Mon cher cousin,

Cette lettre est atypique car figure-toi que j’étais auprès de Notre Père à tous quand est arrivé une personne remarquable. Ce n’est pas si rare car tu imagines qu’ici les arrivées sont quotidiennes. Je ne sais pas ce qu’il en est chez vous mais tu n’es pas sans savoir que la porte d’entrée dans votre camp passe par la case départ qui est chez nous.

Nous avons reçu un grand chef d’orchestre, Claudio Abbado.

Claudio Abbado - 1934-2014

Il se trouve que mon protégé est un mélomane. Le dictionnaire définit un mélomane comme « une personne passionnée de musique classique ». Cette précision pour dire qu’il n’a pas la prétention d’être un virtuose ni un grand musicologue : il aime la musique tout simplement. Je me suis entretenu avec lui et j’ai cru comprendre que ce chef d’orchestre était réellement un grand chef doublé d’une forte personnalité.

Je te fais grâce de sa carrière qui est d’une grande richesse, et je dirai seulement que la contribution qu’il a apportée à la musique est prodigieuse.

Les hommages qui lui ont été rendus à sa disparition sont nombreux et unanimes. Sur les chaînes qui diffusent la musique, classique en particulier, les auditeurs ont pu entendre des enregistrements mémorables extraits de ses interprétations qui couvrent tous les répertoires. Mon protégé m’a confié qu’il était plus spécialement ému par certains enregistrements du répertoire des œuvres dites sacrées. Il était ému parce que ce chef était aussi connu pour des idées qui n’étaient pas forcément en accord avec ce que ces mêmes œuvres expriment : le sacré. Oh, bien sûr tu me diras qu’on ne demande pas à celui qui dirige, par exemple, le Stabat Mater de Pergolèse, la Passion selon saint Matthieu de Jean Sébastien Bach ou l’Ave verum de W. A. Mozart, de partager le contenu des textes sur lesquels est écrite la partition musicale. Je te l’accorde et n’en disconviens pas.

Mais si je te confie ces réflexions de mon protégé c’est qu’il se trouve que j’ai été admis au premier entretien qu’a eu Notre Père à tous avec ce chef, à son entrée. Je voulais te faire part du contenu de ce « premier entretien » parce qu’il me semble que cela peut te donner à réfléchir, sinon te faire changer de camp, hélas, hypothèse définitivement impossible ! Cela n’est pas sans lien avec ce que je te dis plus haut à propos des œuvres de musique sacrée. Je dois t’avouer que mon protégé éprouve un certain agacement à entendre certains journalistes spécialistes pérorer avec emphase sur la musique qui accompagne des textes d’une grande profondeur comme si le compositeur avait posé sans plus des notes sur ces mêmes textes sans tenir compte de ce qu’ils signifient… Un peu comme si mettre en musique le texte de la Passion selon saint Matthieu ne signifiait pas plus que de mettre en musique n’importe quelle prose aussi littéraire soit-elle : en somme comme s’il était possible de greffer un organisme vivant sur un support inerte. W. A. Mozart confiait qu’il n’était pas possible d’avoir entendu pendant toute son enfance l’Agnus Dei sans être profondément inspiré par ces mots. Enfin c’est un autre débat… Peut-être faudra-t-il y revenir un jour, car vider de son sens religieux une œuvre quelle qu’elle soit est bien dans votre pratique.

Quand je dis donc que j’ai assisté au « premier entretien », je dois t’expliquer qu’il s’agit du premier dialogue au cours duquel le « postulant à entrer chez nous » s’entretient librement avec Notre Père à tous. Nous y sommes admis. C’est un peu comme un grand oral public. Ensuite pour des confidences plus personnelles et décisives, les deux interlocuteurs restent seuls.

Je transcris ci-après quelques bribes de ce premier entretien.

  • « Soyez le bienvenu, Maestro ! Vous me permettrez de vous appeler ainsi même si je crois savoir que vous préférez tout simplement « Claudio ». Laissez-moi d’abord vous confier toute mon admiration devant la richesse et la qualité des œuvres de toutes les époques qui ont traduit en musique ce que sont pour vous les mystères de la foi. Je reste vraiment ébahi devant l’étendue et la variété des œuvres que les compositeurs ont su écrire et les interprètes en permettre l’écoute. Je ne vous cache pas mon admiration à la lecture du catalogue de toutes les œuvres qui ont été produites depuis que des compositeurs se sont saisis de ces sujets qui vous sont connus sous le titre de répertoire de la « musique sacrée ». Rien ne vous a échappé : les mystères de la Création, l’histoire sainte de ce peuple que j’avais choisi à travers ses tribulations, ses grandes figures, ses exils et ses déportations, l’histoire de mon Fils avec, dans l’ordre, l’Annonciation, la Nativité et les événements qui l’ont accompagnée, sa vie publique, sa Passion et sa Résurrection… Rien n’a été oublié, c’est prodigieux ! Mais, vous, qu’en pensez-vous ? »
  • « Je n’étais qu’un modeste exécutant. Je faisais de mon mieux pour exprimer ce que je croyais avoir appris de l’étude approfondie de l’œuvre et compris dans mon cœur et dans mon esprit. Vous vous imaginez qu’il n’est pas si facile aujourd’hui d’interpréter souvent à des siècles de distance des pièces qui ont été écrites dans un contexte personnel et historique bien différent. Je ne prétendais pas incarner Jean Sébastien Bach, ni aucun des grands compositeurs dont je devais assumer modestement de prendre la place. Je ne sais pas s’ils auraient aimé mon interprétation. Mon rôle était simplement d’être un « passeur d’émotion », l’héritier d’une tradition qu’il est impossible d’interrompre parce que sinon, c’est l’histoire humaine dont j’aurais, d’une certaine façon, brisé le cours. »
  • « Je crois savoir que vous entreteniez des relations personnelles plutôt distantes avec tous ces mystères. Vous aviez, m’a-t-on dit, une orientation dont je sais que ses fondamentaux n’étaient pas très en accord avec tous ces mystères. Je vous accorde qu’ils restent toujours pour vous, et même pour ceux que la foi attache à ces vérités, des mystères, mais il ne manque pas de raisons profondes pour les comprendre. Je reste persuadé que vos convictions étaient sincères et que vous étiez conduit par de nobles idéaux pour le service de l’homme. En témoigne, pour moi, que vous ayez voulu, par exemple, faire entendre la musique que vous avez si bien servie, dans des lieux où elle était exclue comme les prisons. Vous savez peut-être que ce sont ces milieux marginaux, ces périphéries de l’humanité, qui avaient la préférence de mon Fils, qu’il n’a justement pas été compris pour cela et que c’est une des raisons qui l’ont conduit à sa Passion. »
  • « Il est vrai que j’ai toujours donné la préférence à ce qu’il y a de plus noble dans l’homme et qui, dans notre monde fait si souvent défaut : la compassion, la solidarité, l’attention aux humbles et à tous ceux que les circonstances de la vie ont mis devant l’épreuve. Les dernières années de ma propre vie m’ont fait beaucoup réfléchir et je crois que j’ai un peu mieux compris la souffrance parce que je l’ai connue et vécue. Je sais que les hommes qui croient en vous accordent de l’importance à la souffrance. Je ne suis pas sûr qu’ils sachent toujours bien en parler… et peut-être même pas du tout. Vous voudrez bien admettre qu’il n’est pas si simple de croire en un Dieu qui enverrait son Fils sur la terre pour mourir au terme d’une Passion que je ne savais pas comprendre dans le texte mais dont la musique a su transmettre toute la grandeur. Mais ne reste-t-elle pas toujours un mystère ? Souffrir est-il un but ? »
  • « Vous avez raison ! La souffrance n’est pas un but … en soi ! Je n’ai pas envoyé mon Fils sur la terre pour qu’il donne un sens à la souffrance. Il a souffert et c’est tout. Mais sa souffrance était pour le salut des hommes, il est là son sens. Ce n’est pas en souffrant sans plus que l’homme se sauve. Et ce n’est pas la souffrance seulement qui le fait entrer sur ce chemin qui le conduit vers sa fin. Sa fin ? Me connaître ! Vouloir librement me connaître ! Je sais bien que beaucoup de sermons ont été prononcés qui ont essayé de sublimer la souffrance, de lui trouver justement un sens, à défaut de lui en donner. Le cardinal Louis Veuillot qui passait par l’épreuve de la maladie a écrit ces belles paroles, remplies de sa propre expérience, … comme vous : « Nous savons faire de belles phrases sur la souffrance. Moi-même, j’en ai parlé avec chaleur. Dites aux prêtres de n’en rien dire : nous ignorons ce qu’elle est et j’en ai pleuré. » [cité par Mgr Marc Lallier dans son homélie aux obsèques du Cardinal Louis Veuillot, le 17 février 1968]. Vous serez étonné que je vous dise cela. Oui, nous sommes au cœur du mystère dont nous avons déjà beaucoup parlé. Et la musique, ne vous a-t-elle pas fait pénétrer au cœur de ce mystère ? Ne l’avez-vous approché un peu ? Un pianiste que vous avez bien connu, Nikolaï Lugansky, a repris à son compte une affirmation d’un compositeur russe comme lui, Sergueï Rachmaninov : « Si l’on aime la musique, on ne peut pas croire que Dieu n’existe pas ». Je vous vois songeur ? …

…/…

Voici votre baguette.

