Édouard Durand est l’ancien coprésident de la CIIVISE, Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants. Il est l’équivalent de J.M. Sauvé pour la CIASE. Il vient d’être remercié par le gouvernement après trois ans de travaux sur un sujet difficile : les violences sexuelles et l’inceste.

Il est juge pour enfants et pour réaliser le travail que la CIIVISE demandait il s’est engagé à plein temps pendant ces trois années.

Le lien YouTube –https://www.youtube.com/watch?v=qxL3UqYMvBU – est un entretien qu’il a accordé au Figaro à la suite de cette décision du gouvernement.

Ce qui est particulièrement intéressant de son entretien et de tout ce que, par ailleurs, il a dit sur d’autres canaux, c’est que son fil directeur a toujours été d’être à l’écoute des victimes. Il a tiré de son expérience un livre.[1]

Un autre intérêt de son expérience est de s’être positionné sur le sujet avec sa compétence acquise pendant 20 ans comme magistrat, juge pour enfants.

Même si cela ne transparaît pas, parce qu’il reste et à juste titre très professionnel, il est catholique.

Quelques réflexions à l’écoute de l’entretien

Être victime

C’est vivre « un présent perpétuel de la souffrance »

Les victimes entendent souvent le même refrain : « Il faut tourner la page. Il faut passer à autre chose. … Il ne faut pas être « seulement » une victime ».

C’est toute la tragédie du déni, le déni social, dans lequel sont enfermées les victimes. Quand elles parlent, et souvent longtemps après les faits, elles entendent des remarques comme : « C’est faux » ; « C’est pas grave » ; « Une victime peut très bien s’en sortir » ; « Ca ne me regarde pas, c’est ton affaire et puis on ne peut rien faire »…

Ce qui est paradoxal, voire scandaleux, c’est qu’une fois que le mur s’est effondré parce que les victimes ont enfin pu parler, ont été entendues et écoutées, beaucoup de ceux qui avaient été alertés disent mais après coup : « on savait bien que … ».

On trouvera toujours des excuses pour s’en sortir et tirer son épingle du jeu pour se donner bonne conscience parce qu’on n’a rien fait.

On monte souvent tout un scénario quand la vraie réalité c’est que cette personne qui a été agressée et chaque personne (enfant, jeune, moins jeune…) qui a subi cette violence est une victime, la victime et elle-seule victime.  On dresse un paravent devant chaque victime quand on les met toutes ensemble en oubliant qu’une victime n’est pas un pourcentage dans un ensemble mais une victime à 100%.

On tombe aussi trop souvent dans le piège des comparaisons, des généralisations ce qui est encore plus traumatisant pour la victime.

Ce que tout le monde oublie c’est qu’il y a eu violence quelle qu’en soit l’expression et il ne faut pas dénaturer la force de ce mot « violence ».

E. Durand peut en parler en connaissance de cause parce qu’il est juge pour enfants et surtout parce qu’il a entendu des milliers de témoignages et il nous dit que 7 fois sur 10 la parole de la victime est niée et la conclusion est : « dossier classé sans suite ».

La victime est trompée deux fois.

L’agresseur : toujours le même mode opératoire quel que soit le type de violence et qui a comme primum movens un « abus de pouvoir ».

Même depuis que la vague des révélations a commencé, on en vient encore à conclure que « c’était un autre temps », « ce n’est plus comme ça aujourd’hui ». Comme si les révélations d’aujourd’hui étaient un baume sur les violences du passé … pas seulement celles d’hier mais celles de toujours parce que vouloir croire que c’est bien fini … c’est vraiment vivre hors-sol. Ce qui ne veut pas dire que rien ne va changer mais ces révélations doivent nous faire voir tout ce qui dans la société porte une part de la responsabilité de ces violences. Dans un autre entretien E. Durand va jusqu’à dire que selon lui il faudra une génération pour en sortir … à condition qu’il existe une volonté de sortir de cet engrenage des violences.

Il y a souvent de la complaisance et malheureusement qui peut aller jusqu’à la complicité, au moins par passivité et le passage n’est pas long entre complaisance et complicité à cause des silences de ceux qui devraient alerter.

On n’a pas beaucoup aimé qu’Hannah Arendt écrive la « banalité du mal » (banality of evil, en allemand : Banalität des Bösen) un concept philosophique qu’elle a développé en 1963, dans son ouvrage « Eichmann à Jérusalem : Rapport sur la banalité du mal ». Mais c’est qu’on n’a pas compris ou pas voulu comprendre ce que signifie l’expression « banalité du mal ». Depuis toujours on a cherché à banaliser le mal en le cachant sous le masque de la responsabilité qu’on attribue à une autorité supérieure : « c’est pas moi, je ne suis pas responsable, j’ai obéi aux ordres ».

On « falsifie » la violence en lui donnant un visage normal et on emploie un vocabulaire qui évite de dire la vérité : on parle d’érotisme c’est (apparemment !) moins hard que la pornographie ; on trouve les vraies responsabilités ailleurs en les détournant vers « la société », « le milieu », « le contexte », « l’histoire » … il en a toujours été ainsi, c’est comme ça… alors pourquoi s’en inquiéter maintenant !

Finalement tout revient à enlever du terme « violence » la vraie réalité de la violence et en oubliant que le mot commence par « viol »[2].

Il y a trois manières de réagir dit E. Durand :

  1. Soutien social (c’est ce que propose la CIIVISE par ses préconisations)
  2. Ceux qui disent « Je sais mais … ce n’est pas mon affaire »
  3. Et ceux qui disent : « Je ne veux pas savoir, ça ne me regarde pas. »

Le bilan c’est que 8% seulement des victimes sont soutenues.

