger, feront appel à lui pour réaliser des grands ensembles monumentaux. À 90 ans, il avait accepté sa dernière grande commande qu’il laisse inachevée. Un projet de 24 baies de six mètres de haut pour la basilique du Sacré-Cœur de Grenoble, en collaboration avec le maître verrier Christophe Berthier
Si son œuvre divisait, notamment en raison de son attachement viscéral pour la peinture figurative, il se défendait en déclarant vouloir faire une œuvre, à la fois lisible, compréhensible et apaisante. Sa foi, profondément ancrée et nourrie par une lecture quotidienne de la Bible, inspirait chacune de ses œuvres dont le seul but était de célébrer la gloire de Dieu.
Le Viêt Nam : la longue histoire d’un pays tellement attachant… Histoire du christianisme au Viêt Nam et du sanctuaire de La Vang.
Le village de La Vang est situé dans la province vietnamienne de Quảng Trị, dans la commune de Hai Phu, au centre du Viêt Nam. La basilique Notre-Dame de La Vang est une église catholique située dans le village de La Vang. Voici ce que signifie La Vang : « La » signifie « feuille » et « Vang » signifie « graine d’herbe ». La basilique de La Vang fut détruite en 1972 pendant la guerre du Viêt Nam par les bombardements américains. Il n’en reste aujourd’hui que le clocher et le mur auquel il s’adosse.L’histoire nous rappelle que l’Église catholique commença à évangéliser le Viêt Nam au début du XVIe siècle. Puis, elle y établit deux Vicariats apostoliques en 1659. Il faut se souvenir du fait que pendant des siècles l’Église catholique vietnamienne fut souvent persécutée. Ainsi, de 1625 à 1886 il y eut 53 décrets qui furent pris contre elle par les seigneurs et les empereurs du pays. En particulier, le 17 août 1798, l’empereur Canh Trinh interdit la religion catholique sur son territoire. Aussi, pour fuir les persécutions, des catholiques vietnamiens, se réfugièrent-ils dans la « forêt de la Pluie » à La Vang située à 60 km de Hué, à La Vang. Ils se réunissaient chaque jour autour d’un grand arbre et récitaient le Rosaire. Il ordonnait aussi la destruction de toutes les églises. Un jour, la Vierge, entourée de deux anges et tenant dans ses bras l’Enfant Jésus, fit sa première apparition. Un témoin a raconté qu’elle était revêtue d’un manteau magnifique, à l’orientale, et qu’elle tenait l’Enfant Jésus dans ses bras. Elle se tenait là, sur le gazon, comme une maman au milieu de ses enfants.La Vierge Marie leur dit:– J’ai déjà exaucé vos prières. Dorénavant tous ceux qui viendront me prier en ce lieu verront leurs vœux exaucés.Cette apparition fut suivie de plusieurs autres, au cours desquelles la Vierge Marie déclara que tous ceux qui viendraient prier en ce lieu recevraient de grandes grâces. Les paysans regagnèrent leurs villages en 1802, lorsque la persécution s’apaisa; la nouvelle de l’apparition de Marie aux paysans se répandit dans tout l’Annam, marquant le début d’un pèlerinage, et une première chapelle fut construite en 1820. A partir de ce moment, des pèlerinages, pratiquement ininterrompus depuis deux siècles se mirent en place. Une dizaine d’années plus tard, plusieurs vagues de répression s’abattirent de nouveau sur la région, notamment sous le règne de l’empereur Tu Duc. Ces persécutions durèrent jusqu’en 1885, comme en témoignent les martyres de saint Étienne-Théodore Cuenot et de ses compagnons en 1861 ainsi que ceux du Tonkin avec saint Théophane Vénard. Trente martyrs annamites furent brûlés vifs à La Vang. La dévotion à la Vierge de La Vang devint alors l’un des piliers de la foi des martyrs chrétiens qui, capturés et condamnés à mort, demandaient souvent à mourir à La Vang. Notons que cette tradition est orale, d’où l’imprécision de certaines dates.Une chapelle fut construite après les troubles de 1885; puis, en 1901, une église fut édifiée, puis consacrée par Mgr Caspar, sous le vocable de Notre-Dame-Secours-des-Chrétiens, en présence de 12 000 pèlerins; Notre Dame de La Vang fut déclarée protectrice des catholiques du Viêt Nam. L’église fut agrandie en 1928, et un pèlerinage national s’y déroulait tous les trois ans. Après les Accords de Genève de 1954 et la partition du Viêt Nam, la statue de Notre-Dame de La Vang, qui avait été mise en lieu sûr pendant la guerre d’Indochine, fut replacée dans l’église le jour de la fête de l’Immaculée Conception, le 8 décembre 1954.La conférence épiscopale des évêques du Sud Viêt Nam choisit l’église de La Vang comme lieu de pèlerinage national à l’Immaculée Conception en avril 1961. Le pape Jean XXIII éleva cette église au rang de basilique mineure le 22 août 1961. Mais, de nouveau, l’église fut détruite par les bombardements américains pendant l’été 1972.Histoire de la province de Quảng Trị et guerre du Viêt NamSituée sur les rives de la rivière Thach Han, la citadelle de Quảng Trị est connue pour avoir été le théâtre de bombardements acharnés pendant la guerre américaine au Viêt Nam. Après la signature de l’accord de Genève de 1954, la ligne de démarcation séparant le Nord et le Sud du pays a été fixée au 17è parallèle. La cité municipale de Quảng Trị qui abrite la citadelle du même nom est alors devenue le centre politique, militaire et économique de cette province. La guerre a changé le cours de l’histoire et la citadelle qui s’imposait au coeur de la cité municipale de Quang Tri a occupé une position stratégique. C’est à cet endroit que se sont déroulés les événements les plus importants de la ville entre 1954 et 1971. Mais l’apogée a, sans nul doute, été la bataille de l’été 1972, qui a duré 81 jours opposant les soldats vietnamiens à l’armée américaine.