Je mets à votre disposition mon orchestre et un chœur.

Les anges musiciens - Hans Memling.2

Je vous demande de diriger la Messe en Es-Dur de Franz Schubert et de me bouleverser, comme à chaque fois que j’écoute le Credo et le verset « Et incarnatus est… ».

 

Les anges chanteurs

 

Pizzicatho

2014-01-21

Adoration des bergers   Joyeux Noël & Meilleurs vœux pour la nouvelle année 2014

         « Bethléem est certainement le lieu où les extrêmes se touchent. »

         G.K. Chesterton

   « Les bergers prirent des risques, traversèrent probablement des « check points » et des routes bloquées pour VENIR et VOIR,  REPARTIR et TRANSMETTRE  le message d’espoir et de paix à toutes les nations »

   Adoration des bergers – Le Caravage (1609)

   [Musée régional, Messine]

Cette citation est extraite d’une lettre dont j’ai reçu la copie. Je me suis permis d’ajouter des guillemets à l’expression « check points » parce que je ne souhaite reprendre de la phrase que sa pure signification, sans oser me projeter au-delà des siècles pour ce qui est de la réalité de l’événement qui a eu lieu voici 2000 ans.[1]

Le 25 décembre j’écoutais le traditionnel message de Noël du pape (François désormais). Chaque année, et je l’écoute chaque année, les souverains pontifes reprennent une même thématique : celle de la paix. C’est ainsi que Jésus était annoncé par les prophètes.

  • Isaïe 9, 1-6 ; « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule ; on proclame son nom : « Merveilleux Conseiller, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la Paix. » (Isaïe, vers 735 av. JC)
  • Michée 5, 1-4 : « Ils vivront en sécurité, car désormais sa puissance s’étendra jusqu’aux extrémités de la terre et lui-même il sera la paix !» (Michée : contemporain d’Isaïe)

Si depuis tant et tant d’années ce message se décline sur la même thématique, devrions-nous pour autant être désespérés de constater que cette paix, gagnée ici, est perdue ailleurs … et ainsi de suite dans un enchaînement, qui semble inexorable, de conflits qui se succèdent et qui durent depuis des siècles parfois.

Je reprends les 4 verbes essentiels du message :

       Venir  et voir : plus tard, au début de sa vie publique Jésus-Christ lancera à ses premiers disciples cet appel : « venez et vous verrez ». (Jean, 1, 39)

       Repartir : … « Et les bergers s’en retournèrent, glorifiant Dieu… » (Luc 2, 20) et à la fin du même évangile (de saint Luc) Jésus étant mort au calvaire et déposé dans un sépulcre « les femmes qui étaient venues de la Galilée avec Jésus s’en retournèrent… ». (Luc, 20, 55-56)

      Transmettre : Les derniers mots de l’Evangile sont un envoi « Allez, de toutes les nations faites des disciples…leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit ». (Matthieu, 28, 19)

Voilà ce que je retiens, à titre personnel, de ces vœux venus de Palestine où a commencé et s’est achevée la vie d’un homme que beaucoup connaissent par son nom mais qui restent encore bien divisés quant à la réalité que recouvre ce nom : Jésus-Christ.

Je reviens à des mots écrits par le pape François dans sa récente exhortation apostolique « La joie de l’Évangile »

        « Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. Je répète ici pour toute l’Église ce que j’ai dit de nombreuses fois aux prêtres et laïcs de Buenos Aires : je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités.

Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ. »

Pape François, Evangelii Gaudium n° 49

Zurbaran - Adoration des Mages

Chacun peut l’écouter à sa façon mais nul ne peut dissocier ce message de celui dont il s’inspire.

 

         Noël 2013—Nouvelle année 2014

Le  25  décembre 2014 – 6 janvier 2014

PizziCatho

   L’adoration des Mages – Francisco de Zurbarán (1639-1640°

   [Musée des Beaux-Arts de Grenoble]



[1] La lettre a été écrite par D. Nassar, un chrétien qui vit en Cisjordanie dans les conditions qu’on connaît qui affectent cette région. Il est juste que je précise, pour ne pas trahir l’auteur, que l’emprunt à son message n’a pas la prétention d’entrer dans la douloureuse problématique actuelle de la Palestine.

Pour information sur l’auteur de la lettre :

http://www.tentofnations.org/

http://ddata.over-blog.com/xxxyyy/3/21/73/59/Documents-textes/Palestine/Israel-la-tente-des-nations-article-Secours-Catholique0001.pdf

 

Mon cher cousin,

J’ai pris connaissance des trois principes que ton maître à penser t’a rappelés dernièrement, histoire de reprendre la main et de te reprendre en main.

Je les résume :

  1. Ne pas croire que tu « les » convaincras en les persuadant que Dieu n’existe pas.
  2. Ne pas nourrir de faux espoirs de « les » rassurer en « les » laissant croire que l’enfer n’existe pas, que le diable est un mythe…
  3. La voie que tu devras toujours privilégier : l’indifférence.

Il ne m’intéresse pas vraiment de développer par le détail des arguments pour te convaincre de l’ineptie de ces principes.

Vous avez vos méthodes et nous avons les nôtres. Nous sommes au moins convaincus d’une chose, peut-être la seule que nous avons en commun : il y aura toujours entre vous en nous un abîme d’incommunicabilité. Nous devrons nous y faire.

… Cela ne m’empêche pas de m’exprimer, tout comme ton maître ne s’en prive pas.

Laisse-moi te raconter quelques histoires qui, sans doute, font partie de l’histoire que vous entretenez en les transmettant parmi vous parce que Shaytân, votre maître tout-puissant, en est un acteur de premier plan. Il se trouve que nombre de ces histoires font partie d’un trésor que nous appelons les Saintes Écritures. Tu me diras qu’il est curieux que nous les ayons conservées mais je te répondrai que justement elles ont pleinement leur place à titre d’exemple.

Je ne remonterai pas aux origines dont il est question dans le troisième principe que te rappelle le Sbire, sa première victoire !

Je vais avancer dans l’histoire jusqu’au livre que nous appelons le livre de Job. Je suis sûr que tu ne l’as jamais lu et, dès lors, je ne peux faire l’économie de quelques mots d’explication.

La thématique du livre de Job prend place d’emblée au cœur de la théologie spirituelle. En effet, le destin de Job et les divers dialogues qui en permettent l’interprétation interrogent sur des questions essentielles concernant la foi et l’espérance du juste aux prises avec une souffrance imméritée. Pour bien le comprendre le livre de Job exige des clefs de lecture théologique qui introduisent sur des questions majeures auxquelles tout croyant, tôt ou tard, se trouve un jour confronté : le mystère du mal et de la souffrance, en particulier celle qu’il estime injustifiée, la rencontre de Dieu jusque dans l’échec apparent de toute réussite humaine, la confrontation de la fidélité de l’homme avec la justice de Dieu, les difficultés du dialogue avec l’homme souffrant et enfin le sens de la vie elle-même dès lors qu’elle doit intégrer la perspective de la mort[1].

Livre de Job

[Du livre je ne retiens ici que les versets qui intéressent mon propos.]

Chapitre 1 – Job, ses richesses, sa piété

1 Il y avait dans le pays de Hus un homme nommé Job; cet homme était intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal.

2 Il lui naquit sept fils et trois filles.

3 Il possédait sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs, cinq cent ânesses et un très grand nombre de serviteurs; et cet homme était le plus grand de tous les fils de l’Orient.

…/…

Première série d’épreuves  

6 Il arriva un jour que, les fils de Dieu étant venus se présenter devant Yahweh, Satan vint aussi au milieu d’eux.

7 Et Yahweh dit à Satan: « D’où viens-tu? » Satan répondit à Yahweh et dit: « De parcourir le monde et de m’y promener. »

8 Yahweh dit à Satan: « As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n’y a pas d’homme comme lui sur la terre, intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal. »

9 Satan répondit à Yahweh: « Est-ce gratuitement que Job craint Dieu?

10 Ne l’as-tu pas entouré comme une clôture, lui, sa maison et tout ce qui lui appartient? Tu as béni l’œuvre de ses mains, et ses troupeaux couvrent le pays.