E. Durand insiste en disant qu’il faut dire les mots justes : pédocriminel et pas pédophile ; Agresseur pas seulement auteur ; abandonner la catégorisation par l’âge : un enfant qui subit de telles violences même s’il a atteint un certain âge ne peut pas être « enfermé » dans la prison de la « majorité sexuelle » ; ce ne sont pas seulement des abus sexuels mais des « agressions sexuelles » à tout âge.

E. Durand dit : « Passer à l’acte sexuel est l’affirmation d’un pouvoir ».

Pour lui, la violence qui s’exerce sexuellement est liée à un pouvoir mais il ne faut jamais admettre qu’un pouvoir puisse être invoqué comme un excuse.

Ce pouvoir qui s’exerce par voie sexuelle a pour conséquence justement que les réactions face à ce qu’il représente chez les victimes, voire leur entourage, sont la peur et la fascination et les victimes de ces actes en sont aussi victimes, et l’entourage, quant à lui, se mure derrière le silence.

S’il n’est pas erroné de l’affirmer il faut aller plus loin parce que l’acte sexuel ne peut pas être considéré par sa nature même comme un acte de pouvoir parce que le limiter à un pouvoir serait le réduire à une domination alors qu’il est avant tout un partage à parts égales. Il est inadmissible d’admettre que l’acte sexuel normal dans la vie conjugale est un acte de pouvoir, pouvoir de qui sur qui ?

Qu’est-ce-que la violence sexuelle ?

La violence sexuelle n’est pas sexuelle parce qu’elle appartiendrait au registre de la sexualité mais parce que l’agresseur instrumentalise « le sexe » en pervertissant la sexualité qui devient l’arme avec laquelle il agresse autrui.

Quel rôle devraient exercer les politiques :

Vouloir ! Il faut exiger « une politique volontariste » … prendre au sérieux la parole des victimes qui révèlent les violences sexuelles. Ce sera possible seulement quand on aura mis un visage sur chaque victime[3] : ce n’est pas un ensemble anonyme de 160 000 mais 160 000 personnes qui ont un nom, un visage. C’est-à-dire qu’elles devront être reconnues comme telles non pas dans un ensemble global mais chacune personnellement.

Sinon, à quoi cela servirait-il de donner des chiffres sans aller plus loin ?

D’après son expérience quand les enfants parlent ils disent « qu’on leur a fait des choses qu’ils n’aiment pas » : c’est leur façon d’exprimer cette violence sexuelle qu’ils subissent.

Il faut soustraire la prise en charge des victimes à l’aléa de l’interprétation.

Un fait qu’Edouard Durand souligne est que des études ont été faites dans l’histoire et la littérature qui démontrent comment cette violence s’est exprimée parfois sur le mode de contes. Il cite aussi tous les livres récents écrits par des femmes ( … toujours des femmes !) qui ont subi ces violences[4].

Il faut donner un sens aux mots sans utiliser des faux-semblants, ne pas travestir la réalité.

On lui demande si son travail s’est inspiré de celui de la CIASE. La CIIVISE est née de la CIASE. Il conclut sur un point commun entre les deux missions et les rapports publiés : il n’y pas eu vraiment de suite. Il pose la question : Pourquoi ?

Le déni est « massif, ancien, structurant », c’est l’objet de son livre : « Violences sexuelles et déni social »

Finalement il en conclut que c’est un sujet dont « on ne veut pas parler ».

Il a été « remercié » par le gouvernement sans aucune explication. Dans le communiqué de presse du gouvernement il n’est pas dit pas un seul mot des témoignages que la CIIVISE a recueillis : « un silence éloquent », le « vide ». Alors que les travaux de la CIIVISE ont été pendant 3 ans un espace d’écoute et de reconnaissance des victimes (30 000 !).

Pour lui, confier à la CIIVISE la responsabilité d’enquêter sur ces sujets est « une question de doctrine » : il faut affirmer aux victimes qu’elles sont crédibles et que les victimes sont crédibles.

Il n’a pas pu avoir d’explication claire sur les raisons qui ont conduit à l’écarter de la présidence de la CIIVISE. Il s’est entendu dire que « c’est le combat d’un homme ». Pour lui c’est d’une vulgarité sans nom, parce que ce combat est le combat d’une société.

Pourquoi j’ai été sensible à cet entretien et à la qualité d’E. Durand et du travail qu’il a réalisé ? Il me semble que sur ces questions des violences sexuelles il faut aller beaucoup plus loin que le simple constat chiffré qu’il y en a eu comme tout le monde maintenant le sait (cf. les rapports de la CIASE et de la CIIVISE), dire qu’il y en a encore et être assommé par le nombre et qu’elles touchent tous les milieux et qu’il ne faut pas faire de différence entre les milieux sociologiques : ce sont des agressions et des violences sexuelles et elles sont toujours et partout insupportables. J’ai bien retenu ce qu’il dit : que les violences sexuelles ne sont pas du registre de la sexualité comme telle. Parce qu’elles sont une déviance, une perversion de la sexualité qui est, chez l’homme, une fonction qui n’a pas de raison d’être sans une finalité, laquelle n’est pas seulement la survie de l’espèce, la procréation. Mais il faut affirmer que la sexualité est une question anthropologique fondamentale alors qu’aujourd’hui malheureusement la visibilité de la sexualité passe souvent à travers le prisme des dérives.

Ce que nous avons connu avec les révélations des « abus » dans l’Église -à ce propos il n’aime pas qu’on se limite à parler d’abus mais il faut parler d’agression- doit faire réfléchir à beaucoup plus que les chiffres monstrueux que nous connaissons mais, en plus des victimes, que c’est toute la question de la sexualité qui a été pervertie et qui a donné naissance à la « Révolution sexuelle [5]».


[1] Édouard Durand, 160 000 Enfants. Violences sexuelles et déni social, Paris, Gallimard, coll. « Tracts » (no 54), 2024, 32 p.

[2] https://www.actu-juridique.fr/penal/definition-du-viol-osez-le-consentement/

[3] Cf. son livre sur son expérience.