La citadelle de Quảng Trị est située à proximité du fleuve Thach Han. Les premières pierres de cette célèbre citadelle ont été posées pendant la dynastie Nguyen, sous les ordres du roi Gia Long. Cependant les travaux se sont achevés 28 ans après, sous le règne du roi Minh Mang. La citadelle arborait un style Vauban, sa structure initiale comprenait 4 forteresses ainsi que de 4 grandes portes s’ouvrant aux quatre coins cardinaux. Ces forteresses étaient entourées de douves et à l’intérieur se trouvait le palais de la ville.Pendant la colonisation française, la citadelle jouait le rôle d’un important centre administratif autant sur le plan économique que militaire. De nombreux activistes ont par ailleurs été incarcérés dans des prisons construites par les autorités françaises, ce qui a perduré jusqu’à la victoire des vietnamiens en 1975. Les martyrs du Viêt NamLes martyrs vietnamiens ont été très nombreux, et on évalue le nombre des victimes de toutes ces persécutions, à environ 130 000 personnes. Au cours du XXe siècle les papes Léon XIII, Pie X et Pie XII ont béatifié 117 martyrs vietnamiens que le pape Jean-Paul II a canonisés le 19 juin 1988. Ce même 19 juin 1988 le pape Jean-Paul II, reconnaissant l’importance de La Vang pour l’histoire du christianisme au Vietnam, fit mémoire du sanctuaire de La Vang et souhaita sa reconstruction « dans un climat de liberté et de paix, et de gratitude envers celle que toutes les générations disent bienheureuse. De sorte que ce sanctuaire puisse favoriser l’unité nationale et le progrès civil et moral du pays. »
C’est en pleine ère Meiji, dans un Japon nouvellement ouvert au monde, que voit le jour Tsuguharu Foujita (1886-1968). Enfant, déjà il se passionne pour la France et la peinture occidentale, au point d’intégrer le département de peinture à l’huile de l’école des Beaux-arts de Tokyo. Diplômé en 1910, il dira n’avoir retenu de son maitre Kuroda Seiki (1866-1924) que son amour de Paris. Et de fait, Foujita embarque pour la capitale française trois ans plus tard. Il y passera la majeure partie de sa vie, jusqu’à se faire naturaliser français, et baptiser à Reims sous le nom de Léonard Foujita ! Acharné au travail, le peintre produit au cours de sa vie des milliers d’œuvres, dans lesquelles il tache de créer un pont entre la peinture de son Japon natal et les œuvres européennes qui le fascinent. Dans cette volonté de synthèse, il refuse de distinguer l’encre de l’huile, et met au point sa propre technique picturale. Dès la fin des années 1910, Foujita crée à Paris une pâte blanche dont la composition chimique lui permet de peindre à l’huile sur toile tout en traçant ses traits à l’encre de Chine. Du Japon, il souhaite en effet conserver cette ligne calligraphique dans des compositions calmes et souvent dépouillées. De la peinture européenne, il retient le traitement des volumes et de la profondeur. Ce positionnement vis-à-vis de l’Histoire de l’Art occidental marque toute la carrière de Foujita. Contraint de rentrer au Japon pendant la Seconde Guerre mondiale, le peintre est chargé par l’armée d’exalter les vertus héroïques des soldats japonais en représentant les combats. Son style prend un aspect bien différent de celui qu’on lui connaissait dans le Paris des Années folles. Il conserve pourtant une grande liberté plastique et un regard sur la peinture occidentale dans ces œuvres propagandistes, produites pour le gouvernement japonais. Ainsi La Bataille finale à Attu, actuellement visible à la Maison de la culture du Japon reprend exactement la composition créée par Eugène Delacroix (1798-1863) pour sa Bataille de Taillebourg ! Ces toiles présentées à travers l’archipel dans de grandes expositions itinérantes vaudront néanmoins à l’artiste quelques déboires après la guerre. La jeune génération le rend responsable et acteur de la propagande guerrière, lui interdisant toute possibilité de rester vivre au Japon. Alors qu’il souhaite prendre un nouveau départ pour sa terre de coeur, le gouvernement français refusera un temps de lui délivrer son visa en raison de son rôle