11 Mais étends la main, touche à tout ce qui lui appartient, et on verra s’il ne te maudit pas en face! »

12 Yahweh dit à Satan: « Voici, tout ce qui lui appartient est en ton pouvoir; seulement ne porte pas la main sur lui. » Et Satan se retira de devant la face de Yahweh.

Gustave Doré - Job apprend les malheurs qui le frappent - Job Chapitre 1

Gustave Doré – Job apprend les malheurs qui le frappent

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Suivent les versets qui racontent par le détail les épreuves qui frappèrent Job et toute sa maison (versets 13-19)

…/…

Chapitre 2 – Job frappé d’une lèpre maligne

1 Il arriva un jour que, les fils de Dieu étant venus se présenter devant Yahweh, Satan vint aussi au milieu d’eux se présenter devant Yahweh.

2 Et Yahweh dit à Satan: « D’où viens-tu? » Satan répondit à Yahweh et dit: « De parcourir le monde et de m’y promener. »

3 Yahweh dit à Satan: « As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n’y a pas d’homme comme lui sur la terre, intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal. Il persévère toujours dans son intégrité, quoique tu m’aies provoqué à le perdre sans raison. »

4 Satan répondit à Yahweh et dit: « Peau pour peau! L’homme donne ce qu’il possède pour conserver sa vie.

5 Mais étends ta main, touche ses os et sa chair, et on verra s’il ne te maudit pas en face. »

6 Yahweh dit à Satan: « Voici que je le livre entre tes mains; seulement épargne sa vie! »

7 Et Satan se retira de devant la face de Yahweh. Et il frappa Job d’une lèpre maligne depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête.

…/…

Je voudrais à présent que tu consentes à lire ce chapitre du livre d’Amos[1]. Il fait partie des livres prophétiques.

Amos 6, 1-7

1 Malheur à ceux qui vivent tranquilles dans Sion, et en sécurité sur la montagne de Samarie, les plus nobles du premier des peuples, auprès desquels va la maison d’Israël

2 Passez à Calné et voyez; allez de là à Hamath la grande ; descendez à Geth des Philistins ; Ces villes sont-elles plus prospères que ces royaumes, et leur territoire est-il plus étendu que le vôtre?

3 Vous éloignez le jour du malheur, et vous faites approcher le règne de la violence !

4 Ils sont vautrés sur des lits d’ivoire, et s’étendent sur leurs divans ; ils mangent les agneaux du troupeau, et les veaux engraissés dans l’étable.

5 Ils folâtrent au son de la harpe ; comme David, ils ont inventé des instruments de musique.

6 Ils boivent le vin dans de larges coupes, ils se parfument avec les huiles les plus exquises. Et ils ne sont pas malades de la plaie de Joseph.

7 C’est pourquoi ils iront en exil, à la tête des captifs, et les cris de joie des voluptueux disparaîtront.

Et enfin je t’envoie vers un troisième livre, également de la série des livres prophétique, le livre de Malachie[

Malachie 3, 13-20

13 Vous avez contre moi des paroles dures, dit le Seigneur. Et vous osez demander : « Qu’est-ce que nous avons dit entre nous contre toi ? »

14 Voici ce que vous avez dit : « Servir Dieu n’a pas de sens. A quoi bon garder ses préceptes, mener une vie sans joie en présence du Seigneur de l’univers ?

15 Nous en venons à déclarer heureux les arrogants ; même ceux qui font le mal sont prospères ; même s’ils mettent Dieu à l’épreuve, ils s’en tirent ! »

16 Alors ceux qui craignent le Seigneur s’exhortèrent mutuellement. Le Seigneur fut attentif et les écouta ; un mémorial fut écrit devant lui en faveur de ceux qui le craignent et qui ont le souci de son Nom.

17 Le Seigneur de l’univers déclara : Ils seront mon domaine particulier pour le jour que je prépare. Je serai indulgent envers eux, comme un homme est indulgent envers le fils qui le sert fidèlement.

18 Vous verrez de nouveau qu’il y a une différence entre le juste et le méchant, entre celui qui sert Dieu et celui qui refuse de le servir.

19 Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme une fournaise. Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l’impiété, seront de la paille. Le jour qui vient les consumera, déclare le Seigneur de l’univers, il ne leur laissera ni racine ni branche.

20 Mais pour vous qui craignez mon Nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement.

Ces trois passages sont historiquement totalement indépendants. Cependant permets-moi de les rapprocher pour en tirer une conclusion  qui, pour être personnelle, ne me semble pas trop incongrue et dans le but de donner la réplique à ton maître à penser dont toute la stratégie consiste à attaquer les  créatures dans leur chair pour asservir leur âme.

Tu noteras que ce dernier entre bien singulièrement dans l’existence de Job. Tu remarqueras aussi comment mon Maître et le tien dialoguent. Il est assez plaisant ce dialogue. « D’où viens-tu ?… De parcourir le monde et de m’y promener. » Un peu comme si le monde était sa propriété, son lieu de villégiature, oubliant qu’il a été créé et qui l’a créé. Tu sais bien que ton maître, le grand Shaytân, envoie ses serviteurs, dont toi-même, pour semer la zizanie. Et finalement, il faut bien l’avouer, le résultat est assez probant. Mais n’oublie pas qu’il n’agit pas sans une permission explicite : « Voici, tout ce qui lui appartient est en ton pouvoir; seulement ne porte pas la main sur lui. » Et aussi : « Voici que je le livre entre tes mains; seulement épargne sa vie! » Aussi grand soit son pouvoir, il n’est qu’un pouvoir délégué et qui ne va jamais au-delà de la liberté que peut toujours garder la créature. Si mon Maître lui a accordé, non sans risque, la liberté, ce n’est pas pour autant que vous avez toute faculté pour l’asservir dans n’importe quelle condition et autrement que par le seul pouvoir dont vous disposez : la tentation.

Job a toujours gardé sa fidélité dans l’épreuve et ce, malgré l’opposition et les sarcasmes dont il a été l’objet de la part de ses proches et de ses amis.

En revanche les livres d’Amos et de Malachie nous enseignent deux choses :

–          Dans la prospérité l’homme ne tarde pas à abandonner la voie de la fidélité qui était la condition même de son bonheur.

–          Suivre la voie de la fidélité exige des renoncements, de l’effort, de la volonté, et par comparaison, ceux qui ne craignent pas Dieu, vivent –en apparence- dans la prospérité et s’en tirent en dépit de leurs mépris des préceptes et des commandements.

Job est un exemple pour toute créature qui veut rester fidèle à Dieu et garder la foi. De nos jours le matérialisme ambiant génère toutes sortes de satisfactions comme de déceptions et nombreux sont  ceux qui capitulent quand ils rencontrent la souffrance, l’échec, la perspective de la lutte. Le christianisme n’est pas, comme le prétendent ceux qui n’ont pas compris grand-chose à son message ou tout simplement ne l’acceptent pas, une religion doloriste, une religion qui cultive la passivité et la résignation face à l’épreuve physique ou morale.

G.K. Chesterton a écrit un livre remarquable qui a pour titre « La Sphère et la Croix »[3]. Il décrit avec l’humour qui le caractérise l’opposition entre l’esprit du monde et l’esprit du christianisme.

Je le cite : « Que pourrions-nous trouver qui exprime mieux votre philosophie et la mienne que la forme de cette croix et celle de cette boule ? Ce globe est parfaitement raisonnable ; cette croix est déraisonnable. C’est un animal à quatre pattes dont l’une est plus longue que les autres. Le globe est logique. La croix est arbitraire. Avant tout le globe est conséquent avec lui-même ; la croix est essentiellement et par-dessus tout, ennemie d’elle-même. La croix est le conflit de deux lignes hostiles, de deux directions inconciliables. Cette chose muette qui se dresse ici est une collision, une rupture violente, une lutte dans la pierre. Nous en avons assez de ce symbole. Sa forme même est une contradiction. »

« What could possibly express your philosophy and my philosophy better than the shape of that cross and the shape of this ball? This globe is reasonable; that cross is unreasonable. It is a four legged animal, with one leg longer than the others. The globe is inevitable. The cross is arbitrary. Above all the globe is at unity with itself; the cross is primarily and above all things at enmity with itself. The cross is the conflict of two hostile lines, of irreconcilable direction. That silent thing up there is essentially a collision, a crash, a struggle in stone. Pah! That sacred symbol of yours has actually given its name to a description of desperation and muddle. When we speak of men at once ignorant of each other and frustrated by each other, we say they are at cross-purposes. Away with the thing! The very shape of it is a contradiction in terms. »

 Ainsi des réflexions qu’adresse l’un des personnages que tu connais bien, le Professeur Lucifer, adressées à son interlocuteur, que Chesterton appelle le Moine Michaël.