[4] Même si ces livres le disent sur un mode très hard et comme une accusation souvent en retour de longues années de silence, ils disent des vérités qui ne peuvent plus être cachées.

[5] Pour ceux qui ne le connaissant pas il est intéressant de prendre connaissance du rapport Kinsey qui sans doute n’explique pas tout mais qui fait comprendre comment cet homme a été à l’origine de cette « révolution » qui a perverti et corrompu la sexualité humaine. 

Kinshasa 22 août 2008

Le voyage apostolique du pape François à Kinshasa

Extraits

« Jésus souffre avec toi pour que tu trouves la force de pardonner à toi-même, aux autres et à l’histoire, et le courage d’accomplir une grande amnistie du cœur ».

Il est bien conscient qu’il s’adresse à un population meurtrie depuis de longues années par les innombrables souffrances passées et toujours actuelles engendrées par la haine.

Même un tribun hyperactif sur un canal d’inspiration très libertaire et accessoirement plutôt anticatholique[1] reconnaît la valeur des paroles du pape. Il est heureux de noter que l’accord peut toujours se faire sur des points de convergence, malgré la distance des convictions. Je ne partage pas vraiment les positions idéologiques de Daniel Mermet mais pour une fois je suis d’accord avec lui : « VIVE FRANÇOIS ! … le pape, oui ! Non, non, vous ne rêvez pas… »

Et de reprendre le mots-mêmes du pape, prononcés dans les jardins du palais présidentiel : « Ôtez vos mains de la République Démocratique du Congo, ôtez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser ».

Ce discours qui a des accents politiques est tout à fait légitime parce que la voix de l’Église n’est pas muette sur les sujets de société alors qu’une conception étroite de la laïcité voudrait la réduire au silence.

Le pape a dit aussi : « La paix soit avec vous, la paix qui arrive dans les cœurs en ruines ». Et il rappelle que les apôtres se trouvaient dans cet état après la mort de Jésus sur la croix, au Golgotha. « Alors qu’ils ressentent en eux la mort, [Jésus] annonce la vie, la paix au moment où tout semble fini pour eux, au moment le plus inattendu et inespéré, où il n’y aucune lueur de paix ».

« Le Seigneur tend la main lorsque nous sommes sur le point de sombrer, il nous relève quand nous touchons le fond ».

Avant de remettre le pouvoir de pardonner aux apôtres, Jésus montre ses plaies, « parce que le pardon naît des blessures. Il naît lorsque les blessures subies ne laissent pas des cicatrices de haine mais deviennent le lieu où faire de la place aux autres et accueillir leur faiblesse. Alors les fragilités deviennent des opportunités, et le pardon devient le chemin de la paix ».


[1] Mercredito #30 | VIVE FRANÇOIS ! (le pape, oui ! Non, non, vous ne rêvez pas…)

https://la-bas.org/la-bas-magazine/chroniques/mercredito-30-vive-francois-le-pape-oui-non-non-vous-ne-revez-pas

Le 2 janvier 2023, Raphaël Enthoven, philosophe, conjointement avec Pierre Juston, juriste et délégué de l’ADMD, ont répondu à l’essayiste Erwan Le Morhedec qui « dans la tribune publiée dans FigaroVox les accusait de discréditer la parole des chrétiens dans le débat sur la fin de vie »[1].

Je retiens cette invective sans nuance : « La « rare agressivité » qui touche tant Monsieur Le Morhedec est celle de concitoyens qui, s’étant arrachés au prix du sang à la tutelle de l’Église depuis plus d’un siècle, ne souhaitent pas que les représentants de ce qui n’est désormais qu’une association civile et privée se prennent à nouveau pour des législateurs. On peut le comprendre. »

Je ne sais pas à quoi ils font allusion par ces mots « s’étant arrachés au prix du sang à la tutelle de l’Église »… Peut-être veulent-ils rappeler le sang versé pendant la terreur en oubliant qui étaient les victimes ?

Qu’il me soit permis de répondre en ma modeste qualité de médecin spécialiste, partageant sans réserve, et sans me reconnaître dans la « rare agressivité » qu’ils ont voulu déceler, la position d’Erwan Le Morhedec. Mais dans ma réponse je tiens à en rester à me présenter avant tout comme membre actif de « l’association civile et privée » qui, pour certains s’appelle aussi l’Église catholique.

Messieurs,

Vous avez ouvert des hostilités mais vous vous trompez de guerre : ce faisant vous avez rendu impossible le dialogue sur la fin de vie parce que vous l’avez pris en otage et réduit à celui, inconciliable par essence, entre d’un côté les philosophes et les militants qui veulent une législation favorable au droit à mourir, sans avoir à passer par la case meurtre programmé avec ses conséquences juridiques et pénales.

Vous faites des « droits » dont nous disposons le seul critère de la liberté. Dont acte, mais si je suis bien d’accord avec vous sur la notion de liberté garantie par la loi, il n’en reste pas moins que nous ne partageons pas les mêmes références anthropologiques concernant la définition de la liberté. Je le conçois bien dans le contexte des convictions que vous assumez mais qui sont incompatibles avec celles de la « minorité vindicative » à qui vous contestez la position, ce que vous appelez avec un certain mépris, d’exercer un « magistère moral », à vos yeux insupportable. Mais, sur ce point il est évident qu’aucun pont n’est possible pour se rencontrer dans un dialogue serein.

Malgré le défi que vous lancez, permettez-moi de vous répondre, sans fair preuve de la « rare agressivité » que vous taclez. 

Vous écrivez : « Réduire le souhait de mourir au manque de soins palliatifs, à l’insuffisance des structures d’accueil ou bien au défaut de personnel, et considérer, par conséquent, qu’il suffirait de remédier à tout cela pour qu’aucun malade, jamais, n’exprime le souhait d’avancer l’heure de sa mort, c’est confondre l’explication et l’excuse. »

La réduction que nous ferions du « souhait de mourir au manque de soins palliatifs » est un mauvais procès que vous faites à tous ceux qui s’emploient, professionnels de santé et bénévoles, à accompagner les malades en fin de vie.