d’attaché culturel en Indochine. Le rôle de Foujita pendant la guerre reste aujourd’hui encore un sujet controversé, les historiens de l’art peinant à distinguer les obligations qu’a eu le peintre en raison de son statut social, de ses possibles motivations personnelles. Chapelle Notre-Dame de la Paix, dite « Chapelle Foujita », fresque de l’abside, Reims, 1963-1966 / Domaine public Finalement de retour en France dans les années 1950 après un bref exil à New-York, Foujita est naturalisé français cinq ans plus tard. Alors qu’il renoue avec le succès qu’il avait connu dans les Années folles, sa révérence envers la peinture européenne devient patente, à travers notamment une recrudescence des sujets chrétiens. En effet, touché par la grâce lors d’une visite de la Basilique Saint-Rémi de Reims, le peintre est baptisé en 1959 sous le nom de Léonard Foujita. Un possible clin d’œil à un célèbre peintre florentin de la Renaissance? Il s’inspire d’ailleurs en partie de ce dernier dans le chef d’œuvre de la fin de sa vie : la chapelle qu’il fait bâtir à Reims de 1963 à 1966. Celle-ci, entièrement peinte dans la technique italienne de la fresque, offre au spectateur de grandes compositions religieuses qui renouent avec les fonds blancs des années 1920. L’abside de l’une des chapelles latérales représente la Cène sous forme d’hommage à la composition milanaise du célèbre maitre, bombardée pendant la guerre et restaurée en 1954. Grâce à sa longue carrière, l’extravagant Foujita réussit donc l’exploit paradoxal de s’opposer picturalement aux grands maitres de la peinture occidentale afin de les égaler voire de les dépasser, grâce à un style unique issu de sa culture japonaise. Les précédents peintres japonais à avoir tenté cette synthèse avaient, selon lui, échoué en opposant trop frontalement deux traditions et deux techniques picturales, là où lui parvient à mêler les deux pour créer un style unique ni vraiment japonais, ni vraiment français. Son rôle majeur au sein de l’école de Paris et la notoriété qu’il a connu en France en font pourtant le plus japonais des peintres français! Il meurt d’une tumeur en Suisse à l’âge de 82 ans, et repose dans la chapelle à laquelle il a donné son nom.
Prière à Notre Dame de la Paix
Ô Marie, Secours des chrétiens, nous nous tournons vers toi dans nos nécessités, les yeux remplis d’amour, les mains vides et le cœur plein de désirs. Nous nous tournons vers toi qui nous fais voir ton Fils, notre Seigneur. Nous levons nos mains pour recevoir le Pain de la Vie. Nous ouvrons tout grands nos cœurs pour accueillir le Prince de la Paix.
Mère de l’Église, tes fils et tes filles te remercient pour ta parole de foi qui traverse tous les âges, montant d’une âme pauvre, pleine de grâce, préparée par Dieu pour accueillir le Verbe dans le monde afin que le monde lui-même puisse renaître. En toi, s’annonçait comme une aurore le règne de Dieu, règne de grâce et de paix, règne d’amour et de justice, né du mystère du Verbe fait chair. L’Église répandue à travers le monde s’unit à toi pour louer Celui dont la miséricorde s’étend d’âge en âge.
O Stella Maris, lumière de tous les océans et maîtresse des profondeurs, […]
garde tous tes enfants à l’abri du mal, car les vagues sont hautes et nous sommes loin du port. Tandis que nous avançons sur les océans du monde, et que nous traversons les déserts de notre temps, montre-nous, ô Marie, le fruit de ton sein, car, sans ton Fils, nous sommes perdus.
Prie pour que nous ne tombions pas en chemin, pour que, dans nos cœurs et dans nos esprits, en paroles et en actes, dans les jours de tumulte et dans les jours de calme, nous gardions toujours les yeux fixés sur le Christ en disant: « Qui est-il donc celui-là, que même le vent et la mer lui obéissent ? ».
Notre-Dame de la Paix, en qui toutes les tempêtes s’apaisent peu à peu, prie pour que l’Église […] ne cesse jamais de montrer la face glorieuse de ton Fils, plein de grâce et de vérité, afin que les hommes et les femmes
laissent Dieu régner dans leurs cœurs et qu’ils trouvent la paix dans le vrai Sauveur du monde.