Je ne vois plus rien d’autre à ajouter … sinon pour conclure qu’aujourd’hui on rencontre encore des hommes et des femmes qui à l’instar de Job font face avec courage et puis la foule des « vautrés » qui affirment que « servir Dieu n’a pas de sens ».

Porte toi bien et à une prochaine fois.

 PizziCathoLogo-Année-de-la-foi_francais.3

2013.11.07


Demander … c’est bien !

Savoir écouter … c’est encore mieux !

Bréhat - Le soir et coucher de soleil (35.panorama)2013.07.14 - Dieu, si tu existes ..

Pape François.3

 

 

 

 

 

 

 

Mon cher cousin,

Vous êtes restés curieusement bien silencieux depuis l’élection du pape François. Je ne suis pas trop surpris de ton silence et de celui de ton mentor… Il doit être quelque peu sidéré par les évènements qui se sont déroulés ces derniers jours. Il faut se faire une raison : maintenant que nous voilà entrés dans une nouvelle étape, je suis bien certain que, de votre côté, vous affûtez les flèches et que vous étudiez la cible afin de l’attaquer dans l’angle qui vous semblera le plus vulnérable.

Une chose déjà est certaine, plus rapides que Lucky-Luke qui tire plus vite que son ombre, les médias ont déjà pointé l’artillerie lourde et armé quelques exocets. Dommage pour eux mais leur objectif n’est que l’ombre portée par l’éclairage blafard de leur vision étriquée du monde en général, et de l’Église en particulier, telle qu’elle devrait être selon eux dans le monde qu’ils imaginent. Ils passent à côté de la réalité.

Quant à moi sois certain que l’une des premières visites que j’ai faites après l’élection du nouveau pape François, a été pour ces médias. Je dois bien avouer que c’est passionnant, même si le plus souvent les bras m’en tombent de constater à quel point les vues sont courtes et réductrices dans la plupart des commentaires, quand elles ne sont pas à côté de la plaque.

On pouvait s’attendre à ce que soient lancés les habituels rappels sur les sujets récurrents … « il devra prendre des décisions sur …  le mariage des prêtres et l’ordination d’hommes mariés, l’admission des femmes au sacerdoce ministériel, l’accès des personnes « divorcées–remariées » aux sacrements[1], l’abandon de la position morale de l’Église sur l’avortement… » Un peu comme si, sait-on jamais, le nouveau pape pouvait oublier une chose : « il est d’abord et avant tout le chef de l’Église catholique, le vicaire du Christ. Mais, et s’il s’intéressait en priorité à « ces » questions …  In fine… et s’il pouvait donner une orientation différente à l’Église, être moins catholique ! »

Sans doute n’ai-je pas lu ces formulations écrites mais il n’est pas difficile de les voir pointer derrière des allusions à peine esquissées mais qui en disent déjà long.

A titre d’exemple ces perles tirées d’une interview[2] : « Il faut regarder d’un peu plus près la théologie du cardinal Bergoglio. … Ses positionnements sont plutôt ceux d’un conservateur qui souhaite maintenir l’ordre social moral. … Lorsqu’il était provincial jésuite d’Argentine il n’a pas soutenu la théologie de la libération…. Le problème de l’Église, c’est sa relation à la modernité. …C’est tout le paradoxe d’une institution écartelée entre une autorité de pouvoir et un message d’amour qui s’appuie sur l’Évangile. » 

A lire ces déclarations je me pose sérieusement une question : l’Église peut-elle se faire entendre comme ce qu’elle est par des personnes qui construisent le monde dans leur tête. Avant l’élection les mêmes         « faiseurs de rois » supputaient les chances de tel ou tel et ne manquaient pas de rappeler, à l’occasion, que le centre de gravité de l’Eglise n’était plus en Europe et qu’un pape venu d’un autre continent serait sans doute un signe d’ouverture, une manifestation de reconnaissance d’une réalité. Mais, pour ce qui est de l’Amérique latine, il faut bien avouer que les idées allaient dans une direction moins orthodoxe. C’est là que s’est développée la théologie de la libération ou en tout cas certaines de ses expressions les plus radicales. Un pape venu de ce sous-continent ? … Mais surtout, qui soit en phase avec cette théologie. Au fond, personne n’y croyait vraiment, personne n’imaginait cette audace des cardinaux et il n’a pas fallu bien longtemps pour se rendre compte que le pape François était et n’était pas celui qu’ils attendaient. Il plait dans la simplicité de sa personne et de sa vie. Il plait moins quand il se prononce sur les sujets qui sont dans la norme pour un pape qui est quand même le vicaire du Christ, le chef de l’Eglise catholique.

Mais de tout cela nous aurons l’occasion de reparler en détail, nous ne sommes qu’aux prémices d’un pontificat qui se présente sous un jour passionnant dans une attente sereine et pleine d’espérance.

Les « grands » de ce monde, … ceux qui sont tenus pour tels, se sont crus dans l’obligation de donner leur sentiment. C’est plutôt sympathique de leur part et atteste, pour le moins, qu’à défaut de prendre en compte la vraie signification de cette élection et du choix de l’élu, ils le considèrent comme un des leurs, une personne avec qui il faudra compter.

Je ne vais pas te faire une revue de presse complète de ces pages d’anthologie de haute voltige diplomatique[3], mais je vais quand même te donner un aperçu ce que j’en ai pensé à travers la « lettre ouverte » que, par un intermédiaire de mes protégés que j’ai dans ce pays, j’ai adressée au Président de Fhollandia[4].

François Hollande en St François            Monsieur le Président de la République,                                        

Après avoir pris connaissance du message[5] de bienvenue que vous avez adressé au nouveau pape François, vous me saurez gré de vous faire part de ma reconnaissance pour les vœux chaleureux que vous avez formulés, au nom de tous les citoyens que vous représentez.

Il va sans dire qu’à titre plus personnel, je m’associe tout particulièrement à ces vœux qui répondent point par point à ce qu’un fidèle catholique souhaiterait exprimer lui-même en ces circonstances, s’il avait la possibilité de le faire.

Je note que vous avez souligné la « haute mission » confiée au nouveau pape « à la tête de l’Église  catholique ».

Il est vrai que toute personne appelée aujourd’hui à assumer une charge à la tête d’un État, d’une Institution civile ou religieuse, ne peut éluder la responsabilité qui lui incombe de faire face en son âme et conscience « aux défis du monde contemporain ».

Sans énumérer explicitement quels sont ces défis, la suite de votre message en donne une certaine idée.

Vous rappelez que le pays à la tête duquel les électeurs vous ont porté, est l’héritier d’une histoire et que cette histoire multiséculaire a inscrit dans ses principes les valeurs universelles de « liberté, d’égalité et de fraternité ».  Ces principes, assurez-vous, sont les fondements de l’action que vous entendez développer dans le monde et qu’ils devront être au service du « dialogue » que ce pays a toujours « entretenu avec le Saint-Siège ». Qu’il me soit permis d’ajouter que ces principes ne sont pas seulement écrits au fronton de tous les édifices publics mais qu’ils le sont d’abord dans le cœur de toute personne.

Vous concluez en précisant que ce dialogue doit servir « la paix, la solidarité et la dignité de l’homme »

Vous voudrez me permettre de m’arrêter sur cette dernière expression, remarquable entre toutes, de votre message.

La « dignité humaine » !

Depuis que vous êtes entré en fonction vous avez, comme vous en donne le droit en vertu du suffrage universel, mis en œuvre des actions concrètes en vue de réaliser les objectifs que vous vous étiez fixés et qui constituaient votre programme électoral.

Depuis plusieurs semaines l’Assemblée Nationale débat dans un climat particulièrement tendu, heurté et non dénué d’une certaine violence verbale et psychologique, autour de votre projet de promouvoir par la loi le mariage entre personnes de même sexe qui était l’une de vos propositions phare inscrite dans votre programme.