Venons-en à votre raisonnement en trois points et à vos arguments qui condamnent la position de ceux qui contestent le droit de pouvoir librement désirer mettre un terme à ses jours ou tout simplement que cela devienne un droit.

  1. « …il arrive, hélas, que ce ne soit pas le défaut de soins palliatifs qui pousse les gens à vouloir mourir, mais la maladie elle-même. »

Vous avez raison et je partage vos arguments émis sous la forme d’un catalogue des situations devant lesquelles le médecin – et je parle d’expérience et en mon nom propre – est impuissant quand, comme vous le dîtes justement, « être prisonnier de son corps n’est pas soluble dans la morphine ». Sans prolonger inutilement le discours autour des soins palliatifs qui ne se résument pas à plonger un malade dans une quasi-inconscience que peuvent provoquer les morphiniques, non, je ne garde pas les clefs de la cellule de celui que vous appelez un prisonnier. Je sais que je suis là, même toujours impuissant quand arrive la fin de la vie, même si je sais si maladroitement accompagner celui qui va partir, qui est arrivé au terme du chemin. Je ne suis pas un héros et lui non plus s’il refuse le poison mortel mais j’essaie d’« être là »[2], pour l’aider jusqu’au bout à ouvrir la porte parce qu’il sait que la mort est là. Il sait et il l’accepte sans la vouloir. Quant à vous, vous avez opté, selon vous, pour l’ultime liberté. Vous anticipez l’heure, avec de bons sentiments mais, pardonnez-moi de le dire, non sans brutalité en ouvrant la porte de sortie… sur une voie sans issue.

  • « Réduire le souhait de mourir au manque de soins palliatifs… c’est faire comme si une décision était réductible à l’ensemble des déterminations qui la précèdent. »

Et de recourir à la rhétorique ronflante : « la souveraineté et la responsabilité d’une décision, quelle qu’elle soit, ne sont pas solubles dans les causes qu’on lui trouve ». Je crois avoir bien compris le fil directeur de votre discours, comme, d’ailleurs celui qui se tisse non sans qualité, dans les cénacles militants pour le Droit à Mourir dans la Dignité : « Liberté, liberté chérie ». Permettez-moi de poser une question : la vraie vie de ses origines à son terme se résume-t-elle à dire « je » et à s’arrêter là, sans savoir que l’on peut aussi dire « tu » et « nous » ? Et vous ne me ferez pas croire qu’en fin de vie il ne reste que le « je » parce que malgré tout, vous avez abandonné à leur solitude ceux qui, c’est ma conviction, n’ont pas renoncé à quitter, malgré cette ultime liberté, ceux à qui ils disent encore « vous m’aimez et je vous aime »… Oui, sans doute « vous êtes là » mais pas avec les mêmes moyens, pas avec les mêmes raisons, ni même avec les sentiments.

  • « Enfin, vous opposez « soins palliatifs » et « aide à mourir », alors que les deux vont la main dans la main. »

Involontairement, vous m’offrez un boulevard pour la dernière réponse. Nous n’opposons pas les « soins palliatifs » et l’« aide à mourir ». Oui elles vont main dans la mais ce n’est pas la même main, celle qui tient jusqu’au bout celle de celui qui s’en va, et celle qui, même avec des bon sentiments, précipite dans l’au-delà celui qui veut partir simplement parce qu’il en a ainsi décidé.

Sans doute partageons-nous un certain nombre de convictions sur la nécessité de promouvoir et de développer les soins palliatifs. Et vous appuyez non sans grandeur sur des mots justes : « mettre un terme aux souffrances, prendre tous les moyens de les apaiser, un véritable plan de financement des soins palliatifs ». Nous en sommes bien d’accord, mais et en allant au-delà de la vanité d’un combat inutile, de cette « guerre de trop », je ne vous suivrai pas, sans chercher à vous convaincre par les mots ni par les sentiments, pour réclamer l’ultime liberté qui s’arrêtera une fois la porte franchie et quand celui qui l’aura ouverte devant celui qui s’en va, repartira, comme si de rien n’était. Vous n’avez pas cette conviction, je le sais, mais quant à moi il n’y a pas d’ultime liberté. Vous avez cité Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Vous connaissez sans doute, j’en suis aussi convaincu, la source qui le guidait : « la Vérité vous rendra libre ».


[1] https://www.lefigaro.fr/vox/societe/raphael-enthoven-pierre-juston-pourquoi-nous-sommes-favorables-a-l-euthanasie-20230102

[2] « Être là » : L’ASP fondatrice (Accompagner en Soins Palliatifs) et 42 associations d’accompagnement bénévole en soins palliatifs ont fondé Être-là, nouveau mouvement national des ASP, le 5 octobre 2021

Are you awake yet ?

https://etudiant.lefigaro.fr/…/cancel-culture…/

Une tribune d’étudiants des IEP. En elle-même elle sera déjà suspecte d’avoir choisi son camp mais quand même…

Extraits

« L’objectif ici n’est pas de nous poser en victimes mais bien d’alerter nos concitoyens et nos dirigeants sur les dérives des IEP français qui, ne l’oublions pas, ont vocation à former nos futures élites intellectuelles, politiques et économiques. »… /…

« Ce progressisme dévoyé et la connivence des acteurs institutionnels qui le choient sont alimentés par les plus grands maux de notre époque: la peur d’être rejeté et la paresse intellectuelle d’une part, la mégalomanie et la victimisation d’autre part. Ce besoin qu’ont les nouveaux censeurs de détenir la vérité, et de justifier leurs échecs personnels par des oppressions présumées du «système», vient légitimer qu’on inflige une correction sociale, voire physique, aux mauvais. »…/…

« Ce petit monde terrorise nos administrations et les enjoint à annuler les conférences sous peine d’opprobre public. »…/…« Nos directions, terrifiées et obsédées par l’image publique de leurs établissements respectifs, cèdent souvent, affichant sans aucune honte leur refus de recevoir des pseudo-fascistes dans leurs instituts. Plus subtile, la condescendance inhérente à cette communauté, où les pairs épousent l’onanisme intellectuel, rejette plus volontiers encore ceux qui ne sont pas de leur monde. »

https://www.justifit.fr/b/guides/droit-penal/limites-droit-blaspheme-france/

« La loi est claire : nous avons droit au blasphème, à critiquer, à caricaturer les religions. L’ordre républicain n’est pas l’ordre moral. Ce qui est interdit , c’est l’appel à la haine, l’atteinte à la dignité ». Emmanuel Macron, 12 février 2020.