Ô Secours des chrétiens, protège-nous ! Brillante Étoile de la mer, guide-nous ! Notre-Dame de la Paix, prie pour nous !
Pape Jean-Paul II
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 22 novembre 2001, en la vingt-quatrième année de mon pontificat.
L’Annonciation, huile sur toile 2,67 x 1,85 m Francisco de Zurbarán Musée des Beaux-Arts de Grenoble.
l’Annonciation, huile sur toile 2,67 x 1,85 m, Francisco de Zurbarán – Musée des Beaux-Arts de Grenoble. Cette œuvre fait partie d’un ensemble de peintures exécutées par Zurbarán pour la Chartreuse de Jerez de la Frontera près de Cadix. A l’origine, elles composaient un grand retable, démembré en 1837. Quatre d’entre elles appartiennent au musée de Grenoble, la dernière est conservée au Metropolitan Museum de New York.
Francisco de Zurbarán (1598-1664), au sens figuré, est, dans la peinture, un moine soldat. Né dans une petite localité d’Estrémadure entre Madrid et Lisbonne, fils d’un marchand aisé, Zurbarán, entré dès l’âge de seize ans dans l’atelier d’un peintre oublié, devra une large part de son succès, dès le début de sa carrière, aux commandes des couvents de Séville, alors l’une des grandes villes d’une Espagne prédominante en Europe et largement ouverte sur le Nouveau Monde. Appelé en 1634 à la cour où règne alors Philippe IV il sera amené à traiter des sujets mythologiques ou historiques qui ne sont pas au plus haut de son œuvre, mais où, en même temps, il approfondit sa connaissance de la peinture de la Renaissance et du baroque européen. En fait, Zurbarán est pour l’essentiel un peintre de sujets religieux. Sans doute assez pieux lui-même, il ne fait que se conformer à l’esprit du temps et du concile de Trente, qui a fermement invité les artistes à faire vivre les saintes écritures, la vie et la mort du Christ, les scènes de la vie des saints. Singulier programme, puisqu’en faisant entrer le Christ dans les auberges, selon les mots du Caravage, on faisait entrer aussi et sans le vouloir, les hommes bien réels des auberges dans l’Église.
Des figures d’une profonde humanité C’est dans ce registre que Zurbarán excelle, aussi bien en donnant à ses figures une profonde humanité qu’en exaltant les démarches les plus ascétiques. Sa Vierge à Nazareth de 1645, par exemple, pose sur le Christ enfant, qui vient de se piquer au doigt avec une épine, un regard empreint de la secrète douleur d’une mère qui pressent son destin. Mais c’est dans les figures de saint François d’Assise et celles de ses moines en robes de bure, dans un dépouillement extrême, que Zurbarán va atteindre aux sommets de la peinture, par la géométrisation des formes, l’absence de décor et d’anecdote, ses harmonies sombres de brun et de beige. Picasso s’en souviendra qui reprendra une de ses peintures dans sa période cubiste. Une crucifixion remarquable met un peintre au pied de la croix. Elle est d’un minimalisme stupéfiant, le corps du Christ s’inscrivant sur un fond sombre uni. Rien d’autre là que l’essentiel, comme avec un petit tableau bien connu de tous les admirateurs de Zurbarán: un verre d’eau sur une coupe en argent et une fleur.
L’Annonciation, 1638 – 1639 Zurbarán est avec Velăsquez et Murillo le plus grand peintre espagnol du Siècle d’or. Ce tableau, ainsi que les trois autres, provient du grand retable de la Chartreuse de Jerez de la Frontera démembré en 1837. Acquises par le Général de Beylié en 1904, les quatre toiles furent aussitôt offertes au musée.
Cette Annonciation triomphale associe les exigences de lisibilité de l’œuvre aux consignes des exégètes de la Contre-Réforme. La répartition à gauche et à droite de la Vierge et de l’Ange est relayée par les verticales des colonnes qui unissent le ciel et la terre. Cette disposition donne à la composition un aspect puissamment frontal. L’alternance de zones sombres et claires, l’insertion peu vraisemblable du paysage au deuxième plan confèrent au décor un aspect théâtral marqué.
Zurbarán refuse la surcharge décorative maniériste. Il prend soin d’isoler les objets qui acquièrent ainsi une présence monumentale inaccoutumée. La valeur symbolique des natures mortes, lys, linge blanc, livre, s’accompagne d’une aura méditative soulignée par l’attitude grave et recueillie des personnages. Ceux-ci, idéalisés sans mièvrerie, font face au spectateur et le prennent à témoin de l’accomplissement de la volonté divine. La couleur modulée par la lumière donne un relief puissant aux éléments du registre inférieur. Le traitement du ciel et des anges est d’une facture plus moelleuse et diffuse. Cette œuvre, probablement la dernière réalisée pour le retable, montre la disponibilité de Zurbarán aux influences italianisantes.