Pourrez-vous encore prétendre entretenir un dialogue cohérent avec le pape François qui s’est exprimé sans ambiguïté sur le sujet : « Ce qui est en jeu c’est l’identité et la survie de la famille : père, mère et enfants. C’est la vie de tant d’enfants qui seront discriminés d’emblée car ils seront privés du fait de mûrir entre leur père et leur mère, tel que Dieu l’a voulu . Ce qui est en jeu, c’est un rejet frontal de la loi de Dieu, qui plus est gravée en nos cœurs. Ne soyons pas naïfs : il ne s’agit pas d’une simple lutte politique, mais d’une tentative de destruction du plan de Dieu. Il ne s’agit pas d’un simple projet de loi (ce n’est là que l’instrument) mais d’une poussée du père du mensonge qui entend confondre et tromper les enfants de Dieu. » (8 juillet 2010)»

Il ne s’agit pas de mettre en balance deux conceptions distinctes et, selon vous, respectables sous le même rapport, mais de confronter ces mêmes conceptions à la réalité qui est inscrite dans la nature de l’homme. Vous ne pouvez pas prétendre respecter la dignité de l’homme dès lors que vous décrétez arbitrairement que cette dignité est une construction évolutive au gré d’un supposé progrès des mentalités totalement indépendant de la nature humaine.

Vous avez aussi engagé une étude sur la fin de vie. Je rappelle les termes de l’engagement  que vous avez pris  dans votre programme : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »

Nous voilà au cœur de votre message qui, à l’instar d’une variation sur le même thème, instrumentalise une fois de plus le concept de dignité.

Vous avez dans votre entourage des personnes qui sont, d’après les convictions qu’elles affichent, considérées comme « catholiques ».

Vous avez confié à Mme G. Pau-Langevin le pôle de réflexion sur la famille. A propos de l’adoption par des personnes homosexuelles elle s’exprime ainsi, ancrée sur sa « culture catholique » : « J’ai réfléchi non à partir des positions actuelles de l’Église, mais des textes de la Bible. Le Christ est plus ouvert, plus révolutionnaire que ce qui se dit dans certains milieux catholiques. Je vois l’épopée du Christ comme la bataille d’un homme élevé contre les conservatismes. Pour moi les démarches excluantes ne sont pas caractéristiques de la charité chrétienne ».

Parmi les nombreux projets toxiques de votre gouvernement on trouve encore une énième réforme promue par le ministre de l’éducation nationale. Parmi les articles de son credo on peut lire ceci : « « S’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités. … Libérer les enfants des déterminismes religieux et familiaux. » 

Cette dernière profession de foi a été reprise textuellement par la Garde des sceaux pour défendre son projet de loi sur le mariage entre personnes de même sexe.

Lisant toutes ces profondes réflexions affichées comme un socle de convictions, je ne peux manquer de les rapprocher de vos propres convictions –ou plutôt de l’absence de convictions- qui sont le moteur de votre vie : « Je suis arrivé à un point où ce qui s’impose, c’est plutôt la conviction que Dieu n’existe pas. Je respecte toutes les confessions. La mienne est de ne pas en avoir. La démocratie sera plus forte que les marchés, plus forte que l’argent, plus forte que les croyances, plus forte que la religion. »

Il me semble que vous pourriez faire un effort en évitant de proposer au nouveau pape, comme terrain du dialogue que vous appelez de vos vœux, une région qu’il connaît peut-être bien mais qui n’est sans doute pas le meilleur climat pour dialoguer dans la sérénité : le Cap Horn.

Si telles sont les positions fondamentales que vous adoptez, ce dialogue sera difficile à envisager pour trouver une convergence avec qui que ce soit dans l’Église catholique, dont le pape François a rappelé qu’elle ne saurait être réduite à une « ONG pietosa ».

Tous les médias ont repris mot pour mot la dépêche de l’AFP : «  L’Église n’est qu’une « ONG pietosa » si elle ne professe pas Jésus ». Le terme italien « pietosa » se traduit en français aussi bien par « pitoyable » que « compatissante ». Et personne ne sait pour l’instant ce que le pape argentin, qui a appris l’italien avec sa grand-mère piémontaise, entendait exactement par le terme employé. »

Si vous me permettez un commentaire personnel : avec un peu de sens commun, et même sans être un fin connaisseur de la langue de Dante, il n’est pas trop difficile de comprendre que le pape François veut dire que l’Église n’est pas une institution à but humanitaire, qu’elle doit accepter de suivre « Jésus en portant sa croix ». Ce sont les paroles du Christ que vous pourriez lire dans l’Évangile et il n’y a là aucun mystère. Les deux traductions disent bien ce qu’elles veulent signifier et tous ceux qui par le passé ont cru pouvoir réduire leur action dans l’Église  à du social et rien que du social – notamment les dérives marxistes de la théologie de la libération- font la démonstration des paroles du pape François. Il est heureux que ce pape qui peut s’exprimer sur le sujet sans rougir de ce qu’il a fait, le dise haut et fort.

« Ceux qui cherchent le Christ sans la croix trouveront la croix sans le Christ. »

Et en conclusion vous pouvez vous entourer de toute une galaxie de penseurs prétendument catholiques, vous n’êtes pas crédibles quand vous exercez une volonté qui a valeur de diktat, envers et contre tout, au mépris du respect de la liberté d’opinion qui s’est déjà exprimé, pour imposer coûte que coûte vos décisions qui ne respectent ni la liberté, ni l’égalité et moins encore la dignité humaine.

Croyez, monsieur le Président de la République, en l’assurance de ma haute et respectueuse considération.

Voilà, mon cher cousin, de quoi alimenter les discussions avec ton maître dans la perspective d’une stratégie de combat future.

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2013.03.19



[1] Ils n’ont certes pas accès à certains sacrements et notamment l’Eucharistie, mais ils sont toujours baptisés et il ne leur est pas interdit de se confesser. Quant aux personnes divorcées qui ne vivent pas dans une situation matrimoniale irrégulière et qui restent intérieurement fidèles à leur engagement premier elles peuvent vivre leur foi sans restriction aucune vis-à-vis des sacrements comme tout baptisé.

[2] Trois questions à … Olivier Bobineau – Sociologue des religions, auteur de L’empire des papes, CNRS éditions. Interview du Vendredi 15 mars 2013.

[3]J’ai entendu des réflexions moins délicates disant qu’ils sont tous des « faux derche »… Je n’irais tout de même pas jusque-là … !!

[4] Je rappelle que Fhollandia est ce pays imaginaire dans lequel Charly est envoyé pour faire ses preuves.

Mon cher Cousin,

Remets-toi !

Habemus papam !

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Merci à l’Esprit-Saint qui a inspiré les cardinaux en leur insufflant l’audace et la confiance.

Les médias ont déjà encadré la personne du pape François dans des balises qui montrent une fois de plus que, quels que soient leurs principes éditoriaux, ce n’est pas tant le successeur de Pierre choisi par le Christ qu’ils attendent mais un homme qui d’une façon ou d’une autre marquerait son empreinte qui corresponde à leur propre vision de l’Eglise et du monde. Ils n’ont sans doute pas les bonnes lunettes pour lire le message que nous envoie son véritable auteur !

Pour ma part je vois trois patrons à ses côtés :

François d’Assise, pour sa personne,

François Xavier, pour sa mission,

François de Sales, pour le soutenir dans sa communication.

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2013.03.14

 

Le Perugin - Remise des clefs à Saint Pierre.2

Mon cher cousin,

L’urgence des évènements me conduit à t’écrire plus tôt que prévu.

Dans la lettre précédente je t’écrivais : « Dans un prochain courrier je te dirai, à l’instar de le belle Solange, quel pape je souhaiterais. »

Et en préambule, pour qu’on ne fasse pas une erreur de lecture avec les mauvaises clefs, cette précision d’importance : je n’ai pas écrit ces mots parce que les derniers papes n’auraient pas été à la hauteur.

Les médias ont pour principal défaut une certaine « perversité intellectuelle » : non seulement ils se moquent complètement de ce que dit ou de ce que pense vraiment le pape, quel qu’il soit, ils tronquent pour mieux l’attaquer les moindres de ses paroles, mais en plus ils revendiquent toute liberté de mentir, sans accorder le droit de réponse, parce qu’ils orientent le monde contemporain dont ils se veulent l’interprète obligé, dans une optique qui ne veut pas accepter la Vérité qu’exprime le vicaire du Christ.

Je te remets en mémoire ce paragraphe qui est une séduisante litanie tirée de l’article signé Solange Bied-Charreton dans Le Monde du 02/03/2013[1].

« Je veux un pape ringard : un pape insupportable, irrécupérable, trop ringard, qui fait honte. Un pape-autorité, pour pouvoir le combattre. Un pape du Moyen Age, voire un pape archaïque. Un pape que je puisse facilement traiter de fasciste quand il dépasse les bornes.