Non monsieur Macron ! Il n’existe pas de droit au blasphème, si pour autant le droit à la liberté d’expression ne souffre d’aucune exception. Mais nous ne sommes pas dans le même contexte, comme votre prétention voudrait nous le faire croire. Vous êtes hors sujet ou, pour le dire plus trivialement, à côté de la plaque… mais ce n’est pas nouveau depuis que avez accédé à la magistrature suprême en France. En trois lignes vous mélangez tellement de notions importantes que votre propos ressort d’un vulgaire amalgame qui atteste un tragique manque de réflexion.

Et n’allez pas me répondre que je serais dans le camp de ceux qui aujourd’hui seront confrontés à Mila qui viendra au tribunal judiciaire de Paris. Si les réactions des 13 internautes sont d’une violence disproportionnée qui confine à un irrationnel absurde, la provocation des propos de Mila doit aussi être soulignée pour leur vulgarité. On trouvera sur http://kiosque.lefigaro.fr/…/77743845-5ddc-40fb-bb67… un échantillon de ses propos. N’attendez pas de moi que j’érige cette jeune fille en héroïne de la liberté d’expression. On entre là dans un marécage putride entretenu par le mauvais goût et l’indécence de ceux qui pensent qu’au nom de la liberté d’expression on peut… voire on a le droit ! de tout dire. Invoquer le « droit au blasphème » relève de la stupidité indigne de celui qui le réclame… quand de plus il souligne que l’interdit touche à l’atteinte à la dignité. Je ne sais pas ce qu’il considère comme une atteinte à la dignité. La caricature est une chose mais il serait juste que l’on reconnaisse qu’elle est génératrice d’un climat de haine de l’autre. Il suffit d’aller… -mais n’y allez pas tellement c’est ordurier- sur le site de Charlie Hebdo pour voir comment la caricature est un véhicule de la haine, du mépris, de l’exclusion, de la vulgarité extrême… et de la laideur.

Quand F. Dostoïevski, dans l’idiot fait dire au prince Mychkine, d’après son interlocuteur Hippolyte Terentiev : « Est-il vrai, prince, que vous avez dit un jour que la « beauté sauverait le monde » ? », on comprendra que ce n’est pas de Charlie Hebdo que le salut viendra ! Pour requalifier nombre de torchons suintant la haine publiés par Charlie Hebdo, (voir infra le développement de Christiane CHANET, Conseillère honoraire à la Cour de cassation, ancienne présidente du Comité des droits de l’homme des Nations unies, parue dans Libération). Enfin et avant de poursuivre, mais c’est tout un chapitre que Mr Macron n’a même pas abordé, il ne lui est même pas venu à l’esprit qu’il existe aussi un droit autrement plus important : le droit à la liberté de conscience que les lois qu’il promeut écornent de plus en plus. Sait-il même ce que veut dire « liberté de conscience » ?

Quant à l’ordre républicain je renvoie à sa définition vraie : c’est plutôt « l’ordre public » https://www.dictionnaire-juridique.com/…/ordre-public.php

« Il y a peu de notions juridiques qui soient aussi difficiles à définir que celle d’ordre public ». Il s’agit de l’ensemble des règles obligatoires qui touchent à l’organisation de la Nation, à l’économie, à la morale, à la santé, à la sécurité, à la paix publique, aux droits et aux libertés essentielles de chaque individu. Dans notre organisation judiciaire les magistrats du Ministère Public sont précisément chargés de veiller au respect de ces règles, ce pourquoi ils disposent d’un pouvoir d’initiative et d’intervention. Nul ne peut déroger aux règles de l’ordre public, sauf le cas des personnes auxquelles elles s’appliquent, si ces règles n’ont été prises que dans leur intérêt et pour leur seule protection. Consulter la définition de cette notion sur le site du Conseil Constitutionnel.

Quant à l’ordre moral : on en trouve la définition ajustée chez René Rémond : L’expression « ordre moral » dans son acception contemporaine trouve son origine au début de la IIIe République, au lendemain de la défaite de la France et de l’écrasement de la Commune de Paris. « L’Ordre moral est une coalition des droites qui se forme après les chutes successives de Napoléon III et du gouvernement républicain provisoire. C’est aussi le nom de la politique souhaitée par le gouvernement d’Albert de Broglie formé sous la présidence du maréchal de Mac-Mahon à partir du 27 mai 1873. » Et chaque fois qu’elle se verra en danger la République prendra des mesures répressives et elle le fera au nom de la défense de « l’ordre républicain ». De même que la gauche appellera à la constitution d’un « front républicain » réunissant toutes ses composantes chaque fois qu’elle estimera la République en danger. Sous couvert d’ordre républicain, on prendra des mesures qui s’apparentent à l’ordre moral.