Histoire des oeuvres de Zurbarán du musée de Grenoble : Lorsque les Français ont occupé la région en 1810, la chartreuse a servi de cantonnement de troupes et a été sévèrement endommagée. Les chartreux ont été obligés de s’enfuir à Cadix et à leur retour ont pu réparer en partie les dégâts. Avec le désamortissement de Mendizabal, les œuvres de Zurbarán sont expropriées. La plupart se trouvent au musée de Cadix (L’Apothéose de saint Bruno et quatre petites toiles représentant les Évangélistes, Saint Laurent et Saint Jean-Baptiste), d’autres sont au Metropolitan Museum of Art de New York (La Bataille de Xérès), et au musée de Grenoble en France (L’Annonciation, La Circoncision, L’Adoration des bergers et L’Adoration des rois mages), ainsi qu’au musée de Poznan en Pologne (La Vierge du Rosaire)
Adoration de bergers Francisco de Zurbarán Musée des Beaux-Arts de Grenoble.Adoration des Rois Mages Francisco de Zurbarán Musée des Beaux-Arts de Grenoble.
Remarque : la biographie de F. de Zurbarán a été publiée dans le journal l’Humanité le 04.02.2014 à l’occasion d’un exposition que le Palais des beaux-arts de Bruxelles a consacrée au maître espagnol du XVIIe siècle en 2014, la première grande exposition depuis vingt-cinq ans. J’ai seulement apporté quelques très légères modifications de style mais je souscris sans réserve… non sans préciser que par conviction je ne participe pas de la ligne éditoriale de l’Humanité !
Notre-Dame de Vladimir (début 12e siècle) Tempera sur bois, 104 × 69 cm, galerie Tretiakov, Moscou.
L’icône de la Vierge de Vladimir est connue en Russie depuis 1131 alors qu’elle était apportée de Constantinople à Kiev.
En 1155, le prince André Bogolioubski partit vers le Nord pour fonder une nouvelle capitale. Ce fut Vladimir. Il apporta avec lui l’icône de Kiev. Il était captivé par sa splendeur. C’est à cette époque que l’icône commença à opérer des miracles et attira de nombreux fidèles.
En 1395, l’icône était transportée à Moscou. À trois reprises, lorsque menacée par une invasion de l’est, Moscou était sauvé par une intervention miraculeuse impliquant l’icône. L’icône se distingue par le bras de l’Enfant autour du cou maternel. Le visage de la Vierge qui nous regarde est empreint de chaleur et compréhension humaine, mais aussi d’une profonde tristesse.
Aujourd’hui, les pèlerins affluent toujours en grand nombre de toute la Russie, vers la Vierge de Vladimir.
L’icône de la Mère de Dieu, appelée aussi « icône de Vladimir», est conservée aujourd’hui dans la galerie Tretiakov à Moscou. C’est une icône dite miraculeuse du type Éléousa (tendresse miséricordieuse).
Mater dolorosa – Musée des Beaux Arts de Strasbourg
El Greco ou Le Greco, de son vrai nom Domínikos Theotokópoulos, naît en 1541 en Crète. Il s’est probablement formé en peinture byzantine et donc en icônes dans sa ville natale. Au milieu des années 1560, il quitte la Crète, alors sous administration de la République de Venise, pour l’Italie. Il se rend d’abord à Venise où il travaille dans l’atelier du Titien puis il part pour Rome en 1570 où il se met au service du cardinal Farnèse.