Un pape toutes options, muni de fâcheux dérapages dans le domaine des mœurs, un pape d’erreurs de communication révélant sa vraie nature de pape. Un repoussoir de rêves. Un empêcheur de changer le monde. Et vieux, s’il vous plaît, le plus vieux possible. Un pape qui comprend rien aux jeunes, au monde moderne qui évolue. Un pape « old school », qui tient la porte aux dames, envoie des bouquets de fleurs…

Je veux un pape contre qui se révolter. Je réclame un pape contre qui faire des manifs. Je veux pouvoir casser du pape. Comment j’existerais si je ne puis contester le monde ancien, m’affirmer sans avoir à détruire des siècles et des siècles d’histoire ? Alors j’aimerais autant que l’ennemi soit identifiable, merci d’avance. »

Alors si tu me permets, et en plagiant la forme, je vais te dire comment je me positionne sur le même sujet.

D’abord, pour que les choses soient bien claires et compréhensibles, je ne peux pas faire abstraction d’un contexte : l’auteur a en travers de la gorge un héritage lourd à assumer dont elle ne manque de faire la douloureuse confession en déplorant à demi-mot faire partie « de  la génération Mitterrand, de ceux qui recréent leurs contraintes et s’enfoncent avec elles dans leurs contradictions. »

Elle se définit elle-même : « trentenaire urbaine, j’habite Paris depuis ma naissance. J’ai fait des études supérieures, voyagé aux Etats-Unis, appris à jouer de la guitare. Pris de la drogue, connu des hommes, visité des musées d’art moderne. J’ai su me confronter à des œuvres dérangeantes, d’inspiration tribale, de facture révolutionnaire. »

Cette génération à bout de souffle semble en panne d’inspiration et je ne vois pas encore de successeur en lice, si tant est qu’il soit souhaitable de lui en trouver un.

Dont acte.

Il y a aussi d’autres générations qui sont nées dans ce dernier quart du XX° siècle.

Elles ont choisi un autre modèle : tu as la Génération Jean Paul II, puis la Génération Benoît XVI, toutes les deux sont dans la continuité, sans césure quant aux motivations et aux nobles aspirations … en attendant que se lève la Génération ….

Tu me permettras de m’exprimer en son nom.

Nous voulons un pape…

  • Un pape Fashion : pas au sens habituel du terme, question style vestimentaire, mais un pape qui tient sa place dans le paysage médiatique autrement que comme une icône de magazine people, parce qu’il a des choses vraies et vitales à nous dire sur la foi et sur la morale.
  • Un pape qui sorte des clous de temps en temps : non par souci d’originalité et de ne pas faire comme tout le monde, mais parce qu’il est le représentant institué de celui au sujet duquel il avait été prédit à sa mère qu’il serait « un signe de contradiction ».
  • Un pape hors-piste : non pas parce qu’il déraille ou qu’il dérape, mais parce qu’il a le devoir de ne pas suivre le consensus mou de l’évolution naturelle en pente descendante vertigineuse de la société en manque de repères.
  • Un pape « Rallye-Dakar » : qui n’a pas peur de l’aventure, sans courir l’aventure pour l’épate, parce qu’il sait bien que sa fonction est de marcher en tête, en tenant bien en main la Croix qu’il reçoit en héritage de son maître, comme l’insigne de sa charge et obéissant au mandat de la porter pour le suivre.
  • Un pape version tempête apaisée plutôt que radeau de la Méduse : parce qu’il est à la barre de la barque de Pierre et qu’il a pour mission d’aller au large, malgré les tempêtes.
  • Un pape « Vendée-Globe » : qui ne craint pas d’affronter les 40° rugissants qui se déchaînent chaque fois qu’il prononce une parole qui va à contre-courant du tout-prêt-à-penser dans les domaines tellement sensibles de la foi et de la morale.
  • Un pape qui siffle la fin de la récré : maintenant tout le monde rentre à la maison et plus question de réinventer et de faire des expériences pour voir si ça marche mieux sous prétexte que les méthodes d’avant c’est plus « fashionable ».
  • Pas un pape « pot-de-fleurs-parce-que-c’est-décoratif » : un pape qu’on invite pour les grandes occasions parce que ça fait bien sur la photo dans les archives historiques[2].
  • Pas un pape langue de bois : un pape qui parle haut et fort, qui nous fixe des exigences et des objectifs élevés à la mesure de la mission qui a été celle de l’Eglise de toujours, depuis le premier jour, avec les premiers chrétiens dont beaucoup furent des martyrs, et jusqu’à aujourd’hui.
  • Pas un pape G.O. style Club-Med : qui fait « gouzi-gouzi » pour plaire à tout le monde et ne déplaire à personne.
  • Pas un pape qu’on laisse jouer au pape : parce que c’est une figure incontournable et qu’on peut plus s’en passer même si on ne l’écoute plus.
  • Pas un pape qu’on n’autorise pas à parler des droits de l’homme : parce que la meilleure façon de servir les droits de l’homme c’est d’affirmer et de respecter les droits de Dieu.

Nous voulons un pape qui marche devant nous, un pape qui prie, un pape qui nous ouvre le chemin, un pape qui n’a pas peur d’aller à rebours des modes qui passent, parce que c’est la mission que lui a confiée Jésus-Christ :

15 « Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui répondit : « Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux. »

16 Il lui dit une seconde fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre lui répondit :  » Oui, Seigneur, vous savez bien que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux. »

17 Il lui dit pour la troisième fois : « M’aimes-tu ? » et il lui répondit : « Seigneur, vous connaissez toutes choses, vous savez bien que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis. » 18 « En vérité, en vérité je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même, et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et un autre te ceindra, et te mènera où tu ne voudras pas. »

19 Il dit cela, indiquant par quelle mort Pierre devait glorifier Dieu. [3] »

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2013.03.08

 

 

 


   


[2] A ce propos on se souviendra de l’assistance de nombreuses personnalités à la conférence de Benoît XVI aux Bernardins à l’occasion de sa visite pastorale en France du 12 au 15 septembre 2008 – http://www2.ktotv.com/cms/videos/fiche_video.html?idV=00040852&vl=video_nouveautes

[3] Jean, 21, 15-19

Les toits de Rome.6

Mon cher cousin,

Ton oncle t’a donné un conseil judicieux en te recommandant de t’informer sur ce qui se dit sur le sujet dans les médias.

J’ai moi aussi suivi ce conseil –enfin pour le dire plus vrai, je n’ai pas attendu qu’il le dise !- et je voulais aujourd’hui te donner quelques aperçus de la presse à partir d’une sélection d’articles particulièrement intéressants. Les souris » ont fait beaucoup de kilomètres sur leur petit tapis, depuis l’annonce par Benoît XVI de sa décision de remettre entre les mains de Dieu la charge qu’il avait reçue le 19 avril 2005. Heureusement, ça se tasse un peu, comme il est habituel, l’actualité étant de loin dépassée par la fiction qui est le domaine d’élection de la plupart des journalistes, davantage intéressés par ce qui pourrait être que par ce qui se passe dans la vraie vie.

Alors, en attendant la prochaine poussée d’urticaire qui provoquera un prurit généralisé à l’échelle de la planète, quand la fumée blanche sortira de sa petite cheminée, je te fais la primeur de ma revue de presse, une sélection d’articles emblématiques de l’atmosphère qui entoure l’événement.

Je présume que tu n’auras pas le même regard que moi sur les articles parus dans les médias.

Je limiterai mes commentaires à ceux qui m’ont le plus marqué et, en t’avouant d’entrée de jeu que je ne partage pas vraiment les opinions qui sont émises. Ceux qui ont attiré mon attention sont, à mon sens, un peu « trash » … mais tout compte fait cela ne devrait pas te déplaire que je leur fasse de la publicité à ta place.

Dans la catégorie « Médias » je donne la dent de requin d’or au journal Le Monde, qui pour le coup mériterait bien le titre de « magistère de l’antipapisme primaire ». Mais tu n’es pas sans savoir comme moi que ce journal, qui a la prétention de l’indépendance vis-à-vis de toutes les instances qu’elles soient politique, économique, idéologique et bien entendu religieuse … survit grâce au bon vouloir et aux moyens financiers de quelques lobbies puissants auxquels il se doit de faire allégeance.

Dans la catégorie « Journalistes », j’accorde le croc d’argent à Stéphanie Le Bars[1] pour l’article « Vigueur », en forme d’éditorial dans un Cahier daté du 27.02.2013 sous le titre « l’Eglise après benoît XVI ». J’ai repris les passages marquants, dont certaines citations de Benoît XVI lui-même qu’elle a le bon goût de reprendre. C’est le gage d’une certaine bonne foi.

  « Dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Évangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire. » (Benoît XVI, 11 février).

                Il a invité ensuite un prochain pape nécessairement « vigoureux » à mettre fin aux « rivalités et divisions » de l’Eglise catholique.