Et pour terminer que dit le droit sur le blasphème. https://www.liberation.fr/societe/2015/02/24/oui-on-a-le-droit-de-blasphemer_1209248/

Christiane CHANET, Conseillère honoraire à la Cour de cassation, ancienne présidente du Comité des droits de l’homme des Nations unies. « Qu’est-ce que le blasphème ? Selon l’étymologie gréco-latine, blasphème signifie faire injure à une réputation. L’évolution du terme depuis le XVIe siècle tend à se limiter à l’injure faite au fait religieux. Le blasphème est constitué par une parole, un discours, un écrit, alors que le sacrilège est un acte perpétré contre une religion. Quel droit régit le blasphème ? La Déclaration universelle des droits de l’homme, en son article 19, développé par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, traité onusien contraignant ratifié par 168 Etats, consacre le principe de la liberté d’expression. Toutefois, cette liberté n’est pas absolue et peut comporter des restrictions. Celles-ci doivent avoir pour but soit de protéger la réputation des personnes soit d’obéir à des impératifs d’intérêt public. Ces restrictions n’incluent pas le blasphème, selon la position exprimée par le Comité des droits de l’homme de l’ONU, organe indépendant chargé de veiller à l’application du pacte et au respect de leurs obligations par les Etats parties. En dépit de cet obstacle juridique, nombreux sont les Etats qui sanctionnent le blasphème. Si, en Europe, cette répression est encore prévue dans certains textes constitutionnels ou législatifs de plusieurs pays, elle n’est plus appliquée. Quelques tentatives de poursuites récentes, notamment en Grèce, ont cédé devant les pressions de l’Union européenne. En revanche, la plupart des pays non laïcs d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d’Asie répriment le blasphème : en Iran et au Pakistan il est puni de la peine de mort. Le cas de la jeune chrétienne Asia Bibi, condamnée à mort de ce chef au Pakistan, a ému les défenseurs des droits de l’homme.Conscients de cette distorsion entre le droit international et leur droit interne, plusieurs Etats, sous l’impulsion de l’Organisation de la coopération islamique, ont tenté d’obtenir au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, en 2011, une résolution qui reconnaîtrait l’interdiction de la diffamation religieuse. Cette tentative a échoué.Faut-il en conclure que toute attaque visant une religion jouit de l’impunité ? L’article 20.2 du pacte cité ci-dessus interdit l’appel à la haine religieuse, si celle-ci constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence. La législation française ne connaît pas le blasphème. Une disposition le réprimant figure encore dans les textes issus du Concordat régissant les religions catholique, protestante et israélite en Alsace-Moselle, mais elle est tombée en désuétude. En revanche, la législation française sanctionne de lourdes peines, y compris des peines d’emprisonnement, les injures et les provocations à la discrimination, à la haine, à la violence, à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de son appartenance ou sa non-appartenance à une religion déterminée. Ces faits peuvent résulter de propos, de discours ou d’écrits. Par ailleurs, l’apologie de crimes tels que les meurtres ou les actes de terrorisme sont également sanctionnés avec la même sévérité. On observera que la répression des injures et des provocations exige à la fois que les propos ou écrits constituent un appel, une exhortation à la discrimination, à la haine, à la violence et soit dirigé contre une ou plusieurs personnes. En conséquence, la loi ne protège pas la religion elle-même ni ses attributs contre des critiques qui en France relèvent du débat d’idées. En revanche, l’apologie du crime est réprimée en soi, sans que des personnes soient visées en particulier. Ceci explique pourquoi on peut poursuivre la formule «  me sens Charlie Coulibaly » (le polémiste Dieudonné est actuellement en procès pour l’avoir postée sur Facebook), et la poursuite serait la même contre quiconque dirait publiquement « Je suis Charlie Mesrine ». En conclusion, le droit international, et le droit français qui se situe dans la droite ligne de ce dernier, concilient de manière équilibrée la liberté d’expression et la nécessité de protéger les personnes de toute injure ou provocation à raison de sa religion : on peut heurter une sensibilité au nom de la liberté d’expression, mais on ne peut exhorter à discriminer ou à exercer des violences contre ceux qui adhèrent à une religion. »

Alors, non, Monsieur le Président de la République : le droit au blasphème n’existe pas !

Le monde s’embrase emporté par des idéologies qui se condamnent elles-mêmes en imposant par la violence des idées qui contredisent leur prétendue défense des droits de l’homme.“ Chaque fois qu’un homme a fait triompher la dignité de l’esprit, chaque fois qu’un homme a dit non à une tentative d’asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte. ” (Frantz Fanon)

Je ne partage pas les idées de l’auteur ni son parcours personnel mais je pourrais écrire la même chose. Je corrigerais seulement : « Chaque fois qu’un homme a fait triompher la dignité de la personne …»

Peaux noires, masques blancs : lire Frantz Fanon, lutter contre les stéréotypes ! Extraits d’une recension du livre : « … Avec toute la science dont l’auteur est capable, Fanon décrypte, minutieusement, lentement, tous les mécanismes qui portent à mettre l’homme noir dans une case, l’homme juif dans une autre (en effet, son travail pourrait se décliner pour toutes les ethnies, toutes les religions) et pourquoi l’homme blanc « civilisateur » a eu le besoin de caractériser ces « autres » par des traits bien définis, des cadres dont ils ne devaient plus jamais sortir. Une colonisation mentale qui ne se déconstruit pas comme cela. »…/… Frantz Fanon vise à la destruction d’un complexe. Destruction des a priori. Destruction des barrières entre les hommes, en somme. Le déterminisme n’est pas une fatalité. L’homme peut apprendre, comprendre échanger, changer. Fanon, noir et antillais, se centre sur la problématique qu’il connait le mieux, parce qu’il la vit dans sa chair et son esprit, mais on comprend bien que son humanisme aurait pu écrire ces pages pour n’importe quelle nation, n’importe quel peuple, n’importe quelle religion ou culture. » in https://www.indigne-du-canape.com/peaux-noires-masques-blancs-lire-franz-fanon-lutter-contre-les-stereotypes/