C’est en 1576 qu’El Greco part pour l’Espagne où de grands projets artistiques sont engagés par Philippe II. Il s’arrête à Tolède et devient vite très apprécié, les commandes affluent. C’est pour l’Eglise San Tomé de Tolède qu’il réalise ainsi ce qui est considéré comme son chef d’œuvre, « L’enterrement du comte d’Orgaz ». Il peint essentiellement des sujets religieux et des portraits pour l’aristocratie et l’élite du clergé. Son style lui est très personnel, un mélange d’art byzantin et de maniérisme italien, des aplats de couleur qui s’approchent à la fin d’un certain expressionnisme. Il meurt à Tolède en 1614. https://youtu.be/xaHraGVygBE https://www.franceculture.fr/…/le-greco-14-la-ligne-de-joie… https://www.franceculture.fr/…/le-greco-va-au-dela-de-la-ma…
« Ici je suis un seigneur, là-bas un parasite ». Cette constatation cruelle que fait l’Allemand Dürer à son retour d’Italie montre bien le caractère ambivalent de celui qui fut un des fers de lance de la Renaissance artistique et intellectuelle : il était en effet à la fois sûr de son génie et angoissé de ne pas être à la hauteur, de ne pas pouvoir atteindre la perfection tant espérée. Faisons mieux connaissance avec ce génie visionnaire dont le grand humaniste Érasme semblait avoir pressenti l’immortalité lorsqu’il déclara : « Un artiste comme lui serait digne de ne jamais mourir ». L’incarnation de la Renaissance allemande Albrecht Dürer a-t-il eu conscience de naître au bon moment ? Il va en effet vivre les derniers feux du Moyen Âge dont on retrouve la flamboyance gothique dans le chaos apparent de certaines de ses gravures, surchargées et violentes. Les planches foisonnantes de son Apocalypse, gravées pendant les dernières années du XVe siècle, reflètent ainsi les inquiétudes d’une époque pénétrée de l’angoisse millénariste de la fin des temps. Mais Dürer sut aussi se mettre à l’écoute des prémices de la Renaissance dont il devint un des plus dignes représentants : graveur, peintre, mathématicien, passionné d’anatomie et théoricien de l’Art, il a réussi à intégrer le vaste réseau d’éminents savants et intellectuels européens qui travaillèrent à donner naissance à ce nouveau courant de pensée. Il s’y fit d’ailleurs sans aucun doute apprécier, si l’on en croit les témoignages de tristesse qui se multiplièrent dans les correspondances à l’annonce de la mort de celui qu’on appelait l’Apelle allemand ». [Appelle, peintre du IVe siècle av. J.-C. Célèbre pour son interpellation d’un cordonnier qui, regardant une de ses oeuvres, s’est pris à critiquer la manière dont il avait peint une sandale : « Ne ultra crepidam ».] Même s’il n’eut pas lui-même à proprement parler d’éducation classique, il parvint à force de curiosité à acquérir une culture suffisante pour se mettre à la hauteur de ses contemporains érudits. Les voyages, lectures et expériences diverses qu’il multiplie montrent également sa soif de découverte et de savoir. Il ne cesse de s’intéresser au monde qui l’entoure, que ce soit les peuples lointains, les animaux familiers ou exotiques, les plantes, même les insectes. Il va également à la fin de sa vie se consacrer à la rédaction d’ambitieux ouvrages théoriques pour poursuivre ses réflexions et partager ses connaissances, convaincu à la fois d’être un grand artiste et de rester un amateur dans la poursuite de la perfection.
Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles
Quentin Metsys (né en 1466 à Anvers ou à Louvain, mort en 1530 à Anvers le 14 septembre) est un peintre de la renaissance flamande, l’un des pionniers de l’école d’Anvers. Son prénom et son nom sont orthographiés de plusieurs manières : Quinten ou Kwinten, Massys, Metsys ou encore Matsijs.
Né de Joost Massys, un forgeron, et de Katharina van Kinckem, il suit une formation de forgeron avant de se tourner vers la peinture. En 1517, par l’intermédiaire de Pierre Gilles, il fait la connaissance d’Erasme de Rotterdam et de Thomas More qui le tenaient pour un artiste de premier plan. Il est également admis que Dürer lui rendit visite pendant son séjour à Anvers en 1520-15212, et il qu’il entretenait des liens avec les peintres allemands dont Holbein et Lucas de Leyde. Il fut ainsi un artiste célèbre et prisé qui a jouit d’une belle aisance matérielle.
Ses tableaux se partagent entre œuvres religieuses, œuvres moralisatrices et portraits. Dans sa peinture religieuse, Metsys voue une attention particulière à l’expression des personnages qui va parfois jusqu’à la caricature, et il joue sur les oppositions. Il accentue la mélancolie des saints et la tendresse de la Vierge vis-à-vis de son enfant.
Suite d’un commentaire à un avis sur le livre du cardinal Sarah : …/… Soyez remerciée pour votre longue réponse.
Je
vous envie de pouvoir lire autant et de livrer avec beaucoup de densité le
fruit de vos lectures.
Je
ne doutais pas que vous ayez lu dans son intégralité le livre du cardinal Sarah
répondant aux questions de Nicolas Diat.
Je
reviens sur le livre et nos impressions respectives.
J’ai moi aussi lu les deux premiers volets de la « trilogie », « Dieu ou rien » et « La Force du silence ». Je lis actuellement « Le soir approche et déjà le jour baisse …». Comme à mon habitude je lis toujours en prenant des notes, ce qui prend du temps.
Je partage mais d’une certaine façon seulement votre sentiment global sur ce dernier livre. Le titre est révélateur. Comme vous le savez ce sont les mots des pèlerins d’Emmaüs alors même que leur « compagnon de voyage » s’apprête à les quitter. « Le soir approche et déjà le jour baisse…[1] ». Les disciples l’invitent à rester avec eux.
Et
c’est la rencontre avec Jésus ressuscité qui change les sombres perspectives qu’ils
ont sur l’avenir.