                (Il a souligné) « l’urgence d’une nouvelle gouvernance, d’autant que les défis qui se présentent – sécularisation, pluralité religieuse, crise des vocations – sont nombreux. Sans parler des difficultés de l’institution à faire partager sa vision de la famille et sa conception de la morale sexuelle.

                Le prochain pontificat, encore plus que celui qui s’achève, sera placé sous le regard d’une opinion publique et de médias toujours plus exigeants en matière de transparence. Cette culture demeure balbutiante dans une Eglise trop souvent prise au piège de ses contradictions entre l’idéal de ses enseignements et les pratiques de certains de ses représentants. …

                De là dépendra aussi la capacité de l’Eglise catholique à se faire entendre sur des thèmes qui dépassent le cercle des seuls croyants comme en témoigne son message sur la doctrine sociale, sur l’accueil de l’étranger, ou ses mises en garde contre un capitalisme sans limites. »

Mon commentaire : tu remarqueras que l’accent est mis sur les éternels poncifs de l’incapacité de l’Eglise et de la hiérarchie –concept insupportable ! – à s’adapter au monde moderne avec lequel elle creuse un abime insondable par sa volonté de ne pas sortir de ses convictions en matière de morale et surtout sexuelle. Comme si l’être humain pouvait se résumer à cet espace anatomique … parce que pour ce qui est la dimension spirituelle de ce même espace … !

Dans la même catégorie, la griffe d’or est attribuée à Solange Bied-Charreton[2].

Je dois avouer que j’ai lu avec un plaisir presque peccamineux cet article plein de verve et d’un humour décapant que j’apprécie par son côté déjanté.

Je vais m’arrêter un peu plus longuement sur cet article parce qu’il est nécessaire de le décortiquer. Il va sans dire que le lire au premier degré lui enlève toute sa saveur… je devrais dire son piquant.

Je ne sais pas à vrai dire, jusqu’à quel degré il faut monter pour le lire et en tirer tout l’enseignement. L’écrivaine (ou l’auteure) [3] écrit « diablement » bien ! J’espère que tu apprécieras le qualificatif. Il est quand même rare dans ma prose, moi qui n’entends pas fréquenter même de loin les parages de ton lieu de détention coutumier, en dehors de tes missions sur le terrain.

J’ai fait pour toi une sélection-florilège de l’article et je te recommande vivement la lecture de l’intégralité dont tu transmettras une copie à ton patron, je pense que ça l’intéressera.

D’abord faisons les présentations : la « ravissante idiote [4]» se définit elle-même ainsi :

« Trentenaire urbaine, j’habite Paris depuis ma naissance. J’ai fait des études supérieures, voyagé aux Etats-Unis, appris à jouer de la guitare. Pris de la drogue, connu des hommes, visité des musées d’art moderne. J’ai su me confronter à des œuvres dérangeantes, d’inspiration tribale, de facture révolutionnaire. »

Je te préviens d’avance, et tu vas peut-être avoir honte pour moi d’avoir aimé cet article qui sent la « provoc » à mort, mais, pour faire « djeuns », quand j’ai lu ça j’étais quand même mdr [5]!!

                « Malgré l’extravagance de son accoutrement, il a bien fallu se rendre à l’évidence : le pape est un homme comme les autres. Il n’est plus adapté. Qu’allons-nous donc devenir sans Benoît XVI, ce repère idéal pour penser autrement, ce monument de ringardise ? Ce pape était tout ce qu’il nous restait, ou presque, d’intolérable. Il était encore pire que le précédent. »

                Tu avoueras que, comme entrée en matière, il y a plus soft ! Au moins cette introduction a le mérite d’afficher la couleur.

Sans faire tout le travail à ta place, je vais te livrer mon analyse en deux volets :

Ce que la signataire nous révèle d’elle-même

Comment elle voit le prochain pape :

« Je rêve d’un monde plus libre, où l’on pourrait faire ce que l’on voudrait, dans le respect des normes de sécurité et de respect mutuel Je n’ai pas vu la société évoluer, je n’ai pas non plus contribué à ce qu’elle évolue. J’aurais bien volontiers manifesté contre la loi instituant le contrat première embauche (CPE) en 2006, mais à ce moment-là je révisais un concours. On m’a laissée très libre. En réalité, on ne m’a rien laissé que des doutes, on ne m’a rien offert que des choix infinis, mais on m’aura tout de même appris à trier mes ordures. C’est la monnaie de ma pièce, le revers peut-être bien. (…) Arnaud Fleurent-Didier l’a très bien traduite dans sa chanson « France-Culture », cette absence de transcendance qui nous colle à la peau, cet évanouissement des fondamentaux, cette perte du sens. Cet impératif du fun qui est notre seul devoir. Ce droit au dialogue permanent qui ne nous contente pas. Il nous faut des romans pour décrire cet après qui déteste l’avant » (dans lesquels) des trentenaires d’aujourd’hui, les bébés bienheureux de la génération Mitterrand, recréent leurs contraintes et s’enfoncent avec elles dans leurs contradictions. »

Il est vraiment intéressant de lire cet aveu, jailli comme un cri du cœur du tréfonds d’une effrayante détresse qui ne veut pas l’avouer, expression de la désespérance d’appartenir à une génération qui n’a reçu que du « savoir vivre libre » sans savoir pourquoi ni dans quel but : « … on m’aura tout de même appris à trier mes ordures ». Les ordures ménagères, certes, mais toutes celles qui s’accumulent dans l’âme (… ça existe ?) et pour lesquelles il n’y a pas de sacs, de benne, de déchetterie … on n’a rien prévu. Alors comme il faut bien les vider quelque part, ces « ordures d’un autre type », on se défoule sur toute sorte de boucs émissaires sur lesquels on les déverse à longueur d’articles.

Le plus tragique est cet autre cri du cœur qui n’ouvre pourtant pas sur l’espérance et qui s’enfonce dans le vide, un vide sidéral.

         Alors un nouveau pape, oui mais « que le nouveau pape soit différent des autres. Nous voudrions d’un pape qui soit à notre image. Nous voudrions d’un pape à la portée de tous. Un pape si possible moins ancré dans le passé. Un pape assez ouvert pour discuter avec nous, par messagerie instantanée. Un pape pour régler tous nos problèmes de couple. Un pape trendy, qui laisserait un peu la théologie de côté. Un pape qui transforme les églises en espaces de prière et les confessionnaux en espaces détente. Un pape qui se la coule douce. Un pape de tolérance, un pape de résistance. Un pape que tu peux appeler quand  t’as pas le moral. Un pape jeune et fort. Un pape grand et beau. Une image positive, c’est mieux pour faire passer le message. Un pape pas toujours habillé pareil. Un pape qui se prend pas la tête. Ou, mieux, un pape vintage, un pape dans son jus. Un pape customisé, en vitrine. Un pape souriant sur une affiche dans ma cuisine, Un pape qui réinvente, un pape qui redécouvre, un pape qui revisite un peu le modèle papal. Un pape en papier peint, ambiance vide-grenier, qu’on achète d’occasion. Le pape est le meilleur ami de l’homme. »  

                 (Drôle quand même !)

Et malgré cette inspiration profonde d’une bouffée d’air un peu plus pur, cette éclaircie en bleu pastel dans un ciel plombé, l’article plonge à nouveau dans la tourmente de l’orage, comme la rechute inexorable, typique du syndrome bipolaire.

                « Un pape insupportable, irrécupérable, trop ringard, qui fait honte. Un pape-autorité, pour pouvoir le combattreUn pape du Moyen Age, voire un pape archaïque. Un pape que je puisse facilement traiter de fasciste quand il dépasse les bornes.

                Un pape toutes options, muni de fâcheux dérapages dans le domaine des mœurs, un pape d’erreurs de communication révélant sa vraie nature de pape. Un repoussoir de rêves. Un empêcheur de changer le monde. Et vieux, s’il vous plaît, le plus vieux possible. Un pape qui comprend rien aux jeunes, au monde moderne qui évolue. Un pape « old school », qui tient la porte aux dames, envoie des bouquets de fleurs…

         Je veux un pape contre qui se révolter. Je réclame un pape contre qui faire des manifs. Je veux pouvoir casser du pape. Comment j’existerais si je ne puis contester le monde ancien, m’affirmer sans avoir à détruire des siècles et des siècles d’histoire ?

                Alors j’aimerais autant que l’ennemi soit identifiable, merci d’avance. »

Enfin ce constat qui donne la mesure de l’incompréhension abyssale de cette même génération saccagée, reconnaît implicitement Solange Bied-Charreton, selon « un modèle libéral, démocratique, (qui) m’a donné un certain dégoût, disons désintérêt, de la religion. Génération imperméable à la simplicité désarmante qui est le trait marquant de Benoît XVI, dont la stature intellectuelle n’a pas d’équivalent en ce siècle débutant (… pour ne pas parler du précédent déjà entré dans les archives de l’histoire).