Ernest Renan

https://www.gouvernement.fr/partage/9007-conference-d-ernest-renan-a-la-sorbonne-quest-ce-qu-une-nation

https://républiquedeslettres.fr/renan-nation.php

« L’homme n’est esclave ni de sa race ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagne. »Qu’est-ce-qu’une nation ? Ernest Renan – Conférence du 11 mars 1882

Des policiers s’agenouillent pour dénoncer les violences policières, lors d’une manifestation à Coral Gables en Floride, le 30 mai 2020. Un geste inspiré par les protestations des joueurs de football américain.
Eva Marie Uzcategui / AFP
L’image contient peut-être : texte
Jacques Julliard La Fête des fous – Le Figaro Débats – 2020.05.04


… Sauf que depuis plusieurs semaines ceux qui parlent à la télé, qui portent un masque, qui savent tout et même encore plus, qui décident de tout… qui ressemblent à des docteurs ne sont pas des vrais docteurs. Alors oui, mon p’tit, quand tu seras grand réfléchis bien avant de choisir, parce que les vrais docteurs ils ne passent pas leur temps à « parler dans le poste », à faire des grandes déclarations. Les vrais docteurs ils sont loin des caméras, sur le front, depuis des semaines avec tous leurs collaborateurs et ils essaient de « soigner des malades », ils essaient de les sauver et ils n’y arrivent pas toujours. Tu veux vraiment être un docteur ? Alors, un conseil, tu devras apprendre à disparaître, tu devras surtout écouter et pas trop parler, rien que pour dire à la personne qui viendra te voir des mots qu’elle devra parfois entendre et qui vont inonder son visage de larmes. Tu devras être celui qui lui prend la main, qui l’accompagnera jusqu’au bout, ainsi que sa famille, ses amis. Il ne te restera pas beaucoup de temps pour « passer à la télé ». Mais si tu l’acceptes, alors tu seras vraiment un docteur. Peut-être que tu sauveras des vies, que tu rendras le sourire à un enfant, à des parents, tu devras aussi apprendre à te taire, à essuyer des larmes. Alors oui, si tu veux être docteur tu devras accepter tout ça. Alors oui, tu feras le plus beau métier du monde.
… Et puis aussi dans cette « Nef des fous où c’est pas tous les jours la fête » il est question d’autres métiers moins prestigieux dont on redécouvre à l’occasion de la pandémie qu’ils sont aussi nécessaires pour que la vie soit tout simplement normale. On l’avait peut-être oublié.


Bréhat - Le soir et coucher de soleil (35.panorama Force 0)En Bretagne

 

Marc, 1, 35-37

Au bord du lac de Tiberiade (6.2)

 

 

 

 

 

35       Le matin, s’étant levé longtemps avant le jour, il sortit, s’en alla dans un lieu désert, et là il priait.

36       Simon et ceux qui étaient avec lui se mirent à sa recherche;

37       et l’ayant trouvé, ils lui dirent : « Tout le monde te cherche. » 

 Au bord du lac de Tibériade [Jérusalem, 2006]

 

Y a quelqu'un

[1]J’ai lu quelque part : « Dieu existe, je l’ai rencontré ! »

Ca alors ! Ça m’étonne !

Que Dieu existe, la question ne se pose pas ! Mais que quelqu’un l’ait rencontré avant moi, voilà qui me surprend !

Parce que j’ai eu le privilège de rencontrer Dieu juste à un moment où je doutais de lui !

Dans un petit village de Lozère abandonné des hommes, il n’y avait plus personne.

Et en passant devant la vieille église, poussé par je ne sais quel instinct, je suis rentré…

Et, là, ébloui… par une lumière intense…insoutenable !

C’était Dieu… Dieu en personne, Dieu qui priait !

Je me suis dit : « qui prie-t-il ? Il ne se prie pas lui-même ? Pas lui ? Pas Dieu ? »

Non ! Il priait l’homme ! Il me priait moi ! Il doutait de moi comme j’avais douté de lui !

Il disait : Ô homme ! Si tu existes, un signe de toi !

J’ai dit : Mon Dieu, je suis là !

Il dit : Miracle ! Une humaine apparition !

Je lui ai dit : Mais mon Dieu…comment pouvez-vous douter de l’existence de l’homme, puisque c’est vous qui l’avez créé ?

Il m’a dit : Oui…mais il y a si longtemps que je n’en ai pas vu dans mon église…que je me demandais si ce n’était pas une vue de l’esprit !

Je lui ai dit : Vous voilà rassuré, Mon Dieu !

Il m’a dit : Oui ! Je vais pouvoir leur dire là-haut : « L’homme existe, je l’ai rencontré ! »

Raymond Devos

… Oui, c’est vrai « Tout le monde te cherche… ! »

Y a quelqu'un Même une personne qui se dit « Citoyenne du monde libre » et qui avoue « Je vote Front de gauche ! » [2]

PS : Je ne connais pas cette personne mais il est intéressant de trouver ce texte avec des commentaires … même s’il faut bien avouer que le chemin est long.

[1] http://www.dailymotion.com/video/xafxz4_tremplin-croire-en-dieu-sketch-de-r_webcam

[2] http://citoyennedumonde.hautetfort.com/archive/2006/07/12/dieu-existe-je-l-ai-rencontre.html

 

Nelson Mandela

Adieu Madiba

« Le jour où je suis sorti de prison, quand j’ai vu tous ces gens qui m’observaient, un flot de colère m’a envahi à la pensée qu’ils m’avaient volé vingt-sept années de ma vie. Alors je me suis dit : Nelson, quand tu étais en prison, tu étais libre; maintenant que tu es libre, ne deviens pas leur prisonnier. » (Nelson Mandela)

        Chaque fois que disparaît une grande figure, homme[1] ou femme, qui a marqué l’histoire de son époque, je reste songeur et je suis porté à méditer sur le thème : « … et maintenant ? ».

Pendant une période plus ou moins longue cette illustre personnalité a inscrit son histoire dans une culture et dans un domaine qu’elle a fait briller d’un éclat particulier.