Le
titre nous dit beaucoup sur ce que le cardinal Sarah veut transmettre. La
couverture est, elle-aussi, pleine de sens. Dans l’avant-propos qui introduit
le livre il se confie : « Dans peu de temps, je
paraîtrai devant le Juge éternel ». Il poursuit son chemin et
semble déjà tourner le dos au monde.
Il ne cache pas dans son avant-propos qu’il est conscient de la fermeté de son langage qui pourra choquer, voire qui ne sera pas reçu. Mais il commence par un avertissement que nous devons entendre : « Je ne peux plus me taire. Je ne dois plus me taire ».
L’histoire du cardinal Sarah, comme celle d’un certain nombre de témoins, est emblématique parce que ces personnes ont vécu des drames dont certains peuvent bien être qualifiés de tragédies.
Je
ne parlerai pas de Jean Paul II.
J’ai terminé il y a peu un livre qui m’a passionné à double titre. C’est la biographie du cardinal François Xavier Nguyên Van Thuân écrite par Anne Bernet. Le Viêt Nam, que j’aime aussi appeler l’Indochine, non par nostalgie mais parce que ce pays qui a beaucoup souffert au XX° siècle, a une histoire tellement liée à la France. Je passe sur les erreurs tragiques aux causes multiples, qui ont abouti au désastre de Ðiện Biên Phủ et je garde l’épopée des missionnaires, des médecins, de tant de ceux qui sont partis là-bas avec la conscience d’œuvrer pour la civilisation. Nous oublions peut-être un peu trop, en Occident, que la civilisation n’est pas née chez nous. L’histoire est plus universelle et il y a civilisation là où vivent des hommes.
Vous dites que dans son livre, le cardinal Sarah fait peu de place à l’espérance. Je ne le pense pas. L’espérance n’ouvre pas un chemin dégagé, libéré de tous les obstacles. C’est un chemin qu’il faut aussi construire. Il est vrai que le constat est dur. Mais un constat se fonde sur la réalité des faits et « les faits sont têtus[2] ».
Comment
voir l’espérance ? Si elle consiste simplement à attendre que les choses
passent parce que l’évolution naturelle est la caducité du passé emporté par le
changement, alors on ne vit pas d’espérance, on se contente de laisser le temps
passer. « Panta rhéi[3]. »
Le cardinal Sarah et le cardinal Nguyên Van Thuân ont tous les deux parcouru un trajet historiquement lourdement chargé.
François Xavier Nguyên Van Thuân a passé 13 ans de sa vie en captivité, de prison en isolement, sous le régime communiste vietnamien à partir du mois de juillet 1975.
Le
cardinal Sarah a vécu sous la dictature de Sékou Touré.
On
peut dire ce qu’on veut, qu’ils sont trop marqués par ce qu’ils ont connu …
pendant que l’Occident changeait, évoluait, transformait la société. … On ira
jusqu’à dire qu’ils sont des hommes du passé… qu’ils sont dépassés !
Je ne sais pas -et je ne vous le demande pas- quel est votre lien personnel avec l’Église. Il est a priori bienveillant. Mais j’insiste sur un point que je partage : le diagnostic du cardinal Sarah est juste. Il est sombre … mais, sans tomber dans la désespérance, il ne sert à rien de vouloir le repeindre en vert ou en rose !
Et le faire ce serait accepter l’inacceptable, affirmer qu’on respecte mieux la liberté en tolérant n’importe quelle pratique concernant les fondamentaux qui touchent à la vie et qu’assume pleinement la doctrine catholique … si on admet, sans condescendance, que la doctrine n’est pas un carcan mais l’architecture de l’Église qui lui permet de subsister après 2000 ans dans la fidélité à Jésus-Christ et au message qu’il nous a transmis dans les quatre Évangiles. Vous relevez à juste titre un « détail » … [je mets des « » parce que pour moi ce n’est pas simplement du détail] : l’attachement du cardinal à (l’orient)ation. Il faut lui donner son sens authentique. La liturgie n’est pas un catalogue froid et rigide de rituels, de gestes, de pratiques !
Pour m’expliquer, permettez-moi de prendre un exemple peut-être un peu caricatural mais seulement au sens de l’image : le signe de la Croix qui est le plus emblématique du chrétien. Combien de fois un chrétien le fait-il ? Sans doute trop souvent machinalement. Pendant les persécutions des chrétiens -je pense au Japon, au film « Silence » et au roman de Shûzaku Endô … [cf. https://www.calamus-scriptorius.org/silence-le-livre-et-le-film/], les persécuteurs exigeaient des chrétiens qu’ils piétinent la Croix. Ils avaient bien compris que l’important n’était pas simplement le signe mais ce qu’il révélait, sa signification profonde. Et c’est d’ailleurs la question qui reste posée dans le roman [et dans le film] à propos de père Rodrigues.