         « Le pape est resté debout, et on ne sait pourquoi, pour braver le sens de l’Histoire, pour nous prouver que certaines traditions n’ont pas encore été avalées par le présent sans fin. »

         Et d’appeler de ses vœux «  un pape qui ne soit pas d’accord ! Je veux un pape de fight, je veux un pape pour se clasher avec. Un pape qui dit « non merci » quand tu lui proposes un joint, qui refuse de participer à des free parties, crache sur nos jeans skinny et nos afters deep house. Qui rechigne à bouger son corps quand il est invité aux sets des meilleurs DJ de la planète. »

          Cette lecture pour désarmante, voire suffocante qu’elle soit, ne laisse pas aussi d’être édifiante et sous la plume sarcastique pointe, peut-être, un semblant de tendresse (… toute intellectuelle tout de même) qui n’est peut-être pas la vraie charité mais qui me semble témoigner d’un réel intérêt pour la personne. Et surtout mêlée à des flèches un peu empoisonnées on voit affleurer toute la misère d’une génération durablement flétrie par le manque de repères des années où les roses étaient à la mode quand on croyait qu’elles étaient belles, parfumées et sans épine.

Eh bien oui, j’en terminerai par te confier, mon cher cousin, que nous sommes nombreux dans l’Eglise à appeler de nos vœux un pape pas tout-à-fait comme ça ni tout-à-fait comme les autres, qui sache résister sans faiblir à la tête d’une institution vieille de 2000 ans dont il n’existe aucun équivalent dans l’histoire, qui a traversé toutes les évolutions et les révolutions et qui survécu quand on la croyait moribonde même qu’il n’a pas manqué de fines lames pour tenter de l’achever.

Dans un prochain courrier je te dirai, à l’instar de le belle Solange, quel pape je souhaiterais.

A bientôt

                PizziCathoLogo-Année-de-la-foi_francais.3

2013.03.07



[3] … Il paraît que l’orthographe d’aujourd’hui c’est comme ça … Je trouve ça très laid et je ne recommencerai plus.

[4] C’est (aussi) le titre d’un film français réalisé par Édouard Molinaro et sorti en 1964.

[5] Ou … lol ! Si tu préfères !

 Mon cher « cousin »,

Tu ne m’en voudras pas de te considérer comme un cousin éloigné, un de ces lointains parents qui, pour des raisons diverses, ont quitté la famille, brisant tous les liens, mais qui gardent dans leur cœur -même si je ne sais pas bien quels sentiments vivent encore dans ce cœur là- une certaine nostalgie de la famille.

Peut-être est-ce la raison de ton assiduité à vouloir te manifester parmi nos protégés, leur faisant croire qu’il existe un autre monde, bien plus intéressant dont tu es, en quelque sorte, un ambassadeur. Je t’avouerai que je trouve tes lettres de créance un peu douteuses et qu’il faut faire preuve d’une bonne dose de naïveté pour les recevoir mais, ces « êtres stupides », comme vous vous plaisez à les appeler, font trop souvent preuve de légèreté, ce qui les rend pourtant si attachants. Remarque bien qu’il en va de même pour nous, nous ne sommes pas dupes de leur labilité, non sans oublier toutefois que si nous sommes à leurs côtés, c’est précisément parce que, une fois n’est pas coutume, nous sommes bien d’accord sur un point : ils ne peuvent pas s’en sortir tout seuls, que ce soit dans un sens ou dans l’autre.

J’espère donc, que tu ne m’en voudras pas si je prends la liberté de t’écrire pour te faire part de mes commentaires au sujet des lettres que ton oncle, «le sbire de Shaytân », t’a écrites pour  t’encourager dans ton entreprise. Si j’ai bien compris tu es envoyé sur le terrain pour faire tes preuves.

Note bien jusqu’ici que je ne vois pas de raison de renoncer à ma fonction et de te laisser faire sans réagir.

Avant de poursuivre permets-moi de revenir au propos initial qui est le motif de mes courriers. J’ai lu avec l’attention qu’elles méritent, toutes les lettres qui te sont parvenues et dans lesquelles ton oncle, cet « énarque » haut-placé dans la bureaucratie infernale, ton patron direct, t’instruit sur la façon de conduire mon protégé vers le côté obscur de la force comme on l’appelle parfois, pour qualifier ce lieu innommable auquel tu as choisi de vouer tes services, je veux parler de l’enfer. J’ai aussi appris de ton mentor qu’il vaut mieux se la jouer discrète et ne pas employer ce mot, la meilleure tactique pour faire croire qu’il n’existe pas ni non plus, le maître des lieux.

Il est vrai qu’aujourd’hui nombreux sont ceux qui ne croient pas plus au ciel qu’à l’enfer, à Dieu ou au diable. Et pourtant on n’a jamais autant parlé de ces « mondes imaginaires » et de ces « personnages de fiction » que de nos jours. Par curiosité, ouvre un journal, écoute ceux qui s’expriment dans tous les médias … Il ne se passera pas longtemps sans qu’apparaisse, sous une forme ou sous une autre, une référence à nos patrons respectifs, sur  le mode de la variation sur le même thème, où ils sont mis en scène.

Tu me permettras aussi de te faire remarquer un détail, mais qui est d’importance. Ton maître appelle le mien « l’ennemi » avec un mépris certain et une condescendance non moins affichée. Il t’aura, je n’en doute pas, informé de l’origine de ce monde auquel tu appartiens désormais. Mais comme je me méfie de ce qu’il raconte, je préfère te dire la vérité. Il y a bien longtemps, ton patron était un ami de mon Maître et Seigneur, et je tiens à exprimer par ce titre ma vénération et toute mon  affection envers lui. Mais il eut un jour un sérieux différend à propos d’une initiative qu’il avait l’intention de prendre et dont il a informé celui qu’il considérait alors comme le plus fidèle de ses sujets et qu’il avait placé au plus haut dans la hiérarchie de l’armée céleste.

Peut-être te rappelles-tu qu’il a créé tout ce qui existe, même si vous déployez depuis longtemps d’énormes efforts pour forger des idéologies de substitution dont vous voulez remplir la cervelle des « pauvres créatures ». Ainsi, il a eu le projet de couronner sa création par ce qu’il voulait comme son chef-d’œuvre. Il voulait le créer « à son image et à sa ressemblance ». Cette créature était insupportable à ton patron. Elle est celle qu’il affuble des noms les plus méprisables « cette affreuse vermine humaine » « ces animaux à deux pattes » « ces imbéciles » … son imagination sur le sujet est inépuisable. C’est à partir de ce moment que de fidèle serviteur ton maître est devenu l’ennemi de mon Maître qu’il n‘a plus voulu servir.

Laisse-moi te dire une dernière chose : vous semblez ne rien savoir d’un don précieux qu’il nous a donné en héritage celui d’aimer. J’ignore même si tu sais ce que ce simple mot veut dire, mais il donne à toute la vie de l’homme un sens qui vous interdira à tout jamais de le comprendre. C’est bien pourquoi par tous les moyens vous essayez de le pervertir en orientant ses capacités d’aimer dans des directions où il s’enlise. L’une de vos plus cuisantes défaites, qui s’appelait Augustin, le décrit à merveille dans un de ces livres que vous haïssez, La Cité de Dieu [1]: « Deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la Cité terrestre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la Cité céleste. »

Votre moteur est la haine de l’autre à laquelle vous donnez des figures multiformes agrémentées des costumes les plus séduisants, l’égoïsme, la colère, la luxure, l’intempérance… la liste est interminable, et il faut bien reconnaître que vous avez acquis un art consommé pour les travestir et les rendre acceptables : l’égoïsme devient l’affirmation de soi, la colère simule la vertu de force, la luxure emprunte toutes les formes de la variation sur le thème de l’amour, l’intempérance se décline sur le mode du bon goût et du raffinement… En bref vous disposez d’un arsenal très sophistiqué pour tromper les créatures. Il faut bien avouer que vous avez acquis beaucoup de savoir-faire et ils tombent plutôt souvent dans les pièges que vous leur tendez.

Alors je voulais avant de terminer cette première lettre, te confirmer dans ma conviction, au cas où tu imaginerais autre chose, que je ne me laisserai pas faire et que tu me trouveras toujours sur ton chemin, partout où tu seras pour user contre mon protégé du seul pouvoir qui te reste à toi et à tes semblables, la tentation.

            A bientôt, mon cher « cousin ».                                                                                        

PizziCathoLogo-Année-de-la-foi_francais.2

2013.02.28