« … et maintenant ? »

J’y pense à l’occasion du départ de Nelson Mandela.

La foule des chefs d’état, anciens et en exercice, qui par leur présence ont rendu hommage à la personnalité exceptionnelle que fut Nelson Mandela rappelle -mutatis mutandis- la même foule -mais pas tous les mêmes- qui assistait à Rome à la messe de funérailles de Jean Paul II en 2005.

La seule présence en de telles occasions de tant de représentants de l’autorité de nations aussi différentes, de régimes si divers, est un signe …

Mais de quoi ? Comme en toute circonstance semblable les déclarations qui rendent hommage au disparu sont rédigées en termes élogieux et il faut le croire sincères.

L’exercice est légitime, même si pour certains, l’impression laissée par ces éloges rend mal à l’aise tant il apparaît difficile de ne pas voir transparaître une volonté plus ou moins consciente d’écrire quelques lignes ou une page qui figure en bonne place dans un parcours plutôt fade, voire contestable mais rehaussé par la personnalité qu’on salue…   J’y’ étais !  diront-ils, comme si leur seule présence suffisait à faire rejaillir, ne serait-ce qu’un peu de l’honneur du disparu sur une personnalité à l’envergure bien limitée.

Au-delà de l’inflation médiatique dont l’événement est l’objet je souhaite rebondir à propos sur cette « étrange sainteté ».

Car il faut bien le dire, quelle que soit la personnalité, son parcours personnel, les épreuves qu’elle a traversées ou l’aura qui l’a entourée, la tendance est à « canoniser » empruntant à la tradition de l’Eglise Catholique.

Mais quel est le sens de cette « canonisation » ?

Dans de nombreuses nations existe un « panthéon » où sont rassemblés les « héros » de la nation quel que soit le titre de gloire qui leur vaut cette entrée au Panthéon des hommes illustres (… où des femmes aussi ne sont entrées que bien tardivement !).

Pourquoi « canoniser » ainsi une œuvre, de hauts-faits, de justes combats, un « génie » … bref une vie qui a brillé et dont la lumière a éclairé une époque et une nation.

Mais je me suis éloigné de mon projet initial. Je reviens à « Madiba », Nelson Mandela.

Avec lui disparaît peut-être l’une des dernières grandes figures emblématiques du XX° siècle : siècle de combats, de luttes trop souvent sanglantes pour conquérir la liberté, pour la retrouver, pour la sauvegarder, cette « valeur » universelle qui est aussi l’une de celles qui n’en finira pas de coûter « du sang et des larmes » car être libre est l’une des aspirations les plus nobles de l’homme.

Nelson Mandela n’est pas sorti de 27 ans d’emprisonnement détruit et révolté. Revenu à la vie d’homme libre il n’est pas entré dans le camp des « vainqueurs » en criant « Vae victis! ». C’est admirable !

Quant à la liberté, force est de constater que l’homme  n’en finit jamais de tomber dans des esclavages qu’il engendre lui-même … croyant s’ouvrir un chemin vers de nouvelles libertés.

Pourquoi ?

Quelle liberté l’homme cherche-t-il ?

Sait-il même, après tant de siècles, ce qu’est la liberté ?

Un jour interrogeant l’homme qu’on lui amenait pour le juger, ce Préfet de Judée pose à l’accusé cette question « Qu’est-ce que la vérité ? ». On ne sait si pressé par le temps, inquiet de la tournure que prend l’affaire ou craignant d’entendre la réponse, il se détourne sans attendre la réponse.

Bien plus tard l’un des témoins rapportera ces paroles de l’accusé prononcées au cours d’un de ses discours « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. »

Bien sûr, qui n’aura reconnu cette parole de Jésus-Christ, devenue sans doute l’une des plus emblématiques et reprise si souvent dans des contextes si divers et, hélas aussi, détournée de son sens originel.

Et maintenant… ?

J’y pense toujours quand on salue avec tous les honneurs posthumes celui qui a quitté cette terre et je pense aussi qu’il emporte au fond de lui ces questions auxquelles il aura essayé de répondre sa vie durant « Qu’est-ce-que la vérité ? » Et en écho cette réponse « La vérité vous rendra libres ».

Et maintenant … ?

Ma conviction est que la réponse lui est donnée désormais indépendamment des honneurs qui lui sont rendus en présence de Celui qui lui aura par tous les moyens donné l’occasion d’entendre cette vérité qu’il aura cherchée en cherchant la liberté.

… Et si on y pensait aussi avant cette ultime rencontre ?


[1] Je distingue mais qu’il me soit permis d’apporter cette précision d’une grande dame de la culture française dans ce qu’elle a de plus noble, Madame Jacqueline de Romilly de l’Académie Française. « Dans Le jardin des mots » est un merveilleux recueil de chroniques qu’elle a écrites pour Santé Magazine. Au chapitre « Homme » elle écrit ce qui suit : « Le mot français vient tout droit du latin [homo] ; mais on ne sait pas toujours assez que ce mot latin lui-même a pour origine une racine signifiant la « terre » ! Homme voudrait donc dire « né de la terre » ! … Au début on écrivait seulement om, ce n’est grand-chose. » Dans le jardin des mots, par Jacqueline de Romilly [http://www.mollat.com/livres/romilly-jacqueline-dans-jardin-des-mots-9782253124382.html?affid=91&prov=g]

N’étant pas spécialiste en langue anciennes j’aurais aimé poser à Mme de Romilly la question de la filiation sémantique entre cette racine supposée « om » et la « syllabe mystique » si chargée de symbolisme du plus célèbre mantra du bouddhisme : Om mani padme hum (en sanskrit ॐ मणिपद्मे हूँ en Tibétain : ཨོཾ་མ་ཎི་པ་དྨེ་ཧཱུྃ་ (Oṃ maṇi padme hāuṃ).