Je reviens à mon sujet. Le cardinal Sarah est sombre mais il est vain de vouloir cacher les ombres pour ne voir que la lumière. Une ombre n’a d’existence que parce que la lumière se projette sur les objets. Les ombres que dénonce le cardinal Sarah ne relèvent pas d’un pessimisme qui empêcherait de voir la lumière.
Je
suis médecin et ma spécialité me conduit vers les maladies les plus graves. Si
je ne regarde que le diagnostic que je pose il y a de quoi désespérer. Mais
alors, exercer la médecine serait le pire de tous les métiers si on ne voyait
que la maladie. Le cardinal Sarah a dressé un diagnostic et il était nécessaire
de le porter. D’ailleurs il n’est pas le seul à le dresser. Mais c’est le
premier temps et le temps nécessaire pour passer au suivant : prendre les
mesures.
Si
l’on se contente d’un regard fuyant, qui évite ce qui fait mal, il sera
impossible d’avancer. Il n’est pas question de revenir en arrière. Reproche que
trop souvent on adresse à l’Église que l’on qualifie de rétrograde. Le temps de
l’Église n’est pas le temps des événements et moins encore celui des médias. Il
faut laisser « du temps au temps ».
Vous dites que le livre est « sans concession pour l’Occident ». Il est vrai que le cardinal Sarah n’est pas un occidental par ses origines mais sa culture l’est profondément. Et j’oserais ajouter que sa propre culture lui permet d’avoir un regard plus juste même si plus distancié. Permettez-moi de revenir sur ce que je disais plus haut à propos de la référence à l’Occident. Ne faudrait-il pas, sans faire un tri artificiel a posteriori, avouer que l’Occident porte de lourdes responsabilités dans l’évolution du monde tel qu’il est. Et d’ailleurs, suis-je vraiment autorisé à dire « l’Occident » ? Ne devrait-on pas plutôt dire ce que nous avons fait de l’Occident.
J’ai fait référence à ces deux cardinaux, l’un africain, l’autre asiatique. Ils ont tous deux reçu et accepté l’empreinte occidentale dans leur esprit, dans leur cœur. Cependant sans rien renier de leurs origines. Mais nous, qu’avons-nous accepté de l’Afrique, de l’Asie … et de tant d’autres cultures ? Nous fonctionnons souvent comme ceux qui donnent … – et encore faudrait-il approfondir cet notion du don – mais que donnons-nous et comment donnons-nous ? En revanche nous n’acceptons de donner souvent qu’à la condition de ne rien perdre parce que, n’est-il pas vrai que nous avons trop la conviction que nous sommes supérieurs ?
Une
analyse objective du texte du cardinal Sarah ne démontre-t-elle pas que
l’Occident a exporté la civilisation mais aussi les déchets de la civilisation.
Et c’est cet héritage dégradé que dénonce le cardinal Sarah. Comme d’ailleurs
le faisait le cardinal Van Thuân.
Vous
écrivez : « Peut-être que de temps en temps, j’aimerais lire que
nous habitons un pays merveilleux et que nous devrions nous réjouir,
peut-être que je finis par me dire que notre époque au fond n’est pas pire
que les précédentes à bien s’y pencher. »
Pour ma part je lis « Le soir approche et déjà le jour baisse … » non pas comme les thrènes prophétiques d’un monde qui va mourir. Ma conviction est qu’il est salutaire d’entendre, même si cela fait mal, ce long réquisitoire non comme une condamnation mais comme un vibrant appel à réagir. Allons-nous sauver le monde qui, quoiqu’on en pense, porte la responsabilité de sa décadence dans l’abandon des valeurs qui lui ont donné ses lettres de noblesse… Mais quelles sont-elles ? Les reconnaît-il encore ?
Le cardinal Sarah cite le magnifique discours d’Albert Camus à Stockholm à la réception du prix Nobel de Littérature en 1957. Il répond à une question sur la théorie du genre. Il rappelle les moyens financiers considérables qui ont été investis pour diffuser cette idéologie dans le monde entier. Il s’adresse à ceux qui « aux yeux des hommes sont sans pouvoir et sans influence ». Il leur dit : « Votre mission est grande », et il poursuit avec les mots d’Albert Camus. « Elle consiste à empêcher que le monde se défasse, …/… à restaurer un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. … Les grandes idées viennent dans le monde sur des pattes de colombe. Peut-être alors, si nous prêtions l’oreille, entendrions-nous, au milieu du vacarme des empires et des nations, comme un faible bruit d’ailes, le doux remue-ménage de la vie et de l’espoir. … Je crois que cet espoir est suscité, ranimé, entretenu, par des millions de solitaires… pour faire resplendir fugitivement la vérité toujours menacée que chacun, sur ses souffrances et sur ses joies, élève pour tous. »
… Il ne reste rien d’autre à dire après ces
paroles. Il faut se taire, méditer et espérer.